Accédez au dossier complet : Pour une refondation du système de santé
Le Collectif de professionnels et de patients pour la refondation de la santé – liste complète des signataires ici : http://www.cpprs.fr/
Au tournant du siècle a eu lieu un changement radical dans la conception, l’organisation et le financement des hôpitaux publics. Les progrès scientifiques et technologiques ont conduit certains à estimer que la médecine devenait industrielle et le médecin un ingénieur élaborant ou appliquant les recommandations issues de l’« evidence based medicine » (EBM), voire un technicien supérieur suivant des procédures standardisées. Si le médecin devenait un ingénieur, l’hôpital devenait une entreprise produisant des soins et encaissant des recettes. Il devait en conséquence s’inspirer de l’organisation et de la gestion des entreprises, comme celles de l’industrie automobile ou aéronautique, et de leur « process » de qualité.
2009, le changement de gouvernance : la loi HPST
Parallèlement, la « révision générale des politiques publiques » (RGPP) conduisit à appliquer aux services publics des modes de gestion comparables au secteur privé lucratif, visant à réaliser des « gains de productivité » en standardisant l’activité tout en l’accélérant et si besoin en la fragmentant, en supprimant des « doublons », en réduisant au maximum les activités non rentables financièrement, en maximisant l’utilisation des équipements (pas de lits vides), en « optimisant » les temps de travail et en développant la polyvalence et la mobilité, le tout en fidélisant le « client », selon les principes du « lean management ». En 2009, la loi Hôpital, patients, santé, Territoires (HPST) organisa la « gouvernance d’entreprise » plaçant l’activité de soins au service de la gestion, supprimant officiellement les services pour les remplacer par les pôles de gestion institués en 2005, et mettant les soignants sous l’autorité hiérarchique des gestionnaires. Pour imposer cette gouvernance administrative, le gouvernement tira argument de l’inefficience d’un modèle mandarinal dépassé et du manque d’efficacité de la communauté médicale minée par les compétitions d’egos. Le gouvernement put ainsi jeter le bébé avec l’eau du bain, l’équipe soignante avec l’abus de pouvoir médical (la déconstruction des équipes de soin s’est faite notamment par l’instauration de la mobilité du personnel soignant d’un service à l’autre et par la réduction drastique du nombre de cadres de soins de proximité au profit de postes dits « transversaux » interservices). L’introduction de la tarification à l’activité (T2A) en 2004 et sa généralisation en 2008 à l’ensemble des activités de soins (en dehors de la psychiatrie et des missions d’intérêt général) concrétisaient cette vision. En mimant la loi du marché, la T2A a permis la mise en concurrence des hôpitaux publics et des cliniques commerciales de plus en plus regroupées dans des chaînes internationales financiarisées. L’hôpital public devait devenir une entreprise commerciale comme les autres, qui « cherche à vendre »1. Pour faire accepter la T2A par les professionnels, les gouvernements tirèrent argument des défauts du système de financement antérieur fondé depuis 1983 sur la « dotation globale » qui ne prenait en compte ni l’innovation coûteuse ni l’évolution de l’activité.
2010, mise en place d’une politique d’austérité hospitalière
Après la crise financière de 2008 débouchant sur la crise économique de 2010, la réduction des dépenses publiques décidées et appliquées de façon continue par les gouvernements successifs se traduisit jusqu’en 2019 par une politique d’austérité hospitalière. L’objectif national des dépenses de l’Assurance maladie (ONDAM), régulièrement dépassé en raison de l’augmentation structurelle des dépenses, fut transformé en un budget contraint indépassable grâce aux mesures suivantes : mise en réserve en début d’exercice de plusieurs centaines de millions d’euros non rendus aux hôpitaux en fin d’exercice mais servant à compenser les dépassements réalisés par la médecine de ville, instauration d’un point flottant de la T2A avec une réduction automatique des tarifs lorsque l’activité augmentait, pas d’augmentation de personnels soignants même en cas d’augmentation de l’activité, blocage des salaires (la masse salariale représentant environ 60% des dépense hospitalières), fermeture des lits…De plus, chaque directeur d’établissement fut obligé d’emprunter directement aux banques à des taux nettement plus élevés que ceux consentis à l’Etat emprunteur. La crise généralisée du service public hospitalier (SPH) a éclaté à l’autonome 2019, quelques mois avant la survenue de la pandémie, lorsque les soignants n’acceptèrent plus de devoir gérer l’austérité imposée (mais non assumée) par les gouvernements successifs.
2020, le Ségur de la Santé
Le Ségur de la Santé en 2020 a permis d’augmenter significativement, bien qu’insuffisamment, les salaires, mais n’a rien changé fondamentalement aux modes de financement et d’organisation de l’hôpital même s’il s’est prononcé en faveur d’une « gouvernance » plus participative et plus soucieuse de la qualité de vie au travail des personnels.
Le 6 janvier 2023, le Président de la République a officiellement annoncé la suppression de la T2A.
Face aux critiques alimentées par les échecs de cette politique, les gouvernements ont eu recours à la politique du bouc-émissaire : ce fut successivement la faute des syndicats « conservateurs », puis des médecins « attachés à leurs privilèges », puis des statuts « trop rigides ». C’est maintenant la faute de « l’Etat profond » incarné par les directeurs administratifs.
La réforme de l’hôpital doit s’inscrire dans la refondation de l’ensemble du système de santé.
Face à ces constats, le CPPRS recommande :
Recommandations 1 – Retour aux services
Retour effectif aux services cliniques et médicotechniques
Il faut abroger le volet hospitalier de la loi HPST et réaffirmer que la base de l’hôpital repose sur les équipes soignantes et médicotechniques réunies dans des services cliniques et médicotechniques. L’organisation de ces services doit faciliter les interactions entre les malades et les soignants et entre les soignants eux-mêmes, grâce à la mise en place d’une démarche participative. La gestion administrative doit être au service du soin – et non l’inverse. C’est l’organisation du soin pour mieux répondre aux besoins de santé (et non la volonté de réduire les moyens) qui peut conduire les services de mêmes disciplines ou de disciplines voisines ou complémentaires, à se regrouper sur un même site en un département, sur la base d’un projet médical pluriannuel cohérent comportant des activités partagées et s’inscrivant dans le projet médical de l’établissement et du territoire. Le département comprend des unités fonctionnelles. Sa gouvernance suppose une rotation des responsabilités de gestion organisationnelle. Deux services, ou plus, appartenant ou non au même site peuvent également décider par contrat de se répartir des activités de soins et/ou de collaborer plus étroitement en matière de recherche et/ou d’enseignement. La gouvernance de cette union doit être décidée par un commun accord des services constitutifs et se limiter à la nature et à l’importance relative de la collaboration. Ce projet collaboratif interservices doit s’inscrire dans les projets du site ou des sites concernés. Les pôles de gestion ou les structures équivalentes actuelles (DMU) doivent être supprimées.
Recommandation 2 – Aval des urgences
Séparer la filière d’admission par les urgences de la filière des soins programmés
Le double mode d’admission des malades à l’hôpital – accès non programmé par les urgences, et programmé par les services spécialisés – est un facteur de désorganisation (amenant à déprogrammer des soins non urgents) et une cause de perte de temps considérable à la recherche d’un lit pour les malades admis en urgence. La spécialisation croissante des services, la réduction de leur nombre de lits justifiée par le développement des prises en charge ambulatoire (hospitalisation de jour, consultations, prestations intermédiaires) et l’allongement des durées de séjour des malades souffrant de pathologies « lourdes », rendent indispensable la création ou l’agrandissement d’une unité d’aval des urgences de médecine polyvalente (comme cela existe dans plusieurs établissements). Cette unité doit relever des compétences des internistes, des gériatres et des urgentistes ou ex-urgentistes. Le choix d’implantation de cette unité doit être adaptée aux conditions locales. Elle peut être intégrée dans le service de médecine interne (et de gériatrie aigüe) ou faire partie du service des urgences. Elle devrait idéalement bénéficier d’une codirection, par exemple en étant intégrée au service de médecine interne tout en étant placée sous la responsabilité d’un ex-urgentiste. Dans tous les cas, elle doit avoir un nombre de lits et de personnels suffisant pour s’adapter aux variations du nombre d’admissions aux urgences, notamment lors des poussées épidémiques saisonnières. Elle doit donc avoir ordinairement des lis vides (et donc un taux d’occupation bas) et disposer d’un volant de personnels soignants autant que de besoin (on ne paie pas les pompiers que quand il y a le feu). Elle doit avoir une durée moyenne de séjour courte et bénéficier pour cela de liens structurés avec les divers services de spécialités de l’hôpital, avec le service social et avec les structures de médecine ville (les communautés professionnelles de territoire, maisons de santé pluriprofessionnelles, centres de santé, EHPAD, hospitalisation à domicile, soins de suite) afin de pouvoir organiser le transfert ou la sortie rapide des patients admis dans l’unité réservée à l’aval des urgences. Cette unité d’aval des urgences doit venir en plus – et non remplacer – les lits et personnels dédiés à l’accueil des urgences dans les services spécialisés. Ceux-ci doivent au contraire renforcer leurs filières d’accueil direct sans passage par le service des urgences des patients venant de la ville et relevant d’une prise en charge spécialisée urgente.
De même, dans les grands hôpitaux, la filière de la chirurgie programmée doit être mise à l’écart du flux des urgences grâce à l’existence de moyens suffisants dont des blocs et des personnels spécialement dédiés aux urgences. Les suites opératoires devraient être raccourcies et améliorées par:
- la pratique systématique de la récupération améliorée après chirurgie (RAAC2),
- l’activité de médecins spécialisés s’occupant exclusivement des soins post-opératoires,
- la création d’unités de gériatrie aigüe pré- et post-opératoire,
- la structuration des liens avec les servoces de soins de suite et de réadaptation spécialisés,
- le séjour temporaire de l’opéré dans un « hôtel hospitalier » permettant une consultation et des soins quotidiens avant le retour à un domicile éloigné sous médicalisé.
Recommandation 3 – Prise en charge globale
Organiser la prise en charge globale des patients au sein de l’hôpital
La spécialisation des services inhérente au progrès médicaux rend plus difficile la prise en charge globale des patients, qui doit donc être organisée. Chaque service doit pouvoir faire appel directement à un correspondant nominalement désigné (ou son remplaçant) dans chacun des autres services de l’hôpital.
Des équipes mobiles composées d’un médecin senior et d’une infirmière en pratique avancée (et si besoin d’autres paramédicaux) avec un temps dédié de secrétariat, doivent être créées pour des spécialités transversales ou des pathologies fréquentes comme la gériatrie, la psychiatrie, la diabétologie, la cardiologie, les maladies infectieuses, les soins palliatifs, la gestion de la douleur, la prise en charge de la dénutrition…Cela suppose l’octroi de moyens supplémentaires
Recommandation 4 – Des infirmières au service des patients
Redonner du sens au métier infirmier
La situation préoccupante des paramédicaux au sein des hôpitaux est responsable de la majorité des fermetures de lits au niveau national et de la dégradation de la qualité de la prise en charge des patients. Pour remédier, il faut restaurer l’attractivité du métier grâce à un plan d’actions :
- en matière de salaires : augmenter les salaires au niveau de celui des pays voisins ( Belgique, Allemagne, Luxembourg, Suisse….) et revaloriser le travail de nuit, des week-ends et des jours fériés ;
- en matière de conditions de vie : faciliter le logement, les transports, l’accès aux crèches…
- en matière de soins : disposer de plus de temps « au lit du malade » – ce qui pose la question des ratios de patients par soignants au sein d’un service (voir dernière recommandation sur la qualité). La détermination de ratios suppose le remplacement des congés maternité/paternité ainsi que des absences pour formation ou en raison d’arrêts-maladies. La question de la charge de travail et du temps soignant soulève d’autres questions : celle du temps administratif, en grande partie liée à la traçabilité et à des outils informatiques non performants, mais aussi la question de la multiplication des taches en partie due à la suppression de personnels techniques et logistiques (par exemple la gestion de la commande et du rangement des médicaments) ;
- en matière de travail d’équipes. L’appartenance à un service est cruciale, alors que la logique de pôle est source de désordres, y compris dans la vie personnelle, notamment par son impact sur la qualité, en particulier quand les affectations ont lieu à brûle-pourpoint dans un autre service de spécialité différente3, et du fait de la modification incessante des plannings désorganisant la vie personnelle. L’encadrement doit se consacrer au soutien des équipes et pas seulement à une gestion des ressources humaines pour l’organisation des plannings. Il faut donc développer à nouveau les cadres de santé de proximité. Au niveau des unités de soins d’un service, il serait souhaitable d’envisager une gouvernance partagée dans laquelle un représentant infirmier participerait en trinôme avec le médecin et le cadre de proximité aux prises de décisions concernant l’unité. Ce représentant serait choisi sur la base du volontariat et régulièrement renouvelé. Dans l’évaluation du temps de travail des soignants, il est indispensable de prendre en compte la nécessité des interfaces entre les médecins et paramédicaux et entre les équipes de jour, de gardes et de nuit et de les développer ;
- en matière de formation. Il convient de distinguer la formation initiale et la formation continue. Le recrutement des élèves infirmiers en IFSI ne peut pas se faire uniquement sur des critères Parcoursup qui ne permettent pas d’évaluer la motivation et les valeurs nécessaires à l’exercice du métier de soignant. En matière de formation continue, sont attendus : un compagnonnage favorisant l’intégration et la qualité des soins au sein d’un service ; l’accès à des formations permettant d’évoluer au sein de l’établissement (diplômes d’université) ; et l’accès plus large aux fonctions d’infirmiers en pratiques avancées (IPA).
Nous avons besoin d’IPA au sein des hôpitaux compte tenu de l’évolution des prises en charge marquées par la spécialisation technique, le suivi des patients atteints de maladies chroniques, l’importance de la coordination des professionnels à l’hôpital et entre la ville et l’hôpital. La nécessité de ces métiers intermédiaires bac +5 est une nécessité absolue, à l’instar des infirmiers anesthésistes (IADE) ou des sages-femmes en gynéco-obstétrique, car elle permet de développer à la fois la délégation de tâches médicales et l’autonomie dans le suivi des patients, dans le cadre du travail d’équipe. Le CPPRS souhaite que ce dispositif se développe plus rapidement et demande :
- la mise en place des acquis de l’expérience (VAE) et de formation (VAF) pour reconnaître après cinq ans d’exercice la professionnalisation, en cancérologie-hématologie, en suivi des maladies chroniques (néphrologie (dialyse, transplantation), diabétologie, cardiologie, pédiatrie, psychiatrie, réanimation, gériatrie, médecine interne….), en urgences ;
- l’élargissement de la formation des IPA dans le domaine des prélèvements d’organes, de la petite enfance, du grand âge des soins palliatifs et du premier recours ;
- la création de postes budgétaires d’IPA et leur financement pérenne. Il n’est pas possible de voir des IPA formés revenir après deux ans de formation dans leur service pour exercer le même métier qu’avant leur formation, avec pratiquement le même salaire.
Recommandation 5-Amélioration de la qualité.
Supprimer le paiement à la qualité (voir aussi fiche politique de santé à paraître)
L’amélioration de la qualité doit être un objectif permanent des professionnels, des services et des établissements. La qualité suppose :
- des personnels en nombre adapté à la charge de travail, formés, entrainés grâce à une pratique suffisante, et stables ;
- la détermination de ratios de patients par infirmier. Pour certaines activités (comme la chirurgie ambulatoire, la dialyse rénale, les soins palliatifs, l’éducation thérapeutique…), le ratio peut être normé. Pour les unités dont les patients relèvent de soins très variables d’un patient à l’autre, il convient d’établir une fourchette : un ratio permettant d’assurer la qualité des soins (en référence aux chiffres recommandés par la Haute autorité de santé basés sur les données internationales et adaptés à l’évaluation locale de la charge complète de travail) et un ratio minimal de patients correspondant à une norme de sécurité impérative. Cette norme de sécurité devrait être rendue publique sur le site des établissements ;
- des réunions de synthèse rassemblant l’ensemble des professionnels participant aux soins,
- une pratique médicale centrée sur le/la patient/e, c’est-à-dire non seulement biomédicale mais psychologique, sociale et culturelle, une pratique impliquant la décision médicale partagée après information du patient ;
- pour la prise en charge de patients atteints de maladies chroniques, le développement de l’éducation thérapeutique des patients, de la pratique de la « médecine narrative »4, de la collaboration avec des patients « ressources ».
La qualité dépasse l’activité du service, elle implique des liens structurés avec les professionnels travaillant en amont et en aval.
La qualité des soins doit être évaluée de multiples façons (en évitant l’usine à gaz) et s’appuyer sur les méthodes suivantes :
- l’autoévaluation, tous les ans ou tous les deux ans, par les professionnels du service ;
- l’évaluation comparative entre services similaires volontaires ;
- l’évaluation globale anonyme tous les 5 ans par les professionnels de l’amont et de l’aval ;
- l’évaluation anonyme par les patients portant sur leur vécu relationnel, sur l’hospitalité et sur leur perception des résultats des soins réalisés. La participation active des établissements à l’enquête de satisfaction des patients après une hospitalisation devrait être rendue obligatoire avec retour des résultats aux équipes soignantes ;
- l’évaluation institutionnelle à partir des bases de données et d’indicateurs jugés pertinents connaissant les biais des indicateurs de procédures (poussant à soigner l’indicateur plutôt que le patient) et des indicateurs de résultats (poussant à sélectionner les « bons » patients).
Les résultats de ces évaluations doivent être rendues publics, avec possibilité de commentaires ou de contestations par les professionnels évalués. Ils doivent donner lieu à une discussion systématique avec les professionnels évalués et donner lieu à des mesures de corrections ou d’amélioration. La motivation extrinsèque des professionnels doit s’appuyer sur la reconnaissance par les pairs et par les patients – et non sur l’incitation financière qui n’a pas démontré son efficacité et peut même avoir un effet contraire. Le paiement à la qualité doit être supprimé.
Des classements peuvent être réalisés par des journalistes ou des associations, à condition de mentionner leur méthodologie et de signaler leurs éventuels liens ou conflits d’intérêts.
Le rôle de l’Etat n’est pas de classer les professionnels mais de répartir les moyens, de s’assurer de la sécurité, et d’exiger de chaque hôpital qu’il fixe et rende public ses propres objectifs d’amélioration de la qualité (sans accroître la part administrative au détriment des soins).
Recommandations 6 – Qualité de vie au travail (QVT)
Améliorer la qualité de vie au travail
L’amélioration de la QVT des professionnels est un déterminant majeur de la qualité des soins perçue par les patients. Inversement, la qualité des soins perçue par les soignants eux-mêmes est un déterminant essentiel de leur qualité de vie au travail. Le principal facteur de motivation des soignants est en effet la motivation intrinsèque suscitée par le sentiment de bien faire son travail et d’y trouver un épanouissement personnel. La motivation extrinsèque est renforcée par la reconnaissance des patients, des pairs et des responsables hiérarchiques.
L’amélioration de la QVT suppose le travail en équipe avec une juste répartition des tâches et avec des temps dédiés de partage, l’information et la participation aux décisions, la non-interruption dans le travail, la formation professionnelle continue, l’acquisition de nouvelles compétences, la participation à l’innovation et à la recherche, la participation à l’enseignement et à la transmission des savoirs, la progression dans la carrière, la stabilité dans les affectations et les horaires de travail, la reconnaissance financière.
Recommandations 7 – Chefferie de services
Définir la nouvelle « gouvernance » des services et limiter le nombre de mandats
Il est exclu de revenir aux services d’antan caractérisés par le pouvoir égocentré du chef de service secondé par une cadre supérieure de santé, ayant souvent comme objectif premier l’agrandissement de leur service (et de leur pouvoir), constitué non pas d’unités fonctionnelles mais de secteurs sans spécificité, attribués à des assistants. La candidature à la chefferie de service doit faire l’objet d’un appel d’offres. Le choix du candidat ou de la candidate à la chefferie doit reposer sur deux critères : d’une part le projet médical et de soins ayant la préoccupation de répondre aux besoins en santé et d’être coordonné avec la ville, et d’autre part sur les compétences d’animation et d’organisation ainsi que les qualités relationnelles du chef de service. Le projet médical et de soins doit être élaboré avec les médecins et les cadres du service et comporter une partie sur la formation continue de tous. Il doit être présenté préalablement à l’ensemble des personnels du service, avec un vote pour avis des médecins du service. Il doit ensuite être présenté et soumis au vote de la commission médicale d’établissement (CME) avant la décision de nomination prise conjointement par le président de la CME et le directeur de l’hôpital (en cas de désaccord le dernier mot doit revenir à la CME plénière votant à bulletin secret).
Au sein des CHU la nomination à la chefferie de service doit être dissociée des titres universitaires.
Les unités de soins thématiques centrés sur une pathologie ou sur une activité spécifique (unités fonctionnelles) doivent être dirigées par un trinôme composé d’un médecin senior et d’un cadre de santé de proximité et d’un/e infirmier/ère référent/e co-animant le travail de l’équipe soignante.
Le mandat d’un ou d’une cheffe de service devrait être limité à un maximum de deux mandats de cinq ans (trois en l’absence de candidats) et celui d’un ou d’une cheffe de département devrait être en règle générale limité à un mandat unique de cinq ans (deux en l’absence de candidats), le renouvellement se faisant sur deux critères : le bilan d’activité, dont l’insertion dans les activités transversales du site et l’animation d’équipe médicale et paramédicale déterminant pour une bonne part l’attractivité du service ou du département. Le chef ou la cheffe de service doit notamment s’enquérir du projet professionnel de chaque médecin de son équipe, évaluer avec lui ou elle les conditions et les moyens nécessaires à sa réalisation, et suivre son avancement.
Le ou la cheffe de service et le ou la cadre supérieure doivent avoir les responsabilités suivantes pour pouvoir mettre en œuvre les projets de service validés et intégrés au projet d’établissement :
- veiller à l’application du juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité ;
- organiser avec les équipes les horaires de travail dans le respect de la loi ;
- répartir la masse salariale allouée entre les différents métiers médicaux et paramédicaux (étant entendu que les salaires dépendent des règles fixées nationalement) ;
- affecter les personnels dans les différentes unités de soin en respectant les ratios du nombre maximum de patients par personnels soignants présents, et pour ce faire gérer de façon conjointe la fermeture ou la réouverture des lits, en rendant compte de cette gestion à la direction médicale et administrative de l’établissement ;
- rédiger les fiches de poste, organiser le recrutement et décider des modalités d’intégration des nouveaux personnels, dans le respect des statuts de la fonction publique hospitalière ;
- organiser la formation interne au service ou au département et planifier la formation des personnels médicaux et paramédicaux (en intégrant le personnel de nuit) en ayant la gestion de l’enveloppe financière consacrée à la formation ;
- promouvoir la promotion professionnelle des agents hospitaliers et des aides-soignantes ainsi que la progression dans la carrière d’infirmière (IPA pouvant avoir trois domaines de compétences : soins techniques, suivi et éducation des patients, gestion et coordination des soins comportant des activités d’évaluation et de recherche) ;
- organiser des entretiens individuels , des réunions régulières avec les responsables médicaux et paramédicaux des unités de soins du service ou du département, des réunions de conseil de service ou de département au moins une fois par an, ainsi que des réunions annuelles de « bilan et perspectives » de chaque unité de soin avec la participation de tous les personnels concernés. Si des « patients ressources » sont attachés au service, ils seront invités à participer à ces réunions de « bilan et perspectives » ;
- organiser, particulièrement au sein des CHU, les activités d’enseignement (notamment d’accueil et de prise en charge des étudiants) et de recherche en veillant à dégager le temps nécessaire dans le fonctionnement du service ;
- mettre en place des ateliers d’éducation thérapeutique (avec une double dimension d’acquisition de compétences et d’aide à la résilience) dans toutes les unités accueillant des patients ayant des maladies chroniques
Recommandation 8 – Gouvernance hospitalière
Instaurer une gouvernance partagée
La gouvernance comporte trois éléments : consultatif, délibératif et exécutif.
La direction exécutive est placée sous la responsabilité du directeur de l’hôpital nommé et du président de la CME élu. Une proposition alternative est que la direction soit assurée par un médecin nommé pour cinq ans par le ministre de la santé (et pour les CHU le ministre des universités et de la recherche) après avis du conseil de surveillance, suivant le modèle des Centres de lutte contre le cancer.
La gouvernance implique, à tous les niveaux, trois composantes ; l’administration, les soignants (médecins et paramédicaux) et les représentants des usagers. Elle doit inclure en plus dans les CHU et les gros CHR un responsable de l’enseignement et de la recherche chargé de présenter et mettre en œuvre un projet de site.
La Commission médicale d’établissement (CME) et la commission des soins infirmiers et paramédicaux (CSIRMT) fixent les orientations médicales et soignantes, en déterminant les priorités.
La direction a la responsabilité de la cohérence entre le projet médical et soignant et les conditions matérielles, humaines et financières de sa mise en œuvre programmée.
Les directeurs administratifs, en plus de la formation spécifique en gestion et management, devraient avoir suivi une formation en santé publique et avoir effectué des stages pratiques d’immersion dans différents services hospitaliers. Leur formation continue devrait inclure une formation partagée avec des soignants en éducation thérapeutique du patient. De même, les responsables médicaux d’unités fonctionnelles ou de service devraient avoir suivi une formation sur l’animation du travail d’équipe et sur la gestion de l’hôpital ainsi que sur le fonctionnement du système de santé (son histoire, son organisation, son financement, sa régulation).
La construction et l’animation d’une communauté médicale et soignante vivante suppose l’organisation de réunions entres responsables de service (médecins et cadres de santé, ensemble et/ou séparément) décidant d’échanger entre eux sur leurs pratiques et leurs organisations (et leurs difficultés) dans le cadre institutionnel formel ou en-dehors de celui-ci.
Les représentants des usagers doivent participer à l’évaluation de l’accueil, des conditions d’hébergement et d’alimentation, du vécu relationnel des patients, de la qualité perçue des soins, de la coordination entre les professionnels et entre l’hôpital et la ville, et enfin de la qualité du suivi éventuel après retour au domicile du patient. Ils doivent pouvoir, s’ils le souhaitent, assister aux réunions des différentes instances lorsque celles-ci traitent des questions budgétaires, d’effectifs ou de la qualité des soins.
En cas de désaccord entre les différentes composantes de la gouvernance une médiation externe acceptée par toutes les parties doit être proposée par l’ARS. En l’absence de consensus, la décision finale doit revenir à l’ARS.
Recommandations 9– Statut de praticien hospitalier universitaire
Créer un statut unique de praticien hospitalier universitaire (médecin, pharmacien, odontologiste)
Dans les CHU, la triple mission, de soins, d’enseignement et de recherche est devenue une quintuple mission dans la mesure où sont venues s’ajouter des missions de gestion et de santé publique intra- et extra-site. La crise a donné une place prépondérante aux soins et à la gestion, avec la multiplication de réunions peu ou pas utiles ou de rédaction de textes ou de réponse à des questionnaires sans suite. Ces cinq missions ne peuvent pas être assurées par une seule personne, mais peuvent l’être par une équipe. C’est l’équipe médicale qui doit avoir un statut hospitalo-universitaire.
La part du temps consacré par chaque praticien hospitalier à une ou deux missions en plus du soin, devrait être fixée contractuellement tous les cinq ans et évaluée avant renouvellement. Elles peuvent évoluer avec la progression dans la carrière (début, milieu et fin) en fonction des choix personnels et de la validation des compétences requises, dans le cadre du projet médical de l’établissement.
Bon nombre de praticiens hospitaliers (PH) assurent d’autres fonctions que le soin. Cela devrait déboucher sur la création d’un statut unique de praticien hospitalier universitaire. Ces praticiens auraient la possibilité de réaliser en fonction de leur compétence et de leur choix, deux ou trois des cinq valences possibles correspondant à des temps dédiés protégés, notamment pour la recherche, pouvant aller de 20% jusqu’à 80% du temps, étant entendu qu’un praticien peut se consacrer exclusivement aux soins s’il le souhaite. L’organisation de la recherche clinique doit être revue et articulée avec l’Inserm tout en gardant sa spécificité et ses moyens (on y reviendra dans une note dédiée à la recherche). Les salaires des médecins et leur évolution ne doivent pas dépendre du choix des valences.
La participation à l’enseignement des établissements non universitaire doit se faire de façon contractuelle avec les CHU. La recherche visant l’innovation ou l’amélioration des pratiques doit se développer autour des points forts repérés par l’impact de citation des travaux mesuré tous les cinq ans. Des réseaux multi-sites et pluridisciplinaires permettent de renforcer les moyens techniques et humains et de faciliter le recrutement de patients dans les essais thérapeutiques.
Recommandation 10 – Secteur à honoraires libres
Réduire les écarts de revenus injustifiés entre la ville et l’hôpital
Pour réduire les écarts de revenus médicaux injustifiés entre la ville et l’hôpital, la mise en extinction (c’est-à-dire la suppression progressive par la « clause du grand père ») du secteur 2 avec dépassement d’honoraires en ville s’appliquera pareillement à l’hôpital, parallèlement à l’intégration des primes hospitalières dans les salaires (en particulier la prime de service public exclusif).
En attendant, pour éviter la concurrence déloyale du privé, la prime de service public exclusif devrait pouvoir être modulée selon les disciplines.
L’activité en intérim doit être interdite dans les cinq ans qui suivent la fin de l’internat ou des études paramédicales. Le montant du paiement des vacations d’intérim doit être plafonné nationalement rappelant que selon le code de déontologie la médecine n’est pas un commerce obéissant à la loi de l’offre et de la demande.
Recommandation 11 – Financement
Utiliser pour le financement des hôpitaux conjointement les 4 modes possibles
Le financement de la santé doit répondre à l’évolution des besoins et des charges prenant en compte l’inflation (voir notre note à venir sur l’ONDAM). Il faut distinguer :
- les investissements lourds ainsi que le financement de la maintenance de la structure. Ces deux premiers financements indispensables doivent s’inscrire dans un financement socle dès lors que la pertinence d’une structure de soins est actée ;
- le financement de l’activité de soins, dont les modalités doivent permettre d’appliquer la règle éthique (et économique) « du juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité ». Ils doivent donc s’adapter au type d’activité et avoir une régulation spécifique. Le financement de la « liste en sus » pour les médicaments et les dispositifs innovants très coûteux doit être soumis à un contrôle strict des indications et à une réévaluation régulière. Pour l’activité « ordinaire », il existe fondamentalement quatre types de financement : à la journée, au séjour (T2A), à la mission, et à la dotation globale annuelle. Ces quatre modes de financement doivent être utilisés conjointement, en choisissant le plus adapté au type d’activité.
Ainsi, on distinguera :
- le prix de journée est préférable pour financer les soins palliatifs,
- la tarification à l’activité ou à l’épisode de soins peut être préférentiellement utilisée pour la chirurgie ambulatoire ou la médecine interventionnelle froide programmée ;
- la dotation globale convient pour les maladies chroniques (elle doit inclure l’ensemble de l’activité : consultations, hôpitaux de jour ou de demi-journée, hospitalisation classique)
- et le paiement à la mission pour l’enseignement ou pour des missions de santé publique.
- Il convient également de prévoir un intéressement financier des services (et non des personnels) en fonction de leurs activités de recherche (on y reviendra dans une note à venir sur la recherche).
Les tarifs de la T2A doivent correspondre aux coûts moyens régulièrement mesurés et la régulation doit porter sur la pertinence des indications avec mise en place d’un contrôle lorsqu’une augmentation importante de l’activité semble inexpliquée par une augmentation des besoins.
A l’inverse, la dotation globale annuelle doit évoluer d’une année sur l’autre en fonction d’un indicateur intégré et prévisionnel d’activité prenant en compte la file active, le nombre de nouveaux patients, la gravité graduée en trois ou quatre niveaux, et le degré de précarité de la population prise en charge. Le calcul du montant initial de cette dotation doit partir de l’existant corrigé pour les établissements historiquement défavorisés et les spécialités sinistrées, comme la psychiatrie et la pédiatrie. La non-utilisation complète de la dotation allouée malgré l’atteinte des objectifs qualitatifs et quantitatifs fixés devrait donner lieu à un intéressement partagé entre l’équipe de soins (pour des projets collectifs), l’hôpital et l’Assurance-maladie.
Des formes mixtes de financement, notamment par l’association d’une dotation de base et d’un prix de journée ou d’une tarification au séjour, pourraient être expérimentées pour certaines activités. Quant au paiement partagé ville/hôpital, il suppose un accord préalable sur la répartition de l’activité, la rémunération des professionnels et le degré d’intégration de la gestion (il pourrait concerner des centres de santé créés par des hôpitaux).
Les nouvelles formes de rémunération pourraient dans un premier temps être expérimentées par des services ou des établissements volontaires dans le cadre de l’article 51 donnant lieu à une évaluation avant d’être pérennisées.
Recommandation 12 – Lien ville-hôpital
Intégrer le projet hospitalier dans le projet territorial de santé
Dans le cadre d’un Service de santé d’intérêt général, le projet médical de l’hôpital doit s’inscrire dans un projet territorial de santé pouvant correspondre à une ou à plusieurs Communautés professionnelles de territoire (CPTS). Des représentants des hôpitaux doivent participer aux réunions des CPTS – et inversement, les représentants des collectivités territoriales et les responsables des CPTS doivent être associés aux décisions impliquant l’hôpital dans les relations ville/hôpital et les missions territoriales de santé publique de l’hôpital, en particulier pour l’organisation de la permanence des soins. Des moyens matériels et humains médicaux et paramédicaux doivent pouvoir être partagés entre l’hôpital et la ville dans le cadre du Service de santé d’intérêt général. Les professionnels hospitaliers (médecins et où paramédicaux) doivent pouvoir exporter leur expertise en ville, à la demande d’équipes de soins primaires et dans la mesure où l’offre de soins par des spécialistes libéraux n’est pas accessible. Les missions de santé publique territoriale réalisées par les établissements du Service public de santé (SPS) à la demande et en collaboration avec les CPTS (éducation à la santé, éducation thérapeutique, dépistage et prévention, consultations avancées) doivent être reconnues et financées. Les professionnels de ville doivent pouvoir participer pleinement à l’enseignement et à la recherche en fonction de leurs choix et de leurs compétences pour des missions rémunérées.
Nous proposons en annexe à ce chapitre deux exemples : pour la diabétologie (annexe 1) et pour l’obstétrique (annexe 2).
Par ailleurs le projet territorial de santé doit prévoir les moyens humains et matériels à mobiliser à l’hôpital et en ville en cas de nouvelles crises sanitaires, en tirant la leçon des carences constatées lors de la pandémie.
Recommandation 13 – Lutte contre le réchauffement climatique et sobriété énergétique
Inscrire l’hôpital dans une trajectoire de sobriété énergétique
On estime que le système de santé est globalement responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre. L’hôpital doit prendre sa part dans la lutte contre le dérèglement climatique et pour la sobriété énergétique, d’abord en évaluant son empreinte carbone ; puis en agissant sur les bâtiments, le transport, l’alimentation, les dispositifs médicaux, les médicaments, les gaspillages, le jetable, la gestion des déchets …
Une nouvelle fois, la finalité d’un service public n’est pas la rentabilité financière de l’établissement mais la réponse aux besoins des personnes au moindre coût financier et environnemental pour la société.
Annexe 1
Organisation ville-hôpital : exemple de la diabétologie
La diabétologie offre un bon exemple de ce que pourrait être une organisation des soins coordonnée et centrée sur les besoins des patients, tant au sein d’un hôpital (comorbidité fréquente, touchant en particulier les sujets âgés), qu’en lien avec la ville. Le diabète concerne près de 4 millions de personnes en France. La plupart des patients (diabète de type 2) peuvent être suivis par une équipe pluri-professionnelle de ville5. Le recours à l’hôpital ne se justifie que lorsque les traitements deviennent complexes ou relevant d’une expertise dans un contexte particulier (patient greffé, dialysé ou traité par chimiothérapie…) ou en présence de complications graves (insuffisance rénale sévère, plaies du pied à risque chirurgical). L’hôpital reste aussi parfois le dernier endroit où l’on trouve des spécialistes en secteur 1 indispensables au suivi des patients (ophtalmologie). L’organisation de ces parcours ville-hôpital-ville nécessite des équipes de coordination.
Le constat actuel est :
- les patients diabétiques pris en charge à l’hôpital sont rarement dans un parcours coordonné ; Les mieux placés pour organiser la prise en charge d’un patient dans sa globalité sont les professionnels de santé de ville ;
- les professionnels de ville se plaignent de ne pas pouvoir contacter facilement l’hôpital, que ce soit pour demander un simple avis d’expert, ou pour inscrire un patient dans un parcours ;
- la tarification à l’activité (T2A) pousse à prendre en charge à l’hôpital des patients qui n’en ont pas besoin et à faire des « séjours ». La T2A a poussé les équipes hospitalières à s’occuper de patients qui pourraient être suivis en ville (HDJ chaque année pour un bilan parfois non indispensable) ou à hospitaliser des patients (pour multiplier des séjours courts) qui pourraient être pris en charge en ambulatoire.
L’organisation historique de l’hôpital (la visite hospitalière autour d’un patient dans un lit), la non-valorisation ou le sous-paiement à l’hôpital des consultations d’infirmières, de diététicienne, de psychologue, d’éducateur sportif…, l’absence de coordination avec la ville, le manque de moyen du service social entravent la prise en charge ambulatoire à l’hôpital. Celle-ci pourrait pourtant permettre des économies de santé et être plus adaptée pour un certain nombre de patients.
La T2A et la rigidité des statuts empêchent les expertises de sortir de l’hôpital. C’est pourquoi le CPPRS propose :
Proposition 1 – Téléphone et email dédié
Mettre à disposition des soignants de ville et des autres structures de soin ou médico-sociales un numéro de téléphone et d’une adresse email « directs » et dédiés pour un avis d’expert ou pour contacter l’équipe de coordination hospitalière. Le service de diabétologie d’un hôpital doit être joignable (comme les autres services spécialisés pouvant accueillir directement des patients venant de la ville).
Proposition 2 – Equipe de coordination territoriale ville/hôpital
Mettre en place dans chaque service de l’hôpital une équipe chargée de la coordination avec la ville.
Cette équipe, composée d’une infirmière de coordination (IDEC), d’un médecin et d’une secrétaire étudie les demandes d’entrée et
- propose aux patients qui n’ont pas besoin d’un avis ou d’un suivi hospitalier, des ressources extérieures ;
- organise pour les patients qui ont besoin de l’hôpital l’entrée au bon endroit (HDJ, consultation, HC) au bon moment (urgence ou différé). A la sortie, à chaque fois que nécessaire, l’équipe de coordination organise, à la sortie de l’hôpital, le parcours du patient entre le service de diabétologie et les équipes pluri-professionnelles de ville : consultation médecin traitant, podologue, ophtalmologiste, infirmière, IPA, assistante sociale…
Proposition 3 – Télémédecine
Développer la télémédecine à l’hôpital (télé-expertise, téléconsultation et télésurveillance).
La télémédecine doit être développée :
- en sortie d’hospitalisation ;
- avec les structures d’hébergements de personnes fragiles (pour éviter des consultations ou hospitalisations inutiles de personnes institutionnalisées) ;
- pour les patients diabétiques âgés, vivant avec des handicaps (plaie de pied, AVC) ou habitant loin de l’hôpital, idéalement en présence du soignant de ville. Les frais de transport sont co$uteux pour le système de soin.
Proposition 4 – Financement hospitalier
Financer la diabétologie hospitalière par une dotation globale.
Cette dotation prend en compte l’ensemble des prestations (consultations, hôpital de jour ou de demi-journée, hospitalisations complètes). Elle devrait évoluer d’une année sur l’autre en fonction d’un indicateur synthétique et prédictif d’activité prenant en compte la file active, le nombre de nouveaux patients, le degré de gravité et le niveau de précarité.
Cette dotation finance aussi le travail de coordination entre la ville et l’hôpital, et une équipe mobile au sein de l’hôpital
Proposition 5 – Expertise hospitalière hors les murs
Favoriser le lien hôpital-ville hors les murs.
L’équipe de diabétologie mène des actions d’éducation thérapeutique et fait des consultations spécialisées (plaie du pied diabétique) au plus près des populations (centre de santé, EPHAD…), à la demande des équipes de soins primaires, et partage ses expertises avec la ville quand l’accès aux spécialistes libéraux installés en ville fait défaut.
Annexe 2
Organisation territoriale : exemple de la périnatalité
Un constat préoccupant
Les petites maternités de moins de mille accouchements n’ont plus d’obstétriciens, d’anesthésistes, de pédiatres disponibles et la situation va s’aggraver dans les années à venir, car il manque de spécialistes et ceux qui se forment ne veulent pas s’isoler dans un endroit où ils risquent de perdre leur expertise et où ils auront de surcroît une forte activité de garde en raison de la petite taille de l’équipe. La pénurie de professionnels pour assurer les accouchements justifie une revalorisation financière des gardes pour les médecins et les sage-femmes.
Une organisation territoriale
L’offre de soins doit être définie sur la base d’un territoire de santé, selon ses caractéristiques propres, sa géographie et ses ressources. Il y a un continuum entre les éventuelles infertilités, accouchements, post-partum, soins de la petite enfance, aussi bien dans des situations urgentes qu’en prévention. Ceci implique un réseau spécifique entre établissements publics et privés et la médecine de ville (privée ou salariée), gynécologues, sage-femmes. L’objectif est de construire une organisation qui concilie sécurité et convivialité sans reste à charge pour les femmes.
Les petites maternités de proximité doivent évoluer vers des centres périnataux de proximité consacrés aux consultations pré- et post-natales. Le dossier est partagé avec le lieu de l’accouchement que la patiente aura choisi et où elle ne restera que quelques jours avant de revenir à son domicile et d’être prise en charge par l’équipe de proximité. Un schéma de transport en urgence doit être prévu pour chaque territoire. Ceci doit être construit en concertation avec le personnel médical et les usagers du territoire concerné. Il faut une certaine fluidité en fonction des situations et des préférences.
Les maternités de type 1, 2,3
Elles ont été définies en fonction des risques encourus par l’enfant. Les maternités de niveaux 3 ne doivent pas absorber toutes les demandes mais être principalement réservés aux cas à risques (les femmes ayant une pathologie « lourde » doivent être suivies dans les maternités de niveau 3 pouvant bénéficier d’un service de réanimation adulte, véritable « niveau 4 »). La haute technicité, si elle n’est pas justifiée, peut avoir un effet contraire aux dépens de l’humain et de l’écoute. D’où un certain niveau d’insatisfaction concernant l’insuffisance de l’accueil et une prise en charge obstétricale parfois qualifiée de « maltraitante ». La bientraitance doit être enseignée et mesurée. Elle doit être évaluée par les patientes. Cette évaluation doit être suivie de discussions entre professionnels et d’actions d’amélioration. Certains centres 2 et 3 ont d’ailleurs mis en place des salles dites « Nature » ou « Physiologique » pour permettre toutes les expressions du mode d’accouchement. Ceci devrait faire partie du cahier des charges de toute maternité. Bien que les niveaux 2 et 1 soient plus enclins à s’occuper des accouchements physiologiques présentant peu de pathologies, la vigilance relationnelle et la bientraitance restent de mise partout.
Les maisons de naissance qui ont été acceptées à titre expérimental en 1995 au nombre de cinq après quinze ans de débats, viennent d’être complétées par douze supplémentaires. Pour des raisons de sécurité, ces maisons de naissance, qui doivent impérativement se trouver à proximité immédiate d’une maternité, ne peuvent être dirigées que par des sage-femmes qui, en cas de besoin, feront appel à l’équipe médicale toute proche. Il est donc impératif d’éviter tout dysfonctionnement entre les équipes. Cette activité mérite d’être cadrée sur le plan financier, afin qu’il n’y ait pas de reste à charge pour les patientes.
Cette offre de soins territoriale, si elle est coordonnée, répond aux différentes nécessités d’un suivi de grossesse harmonieux. L’accouchement à domicile programmé ne saurait faire partie de cette offre médicale. Ce mode d’organisation est valable pour tous les aspects de la périnatalité
C’est pourquoi le CPPRS propose6 :