Les défenseurs du climat en seront pour leurs frais : non seulement la Planète n’occupe pas une place prépondérante dans les débats de la campagne présidentielle mais les deux candidats ne semblent pas disposés à s’affronter clairement sur le sujet. Le fait que l’écologie ne soit pas au cœur des échanges entre les candidats n’est guère surprenant. A l’exception de Jimmy Carter et d’Al Gore, les prétendants à la Maison Blanche ont rarement mis l’accent sur ces questions et, il faut le reconnaître, les électeurs ne leur en ont pas tenu rigueur. En dépit des catastrophes climatiques qui se multiplient en Californie et ailleurs (l’ouragan Hélène qui frappe le Sud-Est des États-Unis est responsable de plus de 130 décès à la date du 8 octobre), la situation est sensiblement la même aujourd’hui : les Américains sont plus préoccupés par l’inflation, l’immigration ou le droit à l’avortement que par le réchauffement climatique. Il est pourtant surprenant que Harris et Trump ne cherchent pas à se distinguer davantage sur ce chapitre, alors que tout semble les séparer : Harris revendique l’héritage plutôt satisfaisant de Joe Biden dans ce domaine alors que le second reste bruyamment climatosceptique.
A vrai dire, lorsqu’on évoque la question écologique dans le cadre du débat politique américain, il ne faut pas se méprendre quant à sa nature. Les « idées » de Trump et de Harris sur l’écologie sont au fond antinomiques : l’un est totalement opposé à la transition énergétique, transition à laquelle il associe des effets dévastateurs pour l’économie américaine et la compétition avec la Chine ; et la seconde, non sans ambiguïté pour séduire les indécis, tente de poursuivre l’ambition du président sortant Joe Biden.
Autrement dit, le débat ne porte pas tant sur la politique écologique à mettre en place que sur l’opportunité d’une telle politique. En ce sens, il n’y a pas une écologie « de droite » et une écologie « de gauche » qui s’affronteraient dans la campagne présidentielle, mais une écologie démocrate, même imparfaite (Harris), ou rien du tout (Trump). Or, même dans le camp Démocrate, l’accent n’est pas mis sur ces thématiques, contrairement à l’Europe où les débats autour de la sobriété énergétique ou de la décroissance sont fréquents. En réalité, la discussion est concentrée autour des moyens de l’autonomie énergétique dans une Amérique toujours plus productrice et consommatrice d’énergies.1
C’est ce qui conduit par exemple Jean-Marc Jancovici à affirmer que « sur le plan environnemental, le résultat de l’élection ne ferait pas grande différence »2. L’ingénieur et conférencier français souligne judicieusement l’étrange accord des deux candidats sur certains sujets en matière de politique écologique.
Au regard des programmes et des interventions des deux candidats Démocrate et Républicain, peut-on raisonnablement conclure qu’en matière écologique, ce sera « bonnet blanc et blanc bonnet » ?
Les programmes sont-ils aussi silencieux que leur candidat ?
Les programmes, en tout cas, sont peu loquaces.
Cela n’est guère surprenant venant du candidat Républicain qui conspue régulièrement le discours scientifique quant au dérèglement climatique (« Le concept de réchauffement climatique a été inventé par et pour les Chinois afin de rendre l’industrie américaine non-compétitive »3).
Le 45e président des États-Unis s’emploie en effet à nier le réchauffement climatique contre vents et marées. Bien que le GIEC souligne les risques planant sur l’économie américaine en cas d’inaction climatique4, Trump profite de la conjoncture économique de court-terme afin d’établir le lien de causalité inverse entre les mesures environnementales et le bilan économique de l’administration Biden marqué par le retour de l’inflation en 2022, lequel est largement dû à deux chocs d’offre puissants mais temporaires (d’une part, la hausse brutale des prix de l’énergie et, d’autre part, les goulots d’étranglement sur l’offre après une demande stimulée par le gouvernement à la sortie de crise du Covid-19).
Par ailleurs, le candidat Républicain ne semble toujours pas accepter l’engagement des États-Unis au sein des Accords de Paris dont il a promis, une fois de plus, de se retirer s’il revenait à la Maison Blanche.
Contrairement à Harris, le programme écologique de Trump possède une qualité (et c’est bien la seule) : il est très clair. Dans son Agenda 47 faisant office de programme, Donald Trump considère la politique de transition écologique comme une « croisade anti-américaine de Joe Biden sur l’énergie » provoquant « une augmentation massive des taxes sur tout ». Et il ajoute que « le pays qui bénéficie aujourd’hui le plus du « New Deal » Vert de Joe Biden est la Chine ». La direction à prendre selon le candidat Républicain est celle de l’efficacité de court-terme afin de ramener les prix de l’énergie américains à leur niveau d’avant crise : « nous allons faire travailler des milliers d’Américains pour construire les centrales électriques, les pipelines, les réseaux, les ports, les raffineries et les terminaux d’expédition de demain. Nous allons retrouver une énergie très bon marché, comme c’était le cas il y a seulement deux ans et demi ». Donald Trump souhaite en réalité renouer avec le slogan de campagne Républicaine de 2008, « Drill, Baby, Drill », encourageant l’intensification de l’exploitation pétrolière américaine et son exportation notamment via d’importants projets d’oléoducs (Keystone XL, Dakota Access, et NuStar). Toutefois, on peut raisonnablement douter de la faisabilité d’une réduction si drastique du prix de l’énergie, même fossile, puisque l’inflation a durablement fait grimper les coûts des entreprises pétrolières américaines et que la reconstitution de leurs marges rend invraisemblable la promesse de « réduire de moitié les prix des carburants en 12 mois » que Trump formulait au micro de Sharyl Attkisson pour Full Measure.
Dans l’hypothèse où Trump serait élu, le nouveau président pourrait néanmoins inverser la stratégie de financement énergétique prolongée par l’administration Biden (la moitié des subventions fédérales dans le domaine de l’énergie de 2016 à 2022 alimentaient les énergies renouvelables tandis que 15% subventionnaient les filières du pétrole, du gaz et du charbon, hors champ de l’IRA)5 et ramener artificiellement les prix de l’énergie sous leur niveau naturel, au prix d’une dépense publique inefficiente sur le long-terme. Le prix du pétrole ne reflèterait alors ni son coût social, ni son coût environnemental et désinciterait à la prise en compte des externalités négatives liées aux consommations énergétiques des ménages et des entreprises. En somme, Donald Trump propose, par le soutien public aux secteurs des énergies fossiles ou la dérèglementation de ces mêmes secteurs, de faire à nouveau disparaître les externalités négatives au profit du pouvoir d’achat des ménages américains tandis que, dans un élan de type pigouvien, la plupart des économies développées tentent au contraire de les exprimer dans les prix ou les coûts supportés par les ménages et les entreprises.
L’auteur de la suppression du « Clean Power Plan » du président Obama (par décret présidentiel du 28 mars 2017)6 ne semble donc pas avoir rompu avec la ligne politique de son premier mandat, et son colistier J.D Vance s’inscrit dans cet élan lorsqu’il qualifie la causalité entre émissions de GES et réchauffement climatique de « science bizarre » lors du débat qui l’opposait au colistier Démocrate Tim Walz le 2 octobre dernier.
Le bilan écologique de l’administration Biden
La posture de Kamala Harris dans la campagne actuelle est plus complexe à appréhender. Pour le comprendre, un retour en arrière s’impose concernant le bilan écologique de l’administration Biden qu’elle reprend volontiers à son compte.
La signature en avril 2023 d’un décret présidentiel7 établissant l’objectif de « justice environnementale » au rang des missions de l’administration fédérale atteste de l’attention portée par l’administration Biden au changement climatique et à la vulnérabilité à laquelle sont particulièrement exposées les catégories les plus modestes, une problématique partagée par une majorité transpartisane des Américains en âge de voter : selon un sondage du Center For Health Justice, 61% d’entre eux estiment que les plus modestes sont exposés de façon disproportionnée aux aléas environnementaux.8
En quatre années, l’administration Biden est parvenue à des progrès écologiques significatifs pour les États-Unis et à imposer cet agenda à un Congrès pourtant divisé.9 Le World Resources Insitute recense ces progrès, notamment le retour des États-Unis au sein des Accords de Paris sur le Climat desquels Trump avait souhaité se retirer avec pertes et fracas, la création à ce titre d’un nouvel objectif de diminution des émissions de GES de 40% en 2030 par rapport à 2005, et surtout la promulgation de l’Inflation Reduction Act (IRA) en 2022. Contenant 20 composantes fiscales d’incitation à la production et la consommation d’énergies renouvelables (principalement sous la forme de « tax-credits » ou allègements fiscaux mais aussi par des instruments tarifaires plus agressifs comme la tarification de l’émission des super-pollueurs, par exemple les émetteurs de méthane), le dispositif investit massivement dans la transition écologique, le Trésor américain estimant à 380 Md$ le montant des investissements financés à ce jour.10
En termes de résultats pour l’année 2023, les progrès semblent se concentrer sur les domaines du transport et de la production et la consommation d’énergie. La dynamique des ventes de « véhicules zéro-émissions » (ZEV) a ainsi excédé les projections de l’IRA en augmentant de 50% chaque année depuis 2020 jusqu’à atteindre 9,2% des ventes totales de véhicules neufs légers aux États-Unis (les projections pour 2023 donnaient une fourchette établie entre 8,1% et 9,4%). Cette tendance haussière, qui ne devrait toutefois pas durer selon les premiers chiffres pour l’année 2024, s’expliquerait en partie par le revirement de Donald Trump au sujet des véhicules électriques, revirement motivé par son alliance financière et médiatique avec Elon Musk, le patron de Tesla (n°1 ex-aequo avec son rival chinois BYD-Auto en parts du marché mondial des véhicules électriques en 2024).
En ce qui concerne la production électrique à partir d’énergies « propres » (principalement issues de l’éolien, du solaire et des batteries), l’IRA se heurte à plusieurs obstacles. D’abord, il peine à remplir les objectifs de production qu’il s’est fixé. Selon un rapport de juillet 2024 par le Center for Energy and Environmental Policy Research du MIT (CEEPR), l’augmentation annuelle moyenne de la capacité de production d’électricité à partir d’énergies propres pour la période 2023-2024 oscillait, selon les projections, entre 46GW et 79GW. En 2023, l’augmentation a atteint 32,3 GW, ce qui laisse par soustraction un résidu de 60 à 126GW de capacité de production à atteindre en 2024 afin de réaliser les objectifs escomptés11. Pour l’année 2024, les premiers chiffres font état d’une capacité d’augmentation annuelle de 60GW, dans la fourchette basse des estimations afin de tenir l’objectif de réduction d’émissions de GES de l’IRA (-40% en 2030 par rapport à 2005), d’autant que l’effort à fournir pour y parvenir ne ferait qu’augmenter entre 2025 et 2030 selon les projections (voir ci-dessous).

Ensuite, l’IRA se heurte à la capacité effective du réseau d’infrastructures électriques américaines (le « North American power transmission grid ») de supporter ces surplus de production électrique intermittente (solaire et éolienne notamment) dont les apports sont moins prévisibles. En outre, le vieillissement du réseau et sa vulnérabilité aux catastrophes naturelles dont la récurrence augmente du fait du changement climatique, exposent les foyers américains à des coupures comme celles survenues en Californie en 2020. Complété par l’IRA, l’Infrastructure Investment and Job Act (IIJA) promulgué en 2021 entend moderniser le réseau par l’affectation de 5Md$ à la rénovation et la résilience des infrastructures et de 2,5Md$ à la modernisation des infrastructures de transmission à grande échelle. En tout, c’est environ 21,3Md$ d’investissement qui sont autorisés par l’IIJA afin d’améliorer la fourniture d’une électricité fiable, propre et abordable, et la résilience de l’infrastructure du réseau, dont le controversé parc nucléaire civil « Diablo canyon », prolongé jusqu’en 2030 par le vote du parlement californien.12
Le bilan de l’IRA, après deux années de mise en œuvre, reste contrasté. Il est en bonne voie pour remplir certains de ses objectifs, pourtant ambitieux, mais montre ses limites concernant la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.
Le flou calculé de Kamala Harris
Sur son site de campagne, dans une sous-section nommée « Lower Energy Costs and Tackle the Climate Crisis »13, Kamala Harris se félicite, comme elle l’a fait lors du débat du 10 septembre dernier, du « vote de bascule » (« tie-breaking vote ») de l’Inflation Reduction Act (IRA), qu’elle qualifie, à juste titre, de plus « important investissement de l’histoire dans l’action climatique ». Cette déclaration reste toutefois à nuancer : outre les limites que l’on vient d’évoquer, l’IRA n’a pas été adopté uniquement ni même peut-être prioritairement pour des raisons climatiques mais plutôt parce qu’il était susceptible d’attirer de nombreux investissements et de localiser des activités aux Etats-Unis. L’octroi de soutiens publics conditionnés à l’implantation sur le territoire américains a été, du reste, vivement critiqué par certains partenaires commerciaux des Etats-Unis, notamment en Europe. La Banque Européenne d’Investissement a souligné le « risque que certains fabricants d’équipements et producteurs d’hydrogène européens délocalisent leurs activités aux États-Unis, ce qui aggraverait encore les difficultés du secteur de l’innovation déjà sous-financé dans l’Union européenne ».14
Outre ces effets protectionnistes, la dépense publique fédérale américaine sur le climat et l’énergie engagée au travers de l’IRA en pourcentage du PIB sur la période 2023-2027, représente moins d’un quart de l’investissement européen en la matière selon une étude de la Banque centrale néerlandaise.15 De ce point de vue, on comprend que l’IRA relève d’un dispositif de politique économique et pas seulement d’une ambition climatique.
Par ailleurs, l’engagement climatique de K. Harris souffre de lourdes nuances. Ainsi, lors du débat du 10 septembre dernier, la candidate se félicitait également de détenir le record de la « plus forte augmentation de la production nationale de pétrole de l’histoire grâce à une approche qui reconnaît que nous ne pouvons pas être trop dépendants du pétrole étranger ». Si le gain en termes de souveraineté énergétique ne fait aucun doute (un sujet qui pèse dans la campagne !), force est de constater que cette déclaration contredit radicalement la logique de l’action climatique qui exige au contraire de réduire les consommations d’énergies fossiles16 – y compris, donc, de pétrole – et ce quelle qu’en soit l’origine géographique.
Comment comprendre également que, lors du dernier débat télévisé, Kamala Harris et Donald Trump se soient écharpés non pas sur l’opportunité de la pratique du « fracking » (méthode d’exploitation de gisements de gaz de schiste intense en méthane et reconnue comme très polluante) mais plutôt… sur lequel des deux l’encouragerait le plus une fois dans le Bureau ovale !
La clé de la réponse est d’abord électorale puis institutionnelle : le revirement de Kamala Harris quant au « fracking » auquel elle était opposée ainsi que Joe Biden en 2019 s’explique par son usage important en Pennsylvanie, un « swing-state » clé dans l’élection à venir. Mais elle réside aussi dans le manque de soutien du Congrès afin d’honorer leur promesse d’abandonner ce mode d’extraction fin 2020.17 La ligne politique et rhétorique de Harris consiste à se montrer ni complètement favorable, ni opiniâtrement opposée au fracking, sans doute pour rallier les indécis modérés des deux camps en soutenant une ligne plus souverainiste sur la production énergétique américaine. Plus largement, Kamala Harris semble donc essayer de récolter les bénéfices de l’action climatique engagée par l’administration Biden tout en se gardant de braquer un électorat qui est soucieux de l’avenir du fracking etqui risque d’être décisif dans l’élection à venir.
Le pari est risqué, puisque selon un sondage mené par les Universités Yale et George Mason au printemps 2024, environ quatre électeurs sur dix (39%) déclarent que la position des candidats sur la question du réchauffement climatique jouera un rôle « très important » lorsqu’il décideront pour qui voter lors de l’élection présidentielle de 2024.18 L’importance du sujet climatique est plus marquée chez les jeunes électeurs, 40% d’entre eux déclarant qu’ils ne soutiendront que les candidats qui priorisent le changement climatique, selon un sondage de l’association Environnemental Voter Project mené en Arizona, au Nevada, en Caroline du Nord et en Pennsylvanie à l’été 2024 à partir d’un échantillon d’électeurs âgés de 18 à 34 ans.19 La stratégie de Harris visant à entretenir le flou afin de créer un effet « big-tent » (rallier au-delà du clivage partisan autour d’une thématique) peut s’avérer efficace face à un candidat comme Trump. Même déçus, les partisans d’une politique écologique rigoureuse (électeurs comme responsables politiques) ne changeront probablement pas leur vote. C’est le cas du Gouverneur Démocrate de Washington Jay Inslee qui se dit « pas inquiet »20 quant au manque de détails du programme écologique de Kamala Harris, mais également de nombreuses associations environnementales qui ont publiquement affiché leur soutien à Harris : the Green New Deal Network, the Sierra Club, the League of Conservation Voters Victory Fund, the Environmental Defense Fund Action Votes, the Centre for Biological Diversity Action Fund, Climate Power Action…
Plus que jamais, la rhétorique du camp Démocrate est structurée par la polarisation de la question écologique en fonction d’un clivage plus profond que la détermination des politiques publiques pertinentes : celui de l’adhésion au discours scientifique contre le climato-scepticisme incarné par Donald Trump.
La balle est dans le camp du Congrès
Les projecteurs sont aujourd’hui braqués sur les deux candidats en lice dans la course à la Maison Blanche. Néanmoins, le 5 novembre prochain sera aussi l’occasion pour les électeurs américains de voter pour 468 membres du Congrès : 34 sénateurs dans un Sénat, à ce jour, majoritairement Démocrate, et l’ensemble des élus d’une Chambre des représentants pour l’heure sous domination Républicaine. Comme en atteste le vote très serré sur l’IRA, le Congrès demeure, malgré la possibilité de véto présidentiel, le maître du jeu législatif puisqu’il détient formellement l’initiative des lois et surtout le pouvoir de les voter. Qu’il soit question de la règlementation du fracking ou de l’octroi de crédits d’investissements verts, c’est donc plutôt vers celui-ci que les regards des électeurs à forte sensibilité écologique devraient se tourner.
A ce titre, les projections des résultats semblent tout autant partagées que celles de la campagne présidentielle. Pour l’élection de la Chambre des représentants, le collecteur de sondages non-partisan 270towin donne les Républicains gagnants dans 207 districts et les Démocrates dans 207 autres tandis que 21 autres districts sont au coude-à-coude. Selon les sondages de Projects538, les électeurs américains seraient néanmoins plus favorables à un Congrès Démocrate (46.9%) que Républicain (44.5%) mais ce résultat est à apprécier en parallèle de l’évolution de la campagne présidentielle.
Au-delà des postures de campagne
Malgré les déclarations récentes et déroutantes de Kamala Harris (« I am proud that as vice president over the last four years, we have […] increased domestic gas production to historic levels »), on peut donc aisément imaginer que les électeurs écologistes voteront plutôt pour elle que pour Donald Trump. Le pari de Kamala Harris semble résider dans le souhait de s’offrir une position moins progressiste et plus consensuelle, tout en faisant des clins d’œil épars à cette base électorale écologique qui a peur qu’elle se renie. C’est ce qui conduit Gina McCarthy, ancienne conseillère pour le climat à la présidence de Joe Biden et ancienne administratrice de l’Agence de Protection de l’environnement, à déclarer que « personne n’est inquiet du nombre de fois où elle évoque le changement climatique » puisque Kamala Harris et Tim Walz seraient des « champions climatiques »21. La candidate Démocrate semble donc vouloir s’assurer d’atteindre la Maison Blanche pour ensuite se montrer aussi ambitieuse que son parcours et ses alliés la présentent.
Néanmoins, Harris risque de se mettre dans une position délicate si elle continue à édulcorer son discours écologique et s’enfermera, si elle est élue, dans un dilemme. Elle devra choisir qui décevoir : les électeurs modérés ralliés à son discours de souverainisme énergétique ou les électeurs à forte conscience écologique qui la verront reculer sur les objectifs climatiques qu’elle prétend défendre.
Au fond, Harris et Trump ont la même stratégie électorale vis-à-vis de l’écologie : surtout ne pas en parler.
Néanmoins, les causes du silence divergent et il ne semble pas pertinent de conclure qu’en matière écologique, ce sera « bonnet blanc et blanc bonnet ». Si l’on peut déplorer la retenue de Harris, on peut aussi comprendre la stratégie politique derrière laquelle elle semble se cacher pour l’heure. Kamala Harris n’est peut-être pas la candidate du climat pour l’Amérique de 2024 mais elle ne reviendra pas sur les progrès durement obtenus sous la présidence de Joe Biden. En revanche (et là réside peut-être la clé du débat), Donald Trump s’est prononcé de façon claire en faveur de la suppression des dispositifs verts, à l’instar de l’IRA, ce qu’il aurait, par ailleurs, bien du mal à réaliser alors que nombre d’États Républicains bénéficient de ses financements massifs.