Édito

Chantiers d’Europe

Publié le 12 avril 2024
L’Union européenne a du mal à valoriser son bilan. Son processus de décision est complexe, les textes nombreux, les débats parlementaires rarement présentés dans les médias français, la pédagogie de l’action européenne insuffisamment relayée. Pourtant, à quelques semaines des élections, les institutions sont encore en action. Cette semaine, nous présentons trois chantiers qui ont avancé récemment : les droits des travailleurs des plateformes, la politique de défense et la politique industrielle.
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Le livreur en vélo est devenu en quelques années une figure familière de notre paysage urbain. Le développement fulgurant de cette activité a révélé une demande jusqu’alors non satisfaite. La rapidité s’explique aussi par les conditions d’exercice de cette activité : les livreurs liés à des plateformes en ligne (tout comme les chauffeurs) sont considérés comme des travailleurs indépendants. Vraie souplesse permettant une entrée sur le marché du travail pour des jeunes qui avaient du mal à s’y insérer ? Ou précarité organisée, déguisée sous une fausse autonomie ? L’Union européenne, contre l’avis de la France et de l’Allemagne, a tranché : il s’agit en fait d’une relation de subordination à un employeur et non d’un travail indépendant. La France avait essayé de réguler l’activité des travailleurs de plateforme en suivant une autre voie. Autrice d’un rapport de Terra Nova sur le sujet, Laetitia Dablanc observe ici les conséquences du nouveau texte européen pour la situation française.

Les projets européens en faveur d’une Défense commune, réactivés par la menace russe, se heurtent, au moins autant qu’à des obstacles de principe, à des stratégies industrielles rivales. Nombre de pays européens sont producteurs et exportateurs d’armes et veulent bien d’une stratégie de Défense commune à la condition de préserver leurs intérêts industriels. C’est pourquoi il est indispensable de définir une stratégie européenne industrielle commune en la matière. C’est ce que l’Union européenne a présenté en mars dernier, comme l’explique ici Alberto Bueno. Les Européens doivent surmonter plusieurs défis : développer des programmes qui soient cohérents et qui ne laissent pas de lacunes afin d’être capables de mieux répondre par eux-mêmes à leurs propres besoins militaires, réduire leur dépendance à des matériels fournis par des puissances étrangères (en premier lieu, les Etats-Unis) et trouver les financements nécessaires.

Les projets industriels autour de l’hydrogène décarboné sont des atouts essentiels pour réussir la transition vers une industrie zéro émission. C’est pourquoi l’Union européenne a développé un programme spécifique pour les favoriser, à travers un « Projet important d’intérêt européen commun » (PIIEC). Est-elle pour autant capable de mener à bien de tels projets d’innovation ? Est-ce son rôle de promouvoir des projets industriels ? Alors qu’une première vague de cet ambitieux programme de financement vient de s’achever, Christophe Schramm en tire ici quelques leçons en vue de favoriser son plein succès. Il ne s’agit pas seulement de développer une technologie à court terme mais de faire émerger, dans les 5 à 10 ans à venir, tout un système complexe de production, stockage, transport, distribution… L’idée d’une politique industrielle européenne active n’est plus un tabou à Bruxelles, mais l’Union a encore quelques progrès à faire pour arriver à ses fins. L’hydrogène offre un terrain d’apprentissage et d’amélioration, particulièrement éclairant.


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