Édito

La science, la culture, la médecine et leurs ennemis

Publié le 9 février 2024
Des circonstances exceptionnelles imposent parfois de faire des choix politiques en l’absence de certitudes ou de connaissances établies. C’est vrai en matière de politique culturelle, où le soutien à la création relève toujours d’une forme de pari. C’est aussi ce qui s’est passé au moment de l’irruption du virus du Covid-19. De polémiques en rumeurs, les hypothèses les plus diverses ont circulé sur l’origine du virus. La crise passée, on se hâte de tourner la page. Pourtant, on commence à y voir plus clair sur le point de départ de cette crise.
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L’évolution est le concept unificateur de la biologie. Les plantes qui nous nourrissent, les forêts qui nous oxygènent en sont les produits, tout comme les virus qui nous rendent malades. Comprendre les mécanismes de l’évolution, l’origine de la vie et sa diversification adaptative au fil du temps, c’est le métier des biologistes de l’évolution, comme Florence Débarre. Elle retrace ici la façon dont sa discipline documente la question que chacun se pose : comment est apparu le coronavirus Sars-Cov-2 qui a tant bouleversé nos vies ? Une enquête scientifique qui progresse pas à pas, sous la contrainte de fortes préoccupations éthiques, géopolitiques et écologiques.

Et dont le principal écueil est d’être récupérée par les populistes de tous bords qui diffusent la défiance à l’égard de la science. La culture, elle aussi, fait face aujourd’hui aux suspicions populistes. C’est le constat dont part  Victorien Bornéat dans sa note inspirée de son expérience des politiques territoriales de la culture : des décennies d’action publique pour démocratiser la culture n’ont pas permis d’enrichir les pratiques culturelles des Français. Selon lui, la culture publique, malgré son volontarisme contre les maux du monde, ne participe plus que de manière lointaine aux transformations sociales actuelles. Le discours populiste s’empare désormais de cette réalité pour s’attaquer à la culture subventionnée des « élites » et jeter le discrédit sur le service public culturel. La clé est de réinventer une éthique de la création artistique subventionnée, qui replace au centre de la politique culturelle, non l’intention esthétique novatrice des œuvres, mais leur capacité à rencontrer leur public.

En matière de santé, l’heure est à la culpabilisation des usagers. Plusieurs annonces de l’exécutif insistent sur la « responsabilité » des patients à l’égard de leurs dépenses de soins : cette médecine socialisée universelle dont nous bénéficions, en consomme-t-on trop, et par insouciance ? C’est ce qu’a avancé le président de la République pour justifier un doublement des franchises médicales. Voici, montre Mélanie Heard, le retour en force d’une vision conservatrice, paternaliste et moralisante de la politique de santé, que juristes, médecins, économistes et patients critiquent depuis plus de vingt ans. Fréquentation bobologique des urgences, rendez-vous médicaux non-honorés, surconsommation de médicaments… : avec des mesures censées « responsabiliser » les usagers en agissant sur leur niveau de remboursement, le gouvernement fait le choix d’une politique qui n’a guère d’arguments empiriques en sa faveur, mais qui risque de pénaliser les plus fragiles et contrevient à la solidarité universelle entre malades et bien-portants, socle de notre sécurité sociale.

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