Le mouvement Mahsa, le premier mouvement féministe iranien

Le mouvement Mahsa, le premier mouvement féministe iranien
Publié le 5 juillet 2023
  • sociologue, ancien directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales
La mort d’une jeune Kurde iranienne Mahsa Amini dans le bâtiment-prison de la brigade des mœurs à Téhéran mi-septembre 2022 a déclenché un mouvement d’un nouveau type en Iran au sein duquel les femmes ont été les actrices principales et les pionnières. En dépit de la répression sanglante qui s’est abattue sur lui (plus de 520 morts officiels, et sans doute plus si l’on tient compte de ceux qui ne sont pas répertoriés), le mouvement a duré plusieurs mois (jusqu’en avril 2023).
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Ce mouvement avait deux volets principaux représentés par les slogans « Femme, vie, liberté » et « A bas le dictateur ». D’une part, les femmes se sont révoltées contre le voile obligatoire et leur infériorité sociale et juridique et, de l’autre, une grande partie de la jeunesse, féminine aussi bien que masculine, a scandé dans la rue des slogans pour le renversement du régime islamique. 

Le Mouvement de Mahsa (nommé ainsi par de nombreux sociologues, avec le prénom de la jeune femme tuée par la brigade des mœurs) a innové sur plusieurs plans. Il a allié la liberté du corps à la liberté politique. Il a marqué de manière massive (et pas limitée à des groupes restreints d’intellectuelles ou de femmes engagées) l’irruption des femmes comme activistes sociales et politiques en tant que femmes et pas comme soeurs, épouses, mères ou nièces… Il a inventé une forme de joie collective par la danse et diverses manifestations corporelles qui marque la rupture avec le côté martyriste et endeuillé de l’idéologie officielle de la République islamique. Il a créé un sens nouveau de relations hommes-femmes par les danses mixtes postées sur le Toile et par les manifestations mixtes où hommes et femmes ont crié à l’unisson « A mort le dictateur ». Il a mis en acte l’affirmation de soi des classes moyennes dans leur jeunesse qui ont surmonté la peur face à un régime hyper-répressif et ont bravé pendant plusieurs mois les mises à mort des manifestants. Il a, enfin, révélé la sécularisation profonde des nouvelles générations pour qui la religion ne saurait dicter aux individus la conduite à tenir et à restreindre ses habitus vestimentaires (le rejet du voile obligatoire par les femmes). 

Le Mouvement Mahsa a échoué politiquement (il n’a pas pu renverser le Régime Islamique) mais il a réussi culturellement en révélant l’illégitimité de ce dernier.

La culture sécularisée de la joie de vivre

La nouvelle culture de la jeunesse iranienne est une forme séculière d’expression de soi que je qualifie de joie de vivre. Celle-ci donne à voir un souci de soi et de l’autre centré sur ce monde (et pas l’Au-delà) et la vie quotidienne (pas la vie lointaine transformée en existence paradisiaque par l’espérance dans le gouvernement islamique, telle qu’elle était vécue à l’aube de la révolution dite islamique de 1979). Son idéal est l’hédonisme quotidien et pas le martyre, idéologie par excellence de la révolution de 1979. Dans cette nouvelle culture, les relations libres et séculières entre les hommes et les femmes, la volonté de jouir de la vie dans ce monde et non dans l’Au-delà,  ainsi que la remise en cause de la culture omnireligieuse et endeuillée du Régime islamique sont mises en exergue par la jeunesse iranienne. 

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La joie de vivre a présenté une dimension transgressive qui s’est exprimée en opposition au Régime Théocratique de manière festive. La danse mixte des hommes et des femmes et le rejet ostentatoire du voile en ont été les aspects les plus saillants. La joie de vivre signifie entre autres l’exclusion de la religion des relations sociales et la remise en cause des règles de la « pudeur » islamique dans la vie quotidienne. Mais la dimension anthropologique fondamentale de cette joie de vivre ne se réduisait pas à une opposition politique à la République islamique. Il manifestait la transformation profonde du sens de l’existence par une sécularisation, par ailleurs mise en évidence par les sciences sociales

Le mouvement Mahsa a été certes mû par la volonté de renverser le régime théocratique pour instaurer un régime démocratique. Mais sa portée essentielle réside dans une révolution profonde au sein de la culture, à savoir la fin de la culture du chiisme traditionnel avec son « dolorisme », sa vision tragique de l’existence que le régime islamique a tenté d’exploiter pour se légitimer par le culte du martyre (celui de Hossein, le troisième imam chiite, puis celui des martyrs de la longue guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988)). 

Le mouvement Mahsa a été centré sur la femme parce que celle-ci est le talon d’Achille de l’islam traditionnel qui la restreint doublement : elle est principe de fécondité et de reproduction et doit être désexualisée dans l’espace public pour la préserver de la convoitise des hommes autres que le mari (d’où la nécessité du voile) et elle doit être soumise à la ségrégation pour la même raison (d’où la nécessité de la non-mixité avec les hommes autres que le mari, le père…). Du fait de cette double déficience, elle est la moitié inférieure de l’homme et son statut juridique reflète cet état de fait, institutionnalisé par le pouvoir en place (l’héritage de la femme est la moitié de celui de l’homme, le mari a de nombreux privilèges en cas de divorce, il peut en théorie avoir jusqu’à quatre femmes, peut décider de la liberté de voyager de la femme…). Le régime islamique a rigidifié cette dichotomie homme/femme avec laquelle l’islam traditionnel jouait de manière beaucoup plus souple dans la pratique quotidienne.

Le mouvement Mahsa a remis en cause le statut de la femme qui se libère du voile obligatoire et de la ségrégation et s’affirme l’égale de l’homme non seulement en termes de dignité abstraite, mais dans la pratique sociale, dans la vie quotidienne, dans la participation à la fête dans la rue où se mêlent hommes et femmes et où elles se font reconnaître comme citoyennes joyeuses. Dans ce mouvement, de femmes voilées ont participé activement, soulignant le fait que le voile devrait être librement consenti et que la contestation portait sur son port obligatoire et pas sur le voile lui-même. 

Le mouvement a porté sur la composante culturelle essentielle de la culture islamique et plus généralement encore, sur l’islam clérical qui fonde la théocratie sur l’infériorité de la femme. 

Le politique au sein du mouvement de Mahsa se définit dans ce rapport essentiel à la femme et dans la prise de conscience par celle-ci de sa capacité d’action qui la pousse à se constituer en militante à part entière, la première fois dans l’histoire de l’Iran et peut-être, du monde musulman. Il faut désormais compter avec la femme comme citoyenne, pas comme adjuvante de l’homme, mère, épouse ou sœur… Dans ce mouvement, les hommes viennent en second lieu. Ils veulent aussi s’affranchir de la religion sclérosée des anciens pour frayer des relations nouvelles avec les femmes, se mêler librement à elles, vivre avec elles un rapport d’égalité (à définir dans son contenu après le renversement éventuel du régime théocratique). L’homme et la femme rejettent les rôles que leur assigne l’islam patriarcal et engagent la lutte pour la citoyenneté démocratique et laïque. En remettant en cause l’islam patriarcal et théocratique, ils n’ont aucun sentiment de culpabilité, bien au contraire, ils ont la meilleure conscience du monde. 

C’est la nouveauté troublante de ce mouvement qui innove de manière essentielle dans la culture et la politique. Dans les années 1960-80 la modernisation dans la société iranienne (et, plus globalement, dans nombre de sociétés musulmanes) s’accompagnait d’un sentiment de culpabilité : en se modernisant, on perdrait ses racines islamiques et on deviendrait des ombres sans identité au sein d’un monde occidental, impérialiste par nature. C’est ce qu’un Djalal al-e Ahmad, intellectuel marxiste iranien appelait « l’occidentalopathie » ou « la maladie occidentale », à savoir un déracinement culturel sans que la modernité occidentale puisse donner sens à la vie des Iraniens. Le même intellectuel, ainsi que d’autres marxistes iraniens, se sont ralliés à l’ayatollah Khomeini en qui ils voyaient l’homme capable de les réconcilier avec leur passé islamique tout en brandissant le drapeau de la révolution contre le régime pro-occidental du chah

Avec le mouvement Mahsa, le sentiment de culpabilité a totalement disparu, plus rien ne subsiste de ce malaise qu’éprouvaient les gens pour qui la modernisation était désincarnée, passait par le déni de leur origine et par le rejet de leur enracinement dans une culture islamique et iranienne, le chiisme. Désormais, la volonté de s’assumer comme individu moderne est dépourvu du moindre sentiment de malaise et de culpabilité. Il est vrai que l’expérience de plus de quatre décennies de République islamique a montré le caractère contraignant et contre-nature de l’homo islamicus de la théocratie islamique. Désormais, en rupture avec la mentalité révolutionnaire des années 1970-80, la nouvelle jeunesse iranienne est en quête d’une modernité laïque où les décisions majeures au sujet de son corps et de sa liberté de fréquenter l’autre sexe lui paraissent relever de son libre-arbitre et non d’une instance étatique qui usurperait le statut de sacré pour la contraindre à renoncer à sa liberté. La liberté existentielle (liberté de s’habiller, de porter ou non le voile pour la femme, de disposer de son corps à sa guise) rejoint dans le mouvement Mahsa la liberté politique (la liberté d’être reconnu comme un citoyen à part entière). 

L’insoumission vis-à-vis de l’hypocrisie et le rejet de la schizoïdie 

Depuis l’instauration de la République islamique en 1979, la vie quotidienne de très larges couches urbaines est fondée sur l’hypocrisie et une complicité forcée avec un régime répressif. Ce dernier tolère dans une certaine mesure les attitudes transgressives dans la sphère privée – boire de l’alcool (non sans crainte et tremblement), regarder la télé étrangère sur son antenne parabolique tout en craignant de la voir confisquée, se retrouver entre amis sans voile pour les femmes qui craignent néanmoins l’arrestation, jouer aux jeux de cartes tout en encourant le risque d’une interpellation par les forces de l’ordre… En contrepartie de cette concession implicite de la liberté sous surveillance de l’espace privé, le pouvoir exige une attitude conforme aux préceptes islamiques dans l’espace public. Les adultes suivent ces préceptes répressifs parce qu’ils craignent pour leur famille et leur position sociale. Les jeunes refusent de se soumettre parce qu’ils n’ont pas ces préoccupations ; mais aussi et surtout du fait de leur sentiment d’une intolérable hypocrisie sociale doublée de veulerie chez leurs parents qui n’ont pas su dire non au pouvoir sanguinaire. 

Dans le mouvement Mahsa où les jeunes ont joué le rôle majeur, ceux-ci, par leur attitude, ont montré l’immense fossé des générations, ils ont dénoncé au passage la «veulerie» de leurs grands-parents qui ont fait la révolution islamique en 1979 et ont laissé le pouvoir aux mains de Khomeyni et de ses adeptes. Se faisant la voix de leurs grands-parents, dans les manifestations de 2022, les jeunes ont crié : « Nous nous sommes trompés/Nous avons offert le pays sans arrière-pensée/ aux voleurs ! » . Les adultes, père et mère, grand-père et grand-mère, ont vécu au sein de la République islamique depuis plus de quatre décennies et en ont intériorisé les normes répressives dans la crainte et dans le tremblement. Ils se sont insurgés dans la période allant de 2016 à 2019 et plus d’un millier d’entre eux ont trouvé la mort dans l’affrontement avec l’État prédateur. Depuis, ils hésitent à se lancer à corps perdu dans la rue. Les motifs culturels les laissent plus ou moins insensibles depuis l’échec du « Mouvement vert » de 2009, comme le voile ou encore la libération sexuelle ou les expressions de festivités publiques qu’ils ont appris à camoufler et à ne laisser voir qu’en cercles restreints, en famille ou parmi les amis. 

Les jeunes, eux, sont mus par des attitudes diamétralement opposées. Ils partagent le sentiment de l’univers festif sur la Toile, ils veulent vivre une modernité qui leur est déniée dans la réalité et à laquelle leur accès exclusif sur Internet les pousse à agir, tant le poids d’une réalité en contradiction avec leurs désirs est oppressant. A cela s’ajoute l’influence de la diaspora iranienne en Occident, fort de quelques millions et dont le contact avec la jeunesse autochtone n’a jamais été coupé.  La complicité des jeunes, hommes et femmes confondus dans les manifestations du mouvement Mahsa, témoigne de leur volonté commune de faire corps avec ce monde de la liberté qui est celui de la diaspora iranienne, liberté qui leur est refusée au nom de l’islam par l’Etat théocratique. Son trait dominant est à leurs yeux l’interdit illégitime de la joie d’exister, l’obstacle indû au désir d’être libre de toute contrainte religieuse. Bref, ils dénoncent une vision religieuse rabat-joie qui les empêche d’exister en accord avec leurs aspirations les plus élémentaires, à savoir discuter, vivre ensemble et se mêler, filles et garçons, partager leurs expériences sans crainte de se voir arrêter par la police des mœurs. Ils entendent vivre leurs excitations et leurs désirs sans la barrière qui se nomme théocracie et qui est vécue sur le mode de l’absurde et de l’oppressif par l’immense majorité. 

Les parents, eux, savent que ces interdits religieux sont aberrants mais l’amère expérience de la vie sous cette théocratie tyrannique leur a appris à ployer sous son joug, tout en trichant avec elle. Les jeunes refusent cette logique schizophrénique, ils pensent que leur est due une relation nouvelle où l’État n’interviendrait pas dans leur vie personnelle et les laisserait libres de choisir, notamment ce qui concerne leur corps. Qui plus est, ils ont aussi une culture narcissique structurée autrement que l’individualisme de leurs parents. Le culte de son image virtuelle leur donne le sentiment que l’existence est aussi la mise en acte de ce qui, sur leur portable, relate leur désir de se magnifier par le virtuel, de se rehausser à leurs yeux en se sublimant aux yeux de leurs amis. Le consumérisme de l’image narcissique de soi, dénoncé par les intellectuels occidentaux comme une aliénation majeure, opère ici comme un principe libérateur. 

Les combines et les faux-fuyants de la société dans son affrontement avec l’État tyrannique ne demeurent pas sans risque et souvent les familles paient un lourd tribut contre le régime qui brandit son épée de Damoclès au-dessus de leur tête. On peut citer un exemple banal qui se reproduit tous les jours aux quatre coins de l’Iran et que rapporte la presse locale :

« Selon l’agence de presse Harana, citant (les informations de l’agence de presse) Tabnak, Mohammad Sadegh Akbari, le chef de la justice de la province de Mazandaran (nord de l’Iran) a annoncé en juin 2022 l’arrestation par la police de sécurité de 120 inscrits à la tournée touristique de la forêt Pirajah dans le chef-lieu de Neka. La danse mixte et le voile ôté par les femmes (kashfe hedjab) figurent parmi les chefs d’accusation. Selon lui, les membres de  ce groupe ont été arrêtés par la police pour avoir dressé des banderoles de satanisme et (commis) des actes criminels tels que la consommation de l’alcool, les relations illicites entre hommes et femmes, les danses mixtes, le rejet du hijab, et d’autres actes contraires à la charia et à la loi. Une action en justice a été déposée à ce sujet. »

La seconde phase du mouvement Mahsa

Après la répression du mouvement Mahsa par les forces gouvernementales de septembre 2022 à mars 2023, la dimension essentielle de la contestation, à savoir les manifestations de rue, disparaît progressivement dans la plupart des provinces iraniennes. Seul demeure le rejet du voile chez de nombreuses jeunes femmes. Celles-ci refusent de le remettre dans la rue. Le mouvement de protestation collective s’est transformé en un refus de porter le voile par des jeunes femmes à titre individuel. Les manifestations qui visaient le renversement de l’Etat islamique ont laissé place à l’attitude individuelle de jeunes femmes qui n’ont pas cédé à l’intimidation des agents féminins de l’Etat islamique pour remettre le voile.

Jusqu’alors, il n’y avait pas d’antagonisme entre les femmes voilées et celles qui ont ôté le voile. Ce qui les unissait dans les manifestations, c’était le rejet de l’État prédateur et la volonté de mettre fin à son hégémonie illégitime sur la société.

L’État islamique a parrainé des agents féminins strictement voilées qui ont pris à partie des jeunes non voilées pour leur signifier, souvent de manière agressive, leur absence de hijab. Une femme a été tuée dans la ville de Mahan, dans la province méridionale de Kerman. D’autres cas où une femme a été giflée par une femme voilée au service du régime islamique ont été signalés jusqu’à la fin du mois d’avril 2023. 

Une autre façon de maîtriser les femmes non voilées consiste à les filmer dans la rue et à fermer les magasins, les restaurants, les banques ou d’autres lieux où elles pénètrent. C’est ce qu’on appelle le « plombage » (polomb kardan).

La lutte contre les femmes non voilées lancée par le régime clérical se poursuit ainsi, sans qu’elles acceptent le re-voilement forcé dans une épreuve de force inégale où elles sont exposées à des sévices directs et indirects par les agents du pouvoir.

Le mouvement Mahsa a eu une conséquence majeure : la perte du complexe de peur de la part de nombreuses jeunes femmes qui mènent la lutte contre le régime islamique en l’absence de manifestation collective, au niveau individuel. 

Des femmes conduisent désormais des motos, ce qui constitue une nouvelle provocation à l’égard du régime et une expression de leur liberté corporelle. Avant le Mouvement Mahsa, elles s’habillaient en homme pour ne pas éveiller les soupçons, mais aujourd’hui, non voilées, elles portent des vêtements de femmes pour exprimer leur liberté retrouvée mais menacée. 

Le mouvement Mahsa a commencé collectivement. Aujourd’hui, les femmes agissent individuellement. Elles sont exposées aux abus des milices du régime mais, compte tenu de leur nombre, l’État islamique doit mobiliser ses forces de sécurité pour les combattre, ce qui met ses ressources à rude épreuve.

Le mouvement Mahsa a, certes, échoué dans sa dimension politique (il n’a pas su renverser le régime islamique), mais il a révélé, par son ampleur et sa durée face à une répression brutale, l’illégitimité de la théocratie islamique. On est en droit de penser que d’autres mouvements de protestation en prendront le relais dans l’avenir.

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Farhad Khosrokhavar

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