Les élections européennes du 9 juin en Espagne ont connu une participation médiocre, inférieure à 50%, comme c’est souvent le cas dans ce pays lorsqu’elles ne coïncident pas avec d’autres élections, nationales ou régionales. Après plus de trente-cinq ans, l’Union européenne n’est toujours pas une cause qui réussit à amener une majorité d’Espagnols aux urnes. La campagne n’a certainement pas aidé en ce sens : les débats européens essentiels (soutien ou non à l’Ukraine, agenda vert, questions migratoires…) ont été totalement éclipsés par le débat politique national, l’affaire judiciaire ouverte contre l’épouse du président du gouvernement Pedro Sánchez, les derniers soubresauts de l’approbation de la loi d’amnistie pour les leaders indépendantistes catalans, les scandales de corruption liés à l’achat de matériel sanitaire pendant la pandémie de 2020, etc. Quant aux résultats eux-mêmes, ils reflètent le même glissement général vers la droite que l’on a pu percevoir lors des élections municipales, régionales et générales de l’année dernière. Mais l’effet final ne devrait pas entraîner de modification essentielle dans la configuration politique générale du pays.
Le Parti populaire (PP), de centre-droit, remporte une fois de plus les élections et maintient approximativement l’écart grâce auquel il a gagné les élections générales de 2023 (avantage qui, cependant, a été insuffisant pour gouverner). Sa progression (il passe de 13 à 22 sièges) repose essentiellement sur l’absorption du vote des centristes de Ciudadanos, qui perdent leurs huit sièges, disparaissent du Parlement européen, ce qui met probablement fin à l’existence du parti, après une série continue de défaites dans tous les scrutins.
Le Parti socialiste, pour sa part, résiste assez bien à l’offensive des droites, perdant un seul siège et montrant relativement peu d’usure malgré l’approbation de la loi d’amnistie en faveur des indépendantistes catalans la semaine dernière. Le président du gouvernement Pedro Sánchez pourra maintenant essayer de relancer une législature qui, jusqu’à présent, a été très maigre en réalisations.
À droite du PP, VOX améliore ses résultats d’il y a cinq ans en passant de quatre à six sièges, des résultats qui auraient probablement été meilleurs si une candidature antisystème, Se Acabó la Fiesta (La Fête est Finie), dirigée par un influenceur politique, Alvise Pérez, d’orientation anti-gauche, n’avait pas fait irruption dans ces élections avec près de 5% des voix et trois sièges.
Sur le flanc gauche du PSOE, en revanche, les résultats ont été mauvais : là où Podemos-Izquierda Unida a obtenu six sièges et 10% des voix en 2019, la division entre la coalition Sumar (dans laquelle Izquierda Unida est maintenant intégrée) et Podemos en solo n’atteint pas 8% et ne totalise que trois et deux sièges, respectivement.
Enfin, les trois listes nationalistes ont également reculé sensiblement par rapport à leurs résultats d’il y a cinq ans, plombées surtout par les mauvais résultats de leurs partenaires catalans. Ahora Repúblicas, par exemple, une coalition de partis indépendantistes et nationalistes de gauche, a maintenu ses trois sièges, mais uniquement parce que les résultats de Bildu au Pays basque et du BNG en Galice ont largement compensé le recul de l’ERC en Catalogne. Junts, le parti nationaliste catalan de droite, a souffert encore plus, perdant deux de ses trois sièges et 11 des 29 points qu’il avait obtenus en 2019 en Catalogne, démontrant qu’en l’absence de l’ancien président Carles Puigdemont sur la liste électorale, ses résultats sont médiocres. Enfin, CEUS, une candidature dont les piliers sont le Parti nationaliste basque et les régionalistes de Coalición Canaria, a tout juste maintenu son unique siège, à la suite du recul des deux partis les plus importants du bloc.
Quel sera l’impact de ces élections européennes sur le paysage politique espagnol ? Limité. La victoire du PP n’est pas assez décisive pour faire trembler le gouvernement socialiste et, en principe, une période de près de deux ans sans élections en Espagne devrait maintenant s’ouvrir, ce qui devrait permettre au gouvernement de se concentrer sur la législation et d’abandonner le registre de campagne dans lequel il est engagé depuis plus d’un an. Il y a cependant un facteur qui peut une fois de plus déstabiliser le gouvernement, c’est l’incertitude sur la configuration du gouvernement autonome catalan dans les semaines à venir. Le leader de Junts et ancien président catalan Carles Puigdemont persiste dans son désir d’un gouvernement de coalition avec l’ERC et exige des socialistes catalans qu’ils s’abstiennent lors de son investiture pour pouvoir former un gouvernement minoritaire, en agitant la menace de faire tomber le PSOE au Parlement espagnol si on ne lui permet pas d’avoir son propre gouvernement en Catalogne. Si la menace de Puigdemont est sérieuse, le gouvernement espagnol ne pourra pas continuer à légiférer. Et si, dans les semaines à venir, la situation de blocage et de paralysie en Catalogne s’étend au Parlement espagnol, on ne peut exclure que le président Pedro Sánchez choisisse une fois de plus d’avancer les élections, en les faisant coïncider avec la répétition des élections catalanes, tout cela dans le but d’obtenir un gouvernement de coalition, tant en Catalogne qu’en Espagne, qui ne dépende pas de Junts, un parti de droite idéologiquement très éloigné des socialistes.