Édito

Quel « réarmement démographique » ?

Publié le 8 mars 2024
Nous proposons cette semaine deux dossiers. Ils reprennent des thèmes mis en avant dans les récentes déclarations du Président de la République et du Premier ministre. Le premier s’est inquiété du déclin des naissances en France et a appelé à un « réarmement démographique » du pays. Celui-ci est-il nécessaire ? Le second a évoqué la crise du logement en mettant en valeur le « rêve pavillonnaire » français. En quoi des interventions ponctuelles dans les espaces pavillonnaires peuvent-elles aider à résoudre la crise du logement ? Nous réunissons ici deux séries de textes pour répondre à ces questions.
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Tout d’abord, nous consacrons plusieurs papiers au défi démographique. Observée à l’échelle nationale comme à l’échelle mondiale, la baisse des naissances n’a rien d’une surprise. La tendance à la baisse de la fécondité est ancienne et, d’après les démographes, engagée dans toutes les régions du monde, même si la croissance de la population reste forte en Afrique. Une vraie nouveauté est que les grands déterminants expliquant les écarts de natalité entre pays apparaissent moins évidents qu’auparavant : niveau de diplôme, niveau de richesse ou participation au marché du travail apparaissent comme des variables dont la puissance explicative est désormais incertaine. Une autre nouveauté concerne la France, qui est longtemps apparue comme une exception démographique en Europe, avec un taux de fécondité plus élevé que la moyenne. La natalité française recule depuis plusieurs années, ce qui explique l’appel au sursaut démographique du Président. Prenant à contre-pied l’argumentaire nataliste, William Desmonts montre au contraire les bénéfices de la décroissance démographique. Le désarmement démographique pourrait être une opportunité à saisir, pour peu que nous soyons capables d’en reconnaitre les avantages tant d’un point de vue économique qu’écologique. Peu convaincu par ces arguments, Marc-Olivier Padis observe que dans les pays en déclin démographique, comme l’Italie, on n’observe pas les avantages annoncés par William Desmonts. En tout état de cause, la natalité relève aussi d’une décision personnelle et des droits des femmes. Cela signifie-t-il que les politiques publiques ne doivent se désintéresser de la vie familiale se demande Kenza Tahri ? Les politiques natalistes ne doivent aucunement limiter la liberté des femmes. Il est cependant légitime d’accompagner les couples, ou les célibataires qui le souhaitent, dans leur projet familial. Reste à trouver les mesures favorisant en particulier l’égalité femme-homme dans la vie familiale.

La déclaration du Premier ministre le 14 février dernier sur le pavillon comme partie du « rêve français » a constitué une surprise. La politique du logement a en effet le plus souvent considéré le développement des zones pavillonnaires comme une sorte d’échec des stratégies d’aménagement urbain. Un obstacle majeur à la construction de logements en France consiste aujourd’hui dans le manque de foncier disponible. La volonté de préserver davantage les espaces agricoles, naturels et forestiers met tous les acteurs du logement devant la nécessité de libérer du foncier dans les zones déjà artificialisées. Or, des opérations de micro-aménagement sur des parcelles déjà construites possédées par des particuliers peuvent répondre à ce défi. La densification douce par la micro-promotion est déjà à l’œuvre. En prenant de l’ampleur, elle pourrait répondre à la chute dramatique de la construction constatée ces dernières années défend Lily Munson. Comme le montre le projet de « Villes vivantes », des initiatives déjà en cours prouvent qu’on peut aller au-delà d’opérations isolées et des prototypes. De nombreux petits propriétaires, s’ils sont accompagnés, sont intéressés par un projet adapté. Et la faible densité de nombreux espaces pavillonnaires rend possible des opérations architecturales économiquement viables. Enfin, la densification peut se faire également dans la hauteur, comme cela s’est toujours fait dans l’histoire urbaine. A condition que les projets, toujours techniquement et juridiquement complexes (surtout pour les copropriétés) soient également bien accompagnés, explique l’architecte Didier Mignery.

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