L’interminable naufrage du Parti socialiste 

L’interminable naufrage du Parti socialiste 
Publié le 13 juin 2025
Le congrès du Parti socialiste s'ouvre à Nancy le 13 juin prochain. La préparation de ce congrès a donné lieu à un débat qui s'est révélé décevant et qui a exhibé toutes les faiblesses d'un parti dont le naufrage semble sans fin. Hypocrisie des postures, inconsistance des idées, impuissance politique et absence de leadership, les maux du PS ne sont pas bénins.

Le bal des hypocrites 

Chacun s’accorde pour dire qu’il n’y a pas eu de débat de fond lors de la préparation de ce congrès et que les affrontements portaient exclusivement sur la stratégie. Mais même sur cette question, les camps en présence se sont révélés incapables de présenter une feuille de route réaliste et ont préféré s’affronter dans une réalité politique alternative. Conscient que les provocations de Jean-Luc Mélenchon et de LFI rendaient impossible une défense inconditionnelle du Nouveau Front Populaire, Olivier Faure et ses amis ont fabriqué un narratif sur l’Union de la gauche de « Ruffin à Glucksmann » qui avait l’avantage d’entretenir un flou artistique sur la question des alliances aux municipales comme aux législatives, en focalisant l’attention sur les candidats potentiels à la présidentielle. Pour les municipales, certains maires socialistes sortants iront donc au combat avec LFI, d’autres sans, et d’autres contre. Certains s’allieront à LFI au second tour, et d’autres non. Il s’agit bien de tout LFI et pas seulement des dissidents. Aucune règle, aucun principe n’ont été édictés : ce sera à la carte, en fonction des situations locales et des circonstances. Nul doute qu’il en sera de même pour les législatives. Pour ce courant, Jean-Luc Mélenchon est infréquentable, sauf si la conjoncture électorale le rend fréquentable. Voilà une position fondée sur une éthique politique irréprochable. 

On pouvait espérer que les amis de Nicolas Mayer-Rossignol choisiraient une ligne politique plus claire mais ils ont, eux aussi, préféré prendre part au bal des hypocrites. Pour se distinguer du camp adverse, ils ont fait de la rupture avec LFI le symbole de leur identité mais ils se sont bien gardés de tirer la conséquence logique de cette posture, à savoir l’alliance avec le centre, macronistes de gauche et Modem inclus. L’union de la gauche est toujours une vache sacrée et l’alliance avec le centre, toujours un tabou. Et le traître est plus que jamais une figure qui hante l’inconscient socialiste. La position de ce collectif est donc apparue tout aussi hors sol et irréaliste que celle de leurs adversaires. En politique, la solitude n’est pas une option, surtout quand on pèse moins de 10% de l’électorat.

Quant au troisième larron, Boris Vallaud, il a cherché à se distinguer en prônant le rassemblement de tous les socialistes, c’est-à-dire ceux qui veulent faire avec la France Insoumise sans le dire, et ceux qui veulent faire avec le centre sans le dire non plus. On lui souhaite bien du courage. 

L’inconsistance des idées 

Ce pseudo débat stratégique, plein de faux-semblants et de non-dit, a quand même réussi à masquer dans les médias l’indigence du débat d’idées. Sur l’immigration : rien. Sur les industries de défense et la souveraineté européenne : rien. Sur la dette : rien. Sur la croissance économique : rien. Sur la recherche et l’innovation : rien. Et sur le reste, toujours les mêmes recettes auxquelles plus personne ne croit : davantage d’impôts, davantage de dépenses publiques, davantage de fonctionnaires. Le « programme » du PS aujourd’hui, c’est celui de LFI moins 20% sur l’économique et le social, et celui des Écologistes moins 20% sur l’écologie. Et l’on voit surgir parfois un concept abscons comme la démarchandisation, pour ajouter une touche surréaliste au tableau. Cela va de soi, chaque camp affirme doctement qu’il faut remettre le parti au travail, qu’il faut s’ouvrir à la société civile, qu’il faut renouveler le logiciel. On croirait entendre le chœur de l’opéra qui chante « Marchons, marchons » en restant immobile sur la scène. Et l’on voit mal comment le débat d’idées pourrait s’engager, quand même le débat stratégique est un théâtre d’ombres. 

L’impuissance politique 

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Moins de 25 000 « militants » ont pris part à l’élection du leader du parti. Compte tenu du nombre d’élus socialistes locaux, nationaux et européens, on peut considérer que cet électorat est composé pour l’essentiel d’élus, de collaborateurs d’élus et d’aspirants à l’élection. Un parti de professionnels de la politique qui pratiquent l’entre-soi, et cultivent un biais cognitif autour de la question de l’élection présidentielle. C’est aussi un groupe humain qui n’accepte pas que sa formation soit devenue un parti charnière, de plus en plus marginalisé. Sa position sur la proportionnelle illustre ce biais cognitif. Alors que ce mode de scrutin le libérerait de l’emprise de la France Insoumise, et lui confèrerait un rôle majeur dans la constitution de coalitions de gouvernement, il s’obstine à défendre le scrutin majoritaire à deux tours, qui le marginalise et l’éloigne du pouvoir. La raison est simple : tous les leaders socialistes ont l’élection présidentielle en tête et la nostalgie de l’époque bénie où le candidat du PS faisait 25 ou 30% des suffrages au premier tour. Tous ou presque sont persuadés que cette époque bénie reviendra… la prochaine fois. Ce déni du réel explique la désaffection des électeurs et des militants associatifs, qui regardent cet étrange ballet avec commisération.

Un jour peut-être, un leader social-démocrate s’avancera sur le pavois et trouvera les mots pour provoquer un électrochoc. Mais ce jour n’est pas encore arrivé. 

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Jean-Louis Missika