En effet, les déterminants de la crise politique actuelle n’ont pas disparu. Alors que la plupart des commentaires politiques ne s’attachent qu’aux péripéties des nominations et des démissions, la France reste dans une situation politique précaire dont les fondamentaux n’ont pas changé depuis plus d’un an. La Ve République avait trouvé un fonctionnement stable par la grâce inattendue du « fait majoritaire ». Celui-ci ayant disparu depuis 2022, trop de textes n’ont été votés que par des artifices de procédure, et parfois des dénis de démocratie.
Était-il naïf de croire que le régime pouvait se parlementariser ? La promesse audacieuse du nouveau Premier ministre de s’interdire l’usage de l’article 49.3 de la constitution sert de gage de sa volonté de laisser le Parlement débattre. Mais cet engagement est à double tranchant, car il en appelle symétriquement à la responsabilité des parlementaires au moment où il faudra voter le budget et assumer des choix difficiles devant les Français. Les inconvénients de l’absence d’un véritable contrat de coalition risquent alors de se manifester. La menace d’une nouvelle dissolution et d’un retour aux urnes pourrait donc rapidement se profiler de nouveau. Mais le système politique retomberait-il sur ses pieds à la faveur d’un nouveau vote ?
On peut douter que de nouvelles élections législatives produisent un résultat très différent de celui de 2024. Comme on le constate au spectacle d’un hémicycle à la fois polarisé et fragmenté, notre mode de scrutin ne garantit plus la constitution de majorités fortes. C’est pourquoi il est aujourd’hui opportun d’envisager un nouveau mode de scrutin, tenant le double objectif de mieux représenter les sensibilités politiques des électeurs et de rendre le pays gouvernable. C’est ce que propose le juriste Benjamin Morel en s’inspirant du système allemand à deux voix, qui combine le vote de circonscription avec un vote proportionnel. Ce système permettrait à chacun d’exprimer ses préférences en se libérant du vote stratégique et de l’obligation, ressentie par des nombreuses électrices et électeurs, de voter « contre », au prix d’un sentiment d’impuissance démocratique qui s’aggrave à chaque élection.