Édito

La campagne commence

Publié le 26 janvier 2024
Il n’était pas attendu et s’est invité par surprise : le malaise du monde agricole vient de lancer la campagne pour les élections européennes des 6 et 9 juin prochains. Avant d’arriver en France, les mobilisations s’étaient imposées en Allemagne. Mais la question de la transition agricole avait déjà animé le débat politique aux Pays-Bas, en Italie et en Pologne. L’Europe figure à nouveau comme un accusé idéal. Le Pacte vert européen, qui vise à préparer le continent aux objectifs de l’accord de Paris, concerne pourtant peu le secteur de l’agriculture. Ce qui n’empêche nullement les partis conservateurs, tentés par des alliances avec les populistes, d’imputer le malaise actuel des agriculteurs à des textes européens qu’ils ont parfois bloqué au Parlement. La route de l’adaptation à une agriculture durable sera longue et mouvementée.

Le monde agricole devra prendre sa part de l’effort de réduction des émissions de carbone. Mais de nombreuses petites exploitations vivent plus difficilement le coût des adaptations et ont le sentiment que l’effort n’est pas équitablement partagé. Les mécanismes de limitation des émissions de carbone passent nécessairement par les prix ou par des normes. Pour trouver une répartition équitable de l’effort, certains préconisent une comptabilité carbone individuelle. Quels seraient les avantages et les inconvénients d’une telle démarche ? Nous prolongeons cette semaine une discussion contradictoire sur le sujet, en donnant la parole à l’association « Allocation climat ».

Parmi les sujets qui risquent de rester de côté pendant la campagne électorale européenne, La Grande Conversation traite cette semaine l’importante question du budget. Pour faire face aux conséquences de la crise Covid, les Etats européens ont décidé en 2020 d’emprunter en commun sur les marchés. Les plus enthousiastes parlé à cette occasion de « moment hamiltonien » pour évoquer l’étape symbolique que pouvait représenter le fait de se créer une nouvelle obligation commune : être garants en commun des emprunts faits au nom de l’Europe… et les rembourser. Les modalités du remboursement, explique ici Louis Andrieu, n’ont pas été fixées par les Etats membres. Comment procéder pour payer nos dettes à partir de 2028 ? Ce sont les députés élus en juin au Parlement européen qui devront en décider…

Pendant ce temps, les Etats discutent du budget en cours, nous rappelle Anne Bucher en présentant le résultat du sommet du 15 décembre dernier où la Commission demandait une rallonge. Et ils se réuniront encore très prochainement, le 1er février, pour prolonger leur négociation qui n’a pas abouti en décembre. Après avoir acté de nouvelles candidatures, en particulier celle de l’Ukraine, il faudra bien rediscuter des règles budgétaires. Ou revoir tous les programmes européens à la baisse… Mais les électeurs sont-ils bien conscients de ce qu’ils perdraient à laisser faire le moins-disant ? Le budget européen n’est pas une réalité lointaine. Il finance des programmes d’intervention dont les citoyens ignorent trop souvent qu’ils viennent de Bruxelles. L’Europe peut-elle s’offrir une crise budgétaire à six mois des élections ?

Les discussions laborieuses au sein de conseil européen s’expliquent en partie par les tensions actuelles dans la relation franco-allemande. L’économiste Elie Cohen en présente ici les trois dossiers les plus sensibles. Tout d’abord, l’Europe de la Défense, un chantier que l’agression russe contre l’Ukraine a remis au tout premier plan. Malgré des programmes communs, Français et Allemands peinent désormais à renforcer leur coopération en la matière. La politique de l’énergie fait l’objet depuis longtemps de divergences stratégiques entre les deux pays, qui s’accentuent avec la crise du gaz russe. Enfin, la politique macro-économique reste un sujet de discorde puisque la France apparaît toujours comme le mauvais élève européen, au grand dam de Berlin. Par le passé, les mésententes franco-allemandes ont toujours été surmontées. Mais les situations politiques d’Olaf Scholz et d’Emmanuel Macron le permettent-elles toujours ?

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