Les quatre votes populaires, ou pourquoi le « bloc populaire » est un mythe

Les quatre votes populaires, ou pourquoi le « bloc populaire » est un mythe
Publié le 13 mai 2022
Où est passé le vote populaire ? Un commentaire schématique du résultat des élections présidentielles décrit un « bloc populaire » en rupture sociale et politique. Une telle vision uniformisante ne résiste pas à l’analyse précise du vote lui-même, qui fait apparaître une division en quatre mondes populaires, aux profils sensiblement différents et parfois antagonistes.

Depuis plusieurs années, et plus encore depuis les résultats de la récente élection présidentielle, une idée simple se répand dans les esprits. Elle prétend que le paysage politique – et donc la société elle-même – serait structuré par l’affrontement croissant d’un « bloc populaire » et d’un « bloc élitaire », ou encore par un « duopole antagoniste » opposant les classes populaires et les périphéries d’un côté, aux classes supérieures et aux centres-villes de l’autre.

Cette lecture est non seulement fallacieuse, mais dangereuse. En réalité, il n’y a pas un mais plusieurs votes populaires, correspondant à des réalités sociales contrastées, à des préoccupations distinctes et à des choix politiques en bien des points antagonistes. Là où les lectures populistes du vote veulent voir une logique de blocs (et de classes), s’impose une relative dispersion des votes populaires, qui traduit elle-même l’hétérogénéité croissante des catégories ouvriers et employés. Comprendre et accepter cette complexité permet de mieux cerner les rapports sociaux qui travaillent la société française et de dessiner un paysage social plus proche de la réalité.

Pour ce faire, nous nous appuyons ici sur les données issues de l’enquête « Jour du vote » réalisées par l’institut BVA lors du premier tour de l’élection présidentielle le 10 avril 2022. Reposant sur un échantillon représentatif de 3008 personnes (méthode des quotas), cette enquête permet de se faire une idée de la sociologie des comportements électoraux. Les analyses qui défendent l’idée d’une opposition entre deux blocs socialement homogènes se fondent souvent sur les enquêtes menées lors du second tour. Or, le mode de scrutin de la présidentielle, qui sélectionne deux candidats au second tour, produit des comportements de barrage qui ne valent en rien adhésion à l’un ou l’autre candidat. Déduire de ces données une forme de « duopole antagoniste », c’est prendre un artefact électoral pour un fait social brut. L’analyse des résultats du premier tour montre au contraire un vote populaire non seulement dispersé mais à certains égards éclaté. Si elle ne permet pas toujours de descendre dans des catégories fines (de territoires, de revenus, etc.) faute d’effectifs suffisants pour en garantir la représentativité, elle met en effet en exergue des ordres de grandeur très parlants et sans ambiguïté.

Les quatre mondes du vote populaire

Si l’on identifie les classes populaires grossièrement aux catégories ouvriers et employés, ce qui frappe d’abord, c’est leur dispersion électorale entre quatre pôles : 30% choisissent l’abstention (+4 points par rapport à la moyenne nationale), 22% choisissent le vote Marine Le Pen (ou 31% des exprimés), 17,5% le vote Jean-Luc Mélenchon (25% des exprimés) et 15% le vote Emmanuel Macron (22% des exprimés). Au total, il faut additionner ces quatre groupes pour rassembler plus des quatre cinquièmes des classes populaires ainsi définies au premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Décompte à l’intérieur duquel les trois candidats arrivés en tête ne réunissent qu’une grosse moitié des inscrits dans ces catégories. En première approche, on est donc très loin d’une situation qui mettrait en évidence un ou une « candidat(e) du peuple » rassemblant sur sa candidature la majorité des suffrages populaires. Et plus loin encore d’un « bloc populaire » homogène et massif.

Graphique 1 : Répartition des ouvriers et des employés au premier tour de l’élection présidentielle (en part des inscrits dans ces catégories, %)
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Cette dispersion n’est jamais relevée en tant que telle, ni mesurée dans le temps. Elle était déjà à peu près au même niveau en 2017. Il fallait alors, pour atteindre plus de 4 électeurs populaires sur 5, additionner l’abstention (27%), Marine Le Pen (26%, ou 36% des exprimés), Jean-Luc Mélenchon (17,5% ou 24% des exprimés) et Emmanuel Macron (12%, ou 16% des exprimés). Les quatre groupes-clés étaient rigoureusement les mêmes qu’aujourd’hui. Bref, en cinq ans, peu de choses ont réellement changé, sinon qu’Emmanuel Macron (+3) et l’abstention semblent avoir gagné un peu plus d’audience dans les classes populaires tandis que Marine Le Pen (-4) en aurait finalement un peu perdu (toujours en part des inscrits).

Graphique 2 : Cumul des suffrages des trois candidats arrivés en tête du premier tour de l’élection présidentielle en 2017 et en 2022 dans les classes populaires (en part des inscrits dans ces catégories, %)

Il y a dix ans, en 2012, comme aujourd’hui, les trois candidats qui avaient enregistré les meilleurs scores en termes de suffrages exprimés dans les classes populaires (à l’époque, François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen) ne rassemblaient déjà qu’une grosse moitié des inscrits dans ces catégories. Le niveau de concentration des votes populaires était donc déjà comparable à ce que l’on observe aujourd’hui, quoique fixé sur des candidatures différentes.

La dispersion du vote populaire que l’on observe aujourd’hui est d’autant plus significative qu’il se répartit non pas entre des positions proches (comme cela pouvait être le cas entre le PCF et le PS dans les années 1970 et 1980), mais entre des positions souvent radicalement opposées les unes aux autres, qu’il s’agisse du rapport à l’économie, au social, à l’Europe, à l’immigration, à l’environnement ou aux questions internationales… Sur chacun de ces sujets, les clivages entre les candidats retenus sont en effet souvent très profonds.

L’abstention populaire

Chacune des options sur lesquelles se fixe le vote populaire dessine en outre des sociologies contrastées. Commençons par l’abstention. Elle atteint 30% des classes populaires mais elle est en réalité beaucoup plus forte chez les ouvriers (35%, +9 points par rapport à la moyenne nationale) que chez les employés (26%).

Que ce soit chez les ouvriers ou chez les employés, l’intensité de l’abstention décroît avec le niveau de revenu : elle est nettement plus forte chez ceux qui gagnent moins de 1500 euros et plus faible au-dessus de 2500 euros où se trouvent encore – il faut le noter – plus d’un tiers des employés et des ouvriers.

Elle est également étroitement corrélée à l’âge : plus on est jeune, plus on s’abstient. Ainsi, 40% des ouvriers de moins de 35 ans (+14 points par rapport à la moyenne nationale) se sont abstenus contre 29% des plus de 50 ans (+3).

Enfin, elle est également corrélée à la perception subjective de sa situation sociale : ceux qui déclarent appartenir aux « classes populaires et défavorisées » s’abstiennent beaucoup plus que les autres (44% chez les ouvriers et 37% chez les employés). Il est à noter que, contrairement au tableau misérabiliste et sans nuance qu’en font régulièrement les médias, la grande majorité des ouvriers et employés ne considèrent pas qu’ils appartiennent aux classes populaires et défavorisées, mais aux classes moyennes (3/5 des ouvriers et 2/3 des employés).

L’abstention populaire est donc d’abord le fait de jeunes pauvres ou aux revenus modestes. Plus souvent ouvriers qu’employés, ils font en outre plus souvent partie de ceux qui s’identifient aux classes populaires et défavorisées.

De façon moins intuitive, le niveau de diplôme ne semble pas vraiment décisif ici. S’il semble jouer sur l’abstention des employés, il paraît en revanche relativement neutre sur l’abstention des ouvriers ; à la limite, les ouvriers qui s’abstiennent le plus sont ceux qui ont le niveau de diplôme le plus élevé, suggérant une forme de sentiment de déclassement.

Un autre décalage apparaît au sujet de l’environnement urbain : alors que l’abstention est beaucoup plus répandue chez les employés des villes de plus de 100 000 habitants que chez ceux des villes moyennes ou des communes rurales, c’est l’inverse chez les ouvriers. Enfin, le sentiment de distance à la politique n’a pas la même intensité dans ces deux groupes : plus de 50% des ouvriers abstentionnistes parlent de « dégoût » et d’« indifférence » pour qualifier leur état d’esprit le jour du vote, contre moins d’un tiers chez les employés abstentionnistes. Bref, l’abstention des ouvriers est moins métropolitaine, plus distante à la politique et plus indifférente au diplôme que celle des employés.

Le vote populaire en faveur de Marine Le Pen

Marine Le Pen est régulièrement présentée comme la « candidate du peuple », celle qui a les faveurs des électeurs modestes, de ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois. Elle ne recueille en réalité que 22% des suffrages populaires (ou 31% des suffrages exprimés dans ces catégories), soit 8 points de moins que l’abstention (30%). C’est là encore d’abord un choix d’ouvriers (39% de l’effectif ouvriers contre 26% de l’effectif employés). L’emprise de cette composante ouvrière (où les hommes sont fortement majoritaires par opposition aux employées qui sont le plus souvent des femmes) explique que l’électorat populaire de Marine Le Pen soit majoritairement masculin.

Dans l’ensemble, les électeurs des classes populaires qui ont voté pour elle sont moins pauvres, un peu plus âgés et moins diplômés que les abstentionnistes issus de ces mêmes catégories sociales. Ainsi, 20% des électeurs ouvriers de Marine Le Pen gagnent moins de 1500 euros (-7 points par rapport aux abstentionnistes de cette catégorie), et 40% de ses électeurs employés gagnent plus de 2500 euros (+18 points).

Par ailleurs, près de la moitié (49%) des ouvriers de moins de 35 ans qui ont participé au vote ont choisi le bulletin Marine Le Pen. C’est beaucoup mais, compte tenu du fort niveau de l’abstention dans cette catégorie, ils ne représentent au final qu’un quart de son électorat ouvrier où les plus de 50 ans pèsent en revanche pour environ un tiers. Chez les employés, la part des électeurs de Marine Le Pen qui ont moins de 35 ans atteint 40%, ce qui est très élevé mais encore 10 points en-dessous des abstentionnistes de cette catégorie (53%). Contrairement à l’image très répandue d’un électorat jeune, les trois quarts des ouvriers et les trois cinquièmes des employés qui ont voté Marine Le Pen ont entre 35 et 64 ans et sont dans la maturité.

Plus surprenant a priori, les électeurs populaires de Marine Le Pen semblent en moyenne moins diplômés que les abstentionnistes issus des mêmes milieux sociaux. Si la comparaison fait apparaître un profil assez similaire chez les employés, le tableau est assez différent chez les ouvriers : 55% des électeurs ouvriers de Marine Le Pen ont un niveau de diplôme inférieur au bac (+10 points par rapport aux abstentionnistes de cette catégorie). En réalité, ces écarts s’expliquent sans doute par la structure d’âge de cet électorat : plus on avance en âge et plus la part des non diplômés augmente. L’électorat populaire de Marine Le Pen étant un peu plus âgé que les abstentionnistes ouvriers ou employés, il n’est pas très surprenant finalement qu’il soit aussi moins diplômé.

Le sentiment d’appartenir aux classes moyennes est également beaucoup plus répandu chez les électeurs ouvriers de Marine Le Pen (65%) que chez les abstentionnistes de cette catégorie (50%). Cet écart est encore plus prononcé chez ses électeurs employés (68%, soit 18 points de plus). L’électorat populaire de Marine Le Pen que les médias décrivent systématiquement comme un électorat de « perdants » et d’« oubliés » se vit très majoritairement comme un électorat de classes moyennes. Son état d’esprit au moment du vote est d’ailleurs beaucoup moins marqué par les expressions de « dégoût », de « résignation » ou d’« indifférence » qui sont à l’inverse très répandues chez les abstentionnistes.

Enfin, l’électorat populaire de Marine Le Pen est principalement porté par des préoccupations liées au pouvoir d’achat, aux retraites et aux questions régaliennes domestiques, c’est-à-dire les thèmes habituels de l’extrême-droite (immigration, sécurité, identité). Inversement, le chômage, les questions économiques, l’environnement ou la guerre en Ukraine ne retiennent guère leur attention.

Le vote populaire en faveur de Jean-Luc Mélenchon  

Le bulletin Mélenchon a été le troisième choix de l’électorat populaire (17,5%, ou 25% des exprimés) après l’abstention (30%) et le bulletin Marine Le Pen (22%, ou 31% des exprimés). C’est un troisième type de profil populaire qui apparaît ici. Le leader de la France insoumise fait jeu égal avec Marine Le Pen chez les employés (26%), mais n’attire que 23% des suffrages chez les ouvriers (-19 points par rapport à Marine Le Pen). Au total, son électorat populaire est d’abord un électorat d’employés au profil très équilibré en termes de genres. Il attire des électeurs sensiblement plus jeunes chez les employés (près de 40% chez les moins de 35 ans et chez les 18–24 ans), mais pas chez les ouvriers où 81% de son électorat a entre 35 et 64 ans. En termes d’âge et de CSP, l’électorat populaire de Jean-Luc Mélenchon apparaît, si l’on schématise, comme le négatif de celui de Marine Le Pen : il attire davantage les jeunes employés tandis qu’elle attire davantage les ouvriers d’âge mûr.

Cet antagonisme est encore plus prononcé au sujet des niveaux de diplômes : 61% des électeurs ouvriers de Mélenchon et 76% de ses électeurs employés ont un diplôme égal ou supérieur au Bac (contre 45% et 65 % chez Marine Le Pen). Ces éléments expliquent sans doute que, tout en étant plus jeunes et plus diplômés, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon aient des profils de revenu globalement comparables à ceux de Marine Le Pen (leur niveau de diplôme compense probablement les effets de leur âge).

Autre contraste : l’environnement urbain. 44% des électeurs employés de Jean-Luc Mélenchon vivent dans une commune de plus de 100 000 habitants (+17 points par rapport à Marine Le Pen). Et c’est également le cas de 37% de ses électeurs ouvriers (+4 points). Au total, l’électorat populaire de Jean-Luc Mélenchon est à la fois plus métropolitain, plus jeune et plus diplômé que celui de Marine Le Pen. Ces caractéristiques expliquent sans doute qu’il soit aussi plus sujet au sentiment de déclassement : les ouvriers qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon sont en effet beaucoup plus nombreux à s’identifier aux « classes populaires et défavorisées » (43%) que ceux qui ont voté pour Marine Le Pen (35%), alors que le tableau est à peu près équivalent chez les employés.

Les préoccupations qui portent l’électorat populaire de Jean-Luc Mélenchon sont principalement les grandes questions sociales : outre le pouvoir d’achat et les retraites (comme chez Marine Le Pen), ses électeurs issus des classes populaires se soucient de la lutte contre les inégalités et des questions de santé et d’éducation. Inversement, ils sont moins sensibles au sujet de la sécurité et indifférents aux enjeux liés à l’immigration et à l’identité.

Ce profil de préoccupations est sans doute accentué par la présence de nombreux électeurs immigrés ou issus de l’immigration dans l’électorat populaire de Jean-Luc Mélenchon, comme le suggèrent ses très bons scores dans les communes à fortes populations modestes et immigrées dans les premières couronnes des grandes villes françaises. Ce fait a souvent été souligné dans les médias au lendemain de l’élection, mais ils ont oublié que les jeunes ouvriers ou employés des banlieues populaires de Seine Saint-Denis ou des quartiers Nord de Marseille font aussi partie des classes populaires de notre pays, comme si leur origine géograhique ou familiale oblitérait leur condition sociale…

Le vote populaire en faveur d’Emmanuel Macron

Le président de la République qui est régulièrement présenté comme le candidat des riches et de la bourgeoisie urbaine et diplômée dispose d’un électorat en réalité beaucoup plus équilibré. Avec 15% de l’électorat populaire (22% des exprimés), il a ainsi capté près d’un électeur sur six chez les ouvriers et les employés. C’est moitié moins que l’abstention, très inférieur au score de Marine Le Pen, mais seulement 2,5 points de moins que Jean-Luc Mélenchon. L’électorat populaire qui a opté pour le bulletin Macron penche plutôt du côté des employés (23% des exprimés) que du côté des ouvriers (20%), et se situe dans une situation intermédiaire entre la forte prévalence ouvrière de Marine Le Pen et la prévalence employés de Jean-Luc Mélenchon.

C’est un électorat sensiblement plus âgé que celui de ses deux adversaires, mais pas toujours plus riche. Si les employés qui ont voté Macron ont un niveau de revenu assez supérieur à ceux qui ont préféré les bulletins Le Pen ou Mélenchon, la situation est plus complexe chez les ouvriers : d’un côté, la part des ouvriers qui gagnent moins de 1500 euros semble plus importante que chez ses adversaires (21% contre 15% chez Mélenchon et 20% chez Marine Le Pen) ; de l’autre 54% de son électorat ouvrier gagne plus de 2500 euros (soit près de 20 points de plus que chez ses concurrents). Bref, les ouvriers les plus riches votent davantage Macron, mais les ouvriers les plus pauvres aussi (à l’exception de ceux qui s’abstiennent)…

Quant au niveau de diplôme, il ressort nettement supérieur à celui de l’électorat populaire de Marine Le Pen, mais inférieur à celui des électeurs de Jean-Luc Mélenchon chez les ouvriers comme chez les employés. Idem sur le plan de la situation territoriale : l’électorat populaire d’Emmanuel Macron ne ressort pas plus métropolitain que celui de Jean-Luc Mélenchon.

Ce qui distingue le plus l’électorat populaire du Président de la République, c’est la perception subjective qu’il a de sa condition : 75% de son électorat ouvrier et employés se rangent spontanément dans les classes moyennes, soit nettement plus que ce que l’on observe chez ses rivaux. C’est également le seul électorat populaire où plus de 50% des électeurs citent la confiance ou l’enthousiasme pour qualifier leur état d’esprit le jour de l’élection.

Par opposition aux électorats populaires de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, celui d’Emmanuel Macron accorde une place importante au chômage et à la situation économique du pays, ainsi qu’à la guerre en Ukraine, trois sujets qui laissent relativement indifférents les ouvriers et employés qui ont voté pour la candidate du Rassemblement national ou pour le leader de la France insoumise. Inversement, le pouvoir d’achat ou les retraites sont des sujets moins prégnants chez les électeurs populaires d’Emmanuel Macron et l’immigration suscite encore moins d’intérêt que chez les mélenchonistes.

Conclusion

Quatre profils relativement distincts apparaissent donc à travers l’analyse du vote des classes populaires :

  • du côté de l’abstention, une jeunesse populaire pauvre, surtout ouvrière, peu diplômée, qui se vit volontiers comme défavorisée et ressent du « dégoût », de la « résignation » ou de « l’indifférence » face à l’élection ;
  • du côté de Marine Le Pen, un électorat populaire plutôt ouvrier, d’âge moyen plus élevé, moins diplômé encore que le précédent mais aussi moins pauvre et sans doute mieux inséré dans l’emploi, très sensible au pouvoir d’achat, à l’immigration et à la sécurité, mais relativement indifférent aux questions économiques ;
  • du côté de Jean-Luc Mélenchon, un électorat populaire plus jeune, beaucoup plus métropolitain et nettement plus diplômé que les précédents, mais se vivant plus défavorisé qu’eux, très sensible aux questions sociales, au pouvoir d’achat, aux inégalités, mais indifférent à l’immigration et à la sécurité ;
  • enfin, du côté d’Emmanuel Macron, un électorat populaire plus âgé, dans l’ensemble plus riche, moyennement diplômé, se classant très majoritairement dans les « classes moyennes », très sensible aux enjeux économiques et beaucoup moins au pouvoir d’achat et à l’immigration.

Le « bloc populaire » qui aurait émergé lors de la présidentielle 2022 est donc un mythe, entretenu par la France Insoumise et le Rassemblement National, qui s’en disputent la propriété. Mais ce mythe a été validé et renforcé par certains médias en quête d’explications simples et contrastées, et théorisé par quelques intellectuels peu désireux d’affronter la complexité d’un monde populaire devenu très hétérogène et lui-même parcouru de profondes inégalités.

Annexes

Structure d’âge de l’électorat populaire des candidats
Niveaux de revenu de l’électorat populaire des candidats
Niveau de diplôme de l’électorat populaire des candidats
Autopositionnement social de l’électorat populaire des candidats
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Thierry Pech