Trump vs. Harris : quelle politique étrangère ?

Trump vs. Harris : quelle politique étrangère ?
Publié le 21 octobre 2024
  • ancien diplomate, auteur de La Puissance au XXIe siècle (Paris, CNRS éditions), enseigne les relations internationales à Sciences Po Paris, à la Hertie School de Berlin et au Collège d’Europe à Natolin
Le résultat de l’élection présidentielle américaine affectera la situation internationale sur plusieurs points chauds : au Proche-Orient, en Ukraine, à Taiwan… Mais que proposent les deux candidats dans leur programme ? Si les politiques étrangères des administrations Trump et Biden (dont Kamala Harris est en partie comptable) se distinguent par bien des aspects, en particulier vis-à-vis des Européens, des points de consensus rassemblent les deux camps.
Écouter cet article
00:00 / 00:00

Les grandes options de politique étrangère ne jouent généralement qu’un rôle second dans le résultat des élections présidentielles américaines. Sur les terrains qui ont une résonance forte dans l’opinion, comme le soutien à Israël ou la posture de défiance vis-à-vis de la Chine, les deux camps ne se distinguent d’ailleurs guère sur les principes. La politique étrangère s’invite dans le débat, avant tout, par la mise en scène de la fermeté des candidats ou par les effets collatéraux des choix proposés, comme leur coût pour le contribuable ou la protection douanière de l’économie. Pour le reste de l’humanité, les conséquences du résultat sont telles que certaines personnalités ont, comme Boris Johnson – avant d’être Premier ministre il est vrai – plaisanté sur la légitimité du monde entier à peser sur le scrutin…

Celui du 5 novembre prochain est peut-être le plus décisif, à tous égards, depuis des lustres, de par les personnalités des deux candidats mais aussi de par les enjeux. Les incertitudes se cumulent pour dramatiser l’échéance. Si le mois de campagne restant ne semble pas devoir affecter leurs programmes, le paysage international instable, au Proche-Orient principalement, pourrait, en cas de dégradation subite, changer la donne. Le gradient d’incertitude est également affecté par d’autres facteurs. Le système électoral à deux étages en vigueur et le rôle crucial des swing states sont bien connus, mais les expériences récentes1 quant au décompte des voix dans certains États font également planer le risque d’une répétition de tels scénarios alors que les deux candidats sont au coude à coude. Dans le contexte de polarisation forte qui est celui des États-Unis aujourd’hui, l’invocation par Trump d’une « élection volée » peut également déboucher sur une crise politique, comme les événements du Capitole le 6 janvier 2021 en ont offert une illustration. Enfin, la répartition des sièges au Congrès entre les deux partis aura également une importance décisive pour la conduite de la politique future du pays.

L’observation des expériences des administrations Trump et Biden ainsi que les déclarations et prises de position des deux candidats balisent les trajectoires prévisibles de politique étrangère. L’objet de cet article est les cartographier, en gardant à l’esprit que l’impact des inconnues mentionnées plus haut peut, lorsqu’elles seront levées, les altérer. Au-delà des profils politiques et psychologiques, très différents, Donald Trump et Kamala Harris se distinguent par leurs approches des deux sujets les plus « bipartisans » de la politique étrangère américaine, le soutien à Israël et la menace chinoise. Si le recours au protectionnisme, notamment par les droits de douane, fait également, dans son principe, consensus, la panoplie des instruments envisageables diffère pour chaque camp, sous les bannières America First pour le candidat républicain et Buy America pour la candidate démocrate. Le contraste est plus accusé encore pour le couplage de sécurité transatlantique et l’OTAN, ainsi que sur les questions climatiques. Ces options seront à chaque fois examinées au prisme des intérêts européens.

Avant un examen des grands dossiers que le vainqueur de l’élection devra traiter, un premier angle s’impose, celui de la personnalité de chaque candidat, mais aussi des entourages putatifs. Au terme de quatre années de mandat suivies d’autant d’années de pugilats politiques et judiciaires, on a pu mesurer le tropisme transactionnel de Donald Trump, sa méfiance envers des collaborateurs souvent atterrés par ses outrances ainsi que sa confiance inébranlable dans ses instincts et ses impulsions – même s’il s’entoure désormais exclusivement de personnalités jugées loyales. Ces traits sont gage d’imprévisibilité face à des situations, même ordinaires. Il refuse également de se laisser enfermer dans des cadres idéologiques préparés à son attention, au sein de son camp, par des think tanks conservateurs comme la Heritage Foundation.

Abonnez-vous à notre newsletter

Dépourvue d’expérience personnelle antérieure de politique étrangère, Kamala Harris s’est certes vu confier différentes missions à l’étranger par le président Biden, mais surtout elle a été initiée dès le début de son mandat par son association à la collégialité de la décision quotidienne en ce domaine. Par ailleurs, entourée d’une équipe de politique étrangère forte de « vétérans » de douze années d’administrations démocrates depuis 2008, elle ne peut se déjuger d’une administration Biden dont elle fait partie, et dont elle ne peut que reprendre et défendre les positions. Si elle a fait la preuve, depuis son investiture, d’une personnalité forte et assurée, désarçonnant Trump lors du débat télévisé, elle a également laissé apparaître une posture plus politique qu’idéologique, renonçant à des choix personnels exprimés avant son mandat de vice-présidente au profit de positions plus en ligne avec les exigences de la campagne ou de la cohésion du camp démocrate. En politique étrangère, son expérience est insuffisante pour suivre des voies propres et il est donc très probable que la trajectoire suivie sera prévisible, dans la continuité de celle de l’administration dans laquelle elle sert, et qu’elle se reposera sur un entourage compétent et expérimenté. La sensibilité à la règle de droit et aux droits humains dont elle a fait preuve au cours de sa campagne et qui, là aussi, la distingue de son adversaire s’inscrit également dans ce schéma.

Soutien à Israël, menace chinoise : le consensus

Les deux dossiers les plus « consensuels » sont le soutien à Israël et la menace de la Chine. La divergence porte non pas sur le principe, mais, dans le premier cas, sur l’intensité de l’engagement derrière la politique du gouvernement Netanyahou ainsi que sur les propositions et instruments de politique étrangère à actionner. Si ce soutien est quasiment inconditionnel dans le parti républicain, la politique israélienne à Gaza a suscité des états d’âme au sein de l’aile gauche du parti démocrate, amenant Kamala Harris à tenir un langage plus nuancé, mais sans pouvoir rien céder sur le fond. Par ailleurs, la ligne de l’administration démocrate reste sur des positions classiques, telles que la solution à deux États et la condamnation de la colonisation en Cisjordanie. Dans la continuité de son premier mandat, Trump récuse cette posture au profit d’un appui explicite à la méthode forte mise en œuvre, d’une épée de Damoclès maintenue au-dessus de l’Iran et de la poursuite de la dynamique enclenchée par les accords d’Abraham. Mais les deux camps restent pleinement acquis à la poursuite de l’aide militaire à Israël, vu comme le partenaire le plus robuste, dans la région, des États-Unis, un « pilier » qui leur permettrait, à terme, de réduire leur engagement et leur empreinte directe dans la région.

Quant à la Chine, elle est désormais unanimement traitée comme l’adversaire et rivale principale des États-Unis. Les mesures prises par l’administration Trump contre la Chine ont été maintenues par son successeur, qu’il s’agisse des droits de douane, du contrôle des transferts de haute technologie ou des sanctions contre les violations des droits de l’homme par Pékin. De nouvelles mesures ont d’ailleurs été ajoutées par l’administration Biden, notamment le contrepoids bâti dans la région Indopacifique avec le projet AUKUS2 ainsi que des rapprochements avec différents États asiatiques eux aussi menacés par la Chine. Sur ce socle commun il faut s’attendre à des options différentes de politique étrangère pour contrer cette puissance rivale. Enhardi par l’enracinement des initiatives de son premier mandat, un Trump réélu n’hésitera pas à accroître de plusieurs degrés les mesures de contrainte vis-à-vis de la Chine, sous forme de nouvelles augmentations des droits de douane – une démarche qui s’inscrira dans une politique plus générale de protectionnisme (Cf. infra) – et de barrières aux transferts de technologie. Il est probable qu’un effort de défense accru aura pour but de faire pièce à la menace chinoise, notamment navale, dans son environnement régional. Face à une posture de découplage (decoupling), qui n’est pas sans inconvénients et ne fait pas consensus au sein du camp républicain, une administration démocrate sera plus encline à ménager des tempéraments et à s’en tenir à une posture de minimisation du risque (derisking) : sélectivité des mesures d’embargo, limitée à certaines technologies critiques (microprocesseurs, intelligence artificielle, biens à double usage…)3 ou des mesures protectionnistes spécifiques (droits de douane relevés à 100 % à partir de 2024 pour les véhicules électriques) afin de continuer de bénéficier d’un large courant d’échanges, bénéfique à l’économie américaine, pour les biens moins sophistiqués.

OTAN et sécurité européenne : l’inconnue Trump

En revanche, s’agissant du rapport à l’Europe, à la relation transatlantique et à la guerre en Ukraine, les divergences entre les camps démocrate et républicain sont les plus marquées. Le dossier central à cet égard est le couplage de sécurité incarné par l’OTAN. Pendant son premier mandat, Trump avait en effet semé la perplexité dans les rangs alliés en menaçant de réduire l’engagement américain au sein de l’OTAN, voire de s’en retirer complètement, si les alliés ne suivaient pas la « recommandation » de relever leurs dépenses de défense à 2 % du PIB. Il avait même établi un lien entre le montant des dépenses de défense de chaque État et l’application à son bénéfice de la solidarité alliée au titre de l’article 5 du Traité de Washington en cas d’agression. Et lorsque nombre d’alliés européens ont relevé significativement leurs dépenses de défense après l’attaque de l’Ukraine par la Russie, Trump n’a pas manqué de s’en attribuer le mérite. Pour autant, il avait réitéré ses menaces en février 2024, indiquant qu’il ne dissuaderait pas la Russie d’attaquer un État qui n’aurait pas « payé son dû » au sein de l’OTAN. L’administration Biden a certes fait voter fin 2023, avec le soutien d’élus républicains, une loi subordonnant tout retrait américain de l’OTAN à un vote aux deux tiers du Sénat, mais cette rhétorique erratique d’un Donald Trump alors déjà pratiquement certain d’obtenir l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle a tétanisé les alliés européens…

Il y a sans doute lieu de faire la part du bluff dans les menaces brandies par un responsable politique qui se glorifie de son maniement de l’art de la transaction, mais force est d’observer que nombre d’alliés européens, attentifs à envoyer des signaux positifs outre-Atlantique, ont non seulement augmenté leurs dépenses de défense après février 2022, mais ont également passé des commandes significatives à l’industrie d’armement américaine. Élève modèle à cet égard de la classe européenne, la Pologne a, en l’espace de deux ans, doublé de 2 à 4 % la part de ses dépenses de défense dans le PIB et conclu une série de contrats d’achat d’armement sophistiqué aux États-Unis à hauteur de quelque 30 Mds $. Par ailleurs, le mot d’ordre d’autonomie stratégique de l’Union européenne, qui n’a jamais eu la faveur de nombreux alliés européens, reste employé avec précaution pour ne pas être interprété comme une prise de distance vis-à-vis des États-Unis et pour suggérer qu’elle vient renforcer l’alliance.

Si un retrait des États-Unis de l’OTAN reste hautement improbable, une administration Trump ne manquerait pour autant pas de moyens pour tirer un maximum de contreparties des alliés européens : non seulement le candidat a appelé à relever à 3 % du PIB les dépenses de défense4, mais les pressions peuvent revêtir différentes formes, comme une demande de partage, voire de prise en charge des coûts du stationnement de troupes américaines, des pressions en vue de l’acquisition d’armement américain dans le cadre d’une bilatéralisation des relations de défense et de sécurité avec certains pays alliés. D’autres conditionnalités peuvent également être mises sur la table : la plus probable est une exigence de soutien politique, voire militaire – en termes symboliques du moins – des alliés européens aux États-Unis dans leur face-à-face avec la Chine. Ces gesticulations, qui s’inscrivent dans la logique transactionnelle de l’ancien président, aboutissent à désacraliser l’engagement d’assistance implicite dans l’article 5 – dont la rédaction n’implique d’ailleurs pas l’automaticité d’une riposte armée à une agression5 – à miner la crédibilité du couplage de sécurité transatlantique et à affaiblir la dissuasion alliée face à l’aventurisme russe.

Ukraine : la tentation du désengagement

La posture vis-à-vis de l’Ukraine sera, bien que celle-ci ne bénéficie pas de cette garantie, une autre pierre de touche de cette crédibilité. Trump, qui a continué de s’entretenir avec Vladimir Poutine après le début de l’agression de l’Ukraine6, exclut toute adhésion de ce pays à l’OTAN et se fait fort de pousser Kiev à négocier avec Moscou – sans espoir de retour à l’intégrité territoriale dans les frontières de 2014. Les termes de cette négociation resteront, jusqu’à la proclamation des résultats, une inconnue, mais l’objectif de mettre un terme à l’assistance militaire et financière à l’Ukraine alors qu’aucune perspective de victoire n’est en vue reste largement partagé au sein des élus républicains.

Du côté démocrate, Kamala Harris, californienne, moins trempée dans l’atlantisme que l’establishment démocrate de politique étrangère de la côte est, ne sera pas portée par le même niveau de conviction atlantiste qu’un Joe Biden façonné par des décennies d’engagement des États-Unis dans la Guerre froide. Pour autant, elle s’inscrit, sans surprise, dans la posture de l’administration dont elle fait partie. De même, s’agissant de l’Ukraine, Kamala Harris, très critique des agissements de la Russie, s’en tient au langage agréé sur la nécessité d’une « victoire » de l’Ukraine – que Trump a refusé d’appeler de ses vœux pendant le débat – et les risques pour la sécurité européenne d’une victoire de Poutine. Si le président Biden reste à ce stade réservé quant à une éventuelle adhésion du pays à l’OTAN, son équipe de politique étrangère semble plus ouverte à une telle perspective et pourrait la faire partager à la candidate. En revanche, celle d’un soutien militaire et budgétaire américain maintenu au même niveau, voire accru, à l’Ukraine jusqu’à une hypothétique victoire est loin de faire l’unanimité dans les rangs de l’élite démocrate de politique étrangère. Kamala Harris sera l’arbitre de ce débat, qui aura aussi, et surtout, lieu au Congrès, où il sera tributaire du poids des Républicains dans les deux chambres.

Commerce : le rouleau compresseur du protectionnisme

Parmi les points de friction de la relation transatlantique figurent les incidences d’une politique commerciale de plus en plus dominée par un protectionnisme assumé, côté démocrate autant que républicain. Cette convergence est bâtie sur une continuité entre les pratiques du premier mandat de Trump, qui en avait fait un instrument pour contrer la puissance exportatrice de la Chine, en imposant des droits élevés sur l’importation de biens – à hauteur de 18 % en moyenne, soit 360 Mds $ – et l’administration Biden, qui avait maintenu l’essentiel de ces dispositifs, voire renforcé certains. Mais celle-ci en a abaissé d’autres, notamment sur l’acier et l’aluminium, visant l’ensemble des pays. A ce dispositif de protection douanière les démocrates ont ajouté un autre, à base de subventions fédérales, sous la bannière d’une stratégie industrielle volontariste, avec l’Inflation Reduction Act (IRA, 370 Mds $) puis le Chips and Science Act (280 Mds $)7. Kamala Harris assume l’héritage Biden à cet égard, ainsi que le principe de la protection par voie de subvention. En revanche, Trump, très critique de l’IRA – et en particulier de son objectif de réduction des émissions de carbone – s’est fait fort d’y mettre fin, mais rencontrera probablement des résistances au Congrès, de la part d’élus républicains des États bénéficiaires de ce dispositif.

C’est donc probablement à des nouvelles mesures protectionnistes qu’il y a lieu de s’attendre des deux côtés. L’inspirateur de cette politique est Robert Lighthizer, ancien « représentant des États-Unis pour le commerce » (USTR) de Donald Trump. Resté en place durant la totalité du mandat de celui-ci – un tour de force – il est l’architecte d’un concept de nationalisme économique assumé – après des décennies d’un libre-échangisme solidement ancré dans l’identité politique des États-Unis, en particulier du parti républicain8. Critique de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et de l’admission de la Chine en son sein en 2001, Lighthizer, qui a formalisé ses thèses dans un livre récent9, pourrait être appelé à nouveau par un Trump président à ses côtés, possiblement comme secrétaire au Trésor. Pour l’heure, on reconnaît son empreinte derrière les thèmes de campagne de Trump pour tout ce qui touche aux relations commerciales des États-Unis avec le reste du monde : proposition d’un droit de douane de base de 10 à 20 %, principe de réciprocité systématique des droits de douane (« œil pour œil »), imposition de droits spécifiques ciblant des pays qui chercheraient à contourner le dollar pour leurs transactions, voire la menace de carrément retirer les États-Unis de l’OMC, institution que le candidat qualifie de « désastre ».

L’influence de Lighthizer est également présente dans la concentration du tir contre la Chine, à laquelle le candidat promet un relèvement à 60 % des droits de douane sur ses exportations à destination des États-Unis, soit un quasi-triplement, ainsi qu’un terme mis à l’importation de « biens essentiels » (acier, électronique, produits pharmaceutiques). Autre préconisation, le retrait de la clause de la nation la plus favorisée accordée en 2000 à la Chine lorsqu’elle a accédé à l’OMC ouvrirait la voie à des droits de douane fixés arbitrairement. Dans l’hypothèse où Lighthizer serait effectivement amené à reprendre du service, le droit de douane de base de 10 % pourrait n’être que le début d’un processus graduel de relèvement des taux jusqu’à ce que la balance commerciale soit à l’équilibre. Et parmi les autres propositions qu’il a avancées dans son essai on trouve une fiscalité réaménagée pour favoriser les exportations, une taxation plus élevée des importations intégrant une forte teneur en émissions de carbone ou encore une stratégie d’affaiblissement du dollar pour gagner en compétitivité, en recourant notamment à des pressions sur les partenaires commerciaux des États-Unis pour qu’ils réévaluent leur propres monnaies, comme l’avait fait Reagan avec les « accords du Plaza » en 1985.

Une telle démarche fait planer une menace de « guerre » monétaire et commerciale entre les États-Unis et leurs grands partenaires commerciaux, sans la certitude, naturellement, de parvenir aux objectifs visés. Mais de par les conséquences pour les premiers partenaires des États-Unis que sont les Européens, une telle posture d’affrontement est porteuse de risques élevés de division.

Climat : le risque Trump

Dernière pomme de discorde transatlantique dans l’hypothèse d’une victoire de Trump, la politique climatique divise également les deux candidats. Alors que Trump affiche un climato-scepticisme sans états d’âme, Kamala Harris voit dans le dérèglement climatique une « menace existentielle ». Alors que l’administration Biden a fait revenir les États-Unis au sein de l’accord de Paris de 2015 sur le climat, Trump a annoncé qu’il le dénoncerait à nouveau. Il a également promis qu’il mettrait fin à l’IRA, l’ambitieux programme démocrate d’accompagnement, par une politique industrielle, de la transition écologique et qu’il lèverait toutes les contraintes imposées par son prédécesseur sur les forages, la production d’énergies fossiles et les infrastructures de transport de celle-ci. Quant à l’établissement d’une taxe-carbone aux frontières, même si le concept en a été évoqué par Lighthizer, rien n’indique qu’Américains et Européens puissent s’entendre sur un régime acceptable par les deux parties.

Trump : le spectre de la brutalité et des divisions

L’examen des options de politique étrangère défendues par les deux candidats révèle la béance de l’écart entre deux trajectoires politiques radicalement différentes. L’une relève d’une disruption assumée. L’autre est, sans surprise, davantage marquée par la continuité de la ligne actuelle – une ligne qui a en grande partie été celle des États-Unis depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. Du point de vue des intérêts européens, une présidence Trump laisse présager un niveau de brutalité et de tension plus élevé encore que lors de son premier mandat. Le maniement de la menace autour du couplage de sécurité transatlantique, en lien avec les achats d’armement américain ou avec les pressions prévisibles pour que les Européens s’inscrivent dans une politique américaine d’affrontement avec la Chine, l’inclination à jouer du rapport de forces dans un faisceau de rapports bilatéraux et une politique commerciale très protectionniste sont autant de facteurs possibles de division du Vieux Continent. Enfin, l’effet de souffle d’une nouvelle victoire du candidat républicain donnerait par ailleurs un élan supplémentaire à une mouvance nationale-populiste partout à l’offensive en Europe et qui serait confortée dans ses postulats. Pour autant, une présidence Harris, gage d’une relation certes plus policée, ne serait pas exempte de frictions, autour du protectionnisme et de l’exigence de soutien politique dans une relation sino-américaine également tendue, voire sur l’issue de la guerre en Ukraine.

Envie de contribuer à La Grande Conversation ?
Venez nourrir les débats, contredire les études, partager vos analyses, observations, apporter un éclairage sur la transformation du monde, de la société, sur les innovations sociales et démocratiques en cours ou à venir.

Pierre Buhler

Lire aussi

Le vote latino aux Etats-Unis : la fin du « destin démographique »

  • 2024 : L’Amérique à l’heure du choix
Le vote latino aux Etats-Unis : la fin du « destin démographique »