Édito

Le tournant du quinquennat

Publié le 22 décembre 2023
Le vote de la loi sur l’immigration laisse le pays et son gouvernement sans boussole. Le malaise d’une partie des députés de la majorité laissera des traces, de même que les cris de victoire de l’extrême droite. Le « en même temps » macronien se révèle sans substance, inconséquent et accessible aux plus injustes concessions. La volonté de démontrer que, même en majorité relative, le gouvernement est capable de faire passer des lois touche ici aux limites de l’incohérence politique. Les promesses initiales du macronisme étant reniées, quel projet politique peut-il encore proposer pour la suite du quinquennat ?
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L’ombre portée par la loi sur l’immigration votée le 19 décembre envahit les perspectives politiques du pays et dominera durablement et brutalement l’actualité. Le rejet préalable du texte à l’Assemblée et le passage par une commission mixte paritaire, sur la base du projet modifié par le Sénat, ont conduit à l’adoption d’un texte considérablement durci et qui a perdu l’« équilibre » revendiqué au départ. De fait, affirme cette semaine Thierry Pech, ce vote constitue un tournant du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. A la recherche d’une majorité improbable et au prétexte de « répondre aux attentes des Français », le gouvernement a accepté de reprendre des dispositions inspirées du Rassemblement national, sous la pression du parti Les Républicains. En cumulant l’inconséquence et l’injustice, le macronisme se révèle en l’espèce dépourvu de boussole et nous fait entrer dans une ère d’incertitude politique où le Rassemblement national peut se féliciter d’accumuler les victoires culturelles.

Autre sujet politique cette semaine, le bilan de la Cour de justice de la République après le procès du Garde des Sceaux pour prise illégale d’intérêts. Née en 1993 pour rapprocher du droit commun le traitement pénal des membres du gouvernement, la CJR présente un bilan presque unanimement critiqué. Comment expliquer les faiblesses de cette institution ? Faut-il la remplacer et, si oui, par quoi ? Denis Baranger, professeur de droit public, répond aux questions de La Grande Conversation sur l’affaire qui vient d’être jugée et, plus globalement, sur la question de la responsabilité, politique et pénale, des ministres en exercice.

Après une première analyse montrant comment les résultats de PISA révélaient des faiblesses structurelles de notre système d’enseignement, Mélanie Heard propose de revenir sur l’impact du Covid sur la formation des élèves. La France avait revendiqué de privilégier coûte que coûte le maintien des écoles ouvertes pendant la pandémie. Cela a-t-il permis, comme c’était censé le faire, d’éviter une fragilisation scolaire des élèves ? Apparemment pas, si l’on en juge par les résultats spécifiquement consacrés à ce sujet dans l’enquête PISA 2022. Au contraire, des pays où la fermeture des établissements a été plus longue ont mieux réussi à préserver le travail des élèves : la crise révèle en miroir les handicaps structurels du système scolaire français, le manque de confiance des élèves dans le progrès de leur propre intelligence et les insuffisances de la formation des enseignants, singulièrement s’agissant de l’usage pédagogique du numérique.

Sur le terrain économique, le vote du budget 2024 a de nouveau souligné le haut niveau d’endettement des administrations publiques de notre pays. La France ne pourra demeurer indéfiniment dans une situation de « passager clandestin » de la zone euro, sans respecter les règles communes auxquelles nombre de nos partenaires se plient. Nous publions ici une contribution de Christian Pfister défendant une version orthodoxe de la gestion de la dette. Ces propositions peuvent faire débat mais c’est l’occasion de comprendre ce que signifierait un scénario exigeant de réduction de la dette par des coupes significatives dans les dépenses publiques. Reste à voir comment organiser un débat proprement politique sur le sujet.

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