Édito

Les limites des politiques publiques

Publié le 15 mars 2024
La rhétorique présidentielle du « réarmement », décliné sur une gamme d’objectifs aussi différents que l’esprit civique ou la réindustrialisation, met en scène une sorte de volontarisme tous azimuts, plus éloquent sur les objectifs que sur les moyens d’action. Or, ceux-ci ne sont pas une question d’« intendance » mais devraient constituer l’objet même d’une politique qui ne prenne pas la société pour un objet passif soumis au bon vouloir de l’Etat.

Lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le Président de la République a lancé un appel au « réarmement démographique » national. La Grande Conversation a rassemblé un ensemble de réactions à ce sujet, envisageant plusieurs dimensions de la question démographique : quelle est la situation de la France dans la démographie mondiale ? Faut-il vraiment s’inquiéter d’un éventuel déclin démographique français ? Que peut-on attendre des politiques publiques en faveur de la natalité ? Et quelle place celles-ci laissent-elles aux droits des femmes et à la décision personnelle dans le choix de procréer ou pas ? Cette semaine, une contribution de Mélanie Heard complète ce dossier en explorant les enjeux de la lutte contre l’infertilité, dont le Président a fait un chantier prioritaire au service de la natalité. Mais la lutte contre l’infertilité peut-elle vraiment contribuer à favoriser la fécondité ?

Ce dossier pointe en somme les limites pratiques mais aussi normatives que rencontre l’action publique quand elle veut favoriser la procréation. Si la puissance publique peut justifier d’accompagner les personnes qui font le choix d’avoir des enfants en levant des obstacles (biologiques, économiques…) à la réalisation de leur projet, il reste que les choix intimes des femmes et des hommes demeurent prééminents en l’espèce, et ne peuvent que difficilement être traités par l’intervention publique comme des moyens au service d’une fin, fût-ce le bien commun. A fortiori quand le socle de connaissances permettant d’accréditer l’efficacité des choix politiques avancés s’avère singulièrement complexe et nuancé.

Cette semaine, La Grande Conversation anime un autre débat, celui qui concerne la formation professionnelle. Depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la formation professionnelle des jeunes est enfin devenue un sujet prioritaire, après des années de désaffection. La baisse du chômage obtenue depuis plusieurs années, en particulier le chômage des jeunes, risque aujourd’hui de ralentir si l’on ne parvient pas à améliorer l’accès à l’emploi des jeunes les moins qualifiés. Mais, pour s’approcher du plein-emploi, faut-il renforcer leur formation initiale ou bien accélérer leur participation au monde du travail ? Tel est le débat qui oppose Daniel Bloch, spécialiste reconnu de la formation professionnelle et artisan de la filière professionnelle à l’école, à Carole Grandjean, ancienne ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels. Leur échange montre un engagement commun pour l’avenir de la jeunesse, en même temps que des divergences sur la meilleure manière de préparer des jeunes à l’emploi quand ils ont été orientés vers les filières courtes.

Enfin, la campagne pour les élections européennes a commencé en France. En tête dans les sondages d’intention des votes, le Rassemblement national a dévoilé les lignes de force de son programme. Alors que beaucoup d’analystes relaient paresseusement l’idée d’une « normalisation » du parti d’extrême droite sur les questions européennes, notre analyse de l’entrée en campagne du RN révèle un positionnement qui reste fondamentalement hostile à l’Union européenne. Entre caricatures, non-dits, modération en trompe-l’œil, victimisation et recherche de boucs émissaires, le message du RN reste approximatif et destructeur pour l’esprit de coopération européen.

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