Comment améliorer la soutenabilité environnementale des systèmes de santé ?

Comment améliorer la soutenabilité environnementale des systèmes de santé ?
Publié le 17 mai 2023
La contribution des systèmes de santé au réchauffement climatique est un enjeu de plus en plus visible sur l’agenda des autorités sanitaires dans de nombreux pays. En France, la prise de conscience doit s’accélérer. Anna-Veera Seppänen et Zeynep Or, toutes deux chercheuses à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), proposent dans cette note une analyse de la littérature scientifique disponible pour mieux comprendre l’impact du système de santé sur l’environnement, identifier les actions qui marchent, et construire un référentiel global de transformation pour notre système de santé.
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Une version longue de cette note est accessible sur le site de l’Irdes, Questions d’économie de la santé n°278 2023/05

Le réchauffement climatique constitue une menace sérieuse pour la santé des populations et exerce une pression grandissante sur les systèmes de santé. Depuis le début du siècle, les températures augmentent significativement et de façon croissante à l’échelle mondiale, affectant l’écosystème, l’eau, la production alimentaire, la santé et le bien-être, ainsi que les infrastructures (IPCC, 2022). Les changements de température et les inondations plus nombreuses risquent également de modifier l’environnement et de favoriser de nouvelles maladies infectieuses. Une augmentation globale de 1,5 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle, ainsi que la perte continue de biodiversité, risquent à terme, d’après les scientifiques, d’avoir des conséquences catastrophiques sur la santé humaine (Atwoli et al., 2021).

En même temps, les activités du système de santé ont des effets non négligeables sur l’environnement et contribuent à l’empreinte écologique. Leur impact carbone représente jusqu’à 10 % des émissions nationales, et il est comparable dans de nombreux pays industrialisés à celui du secteur alimentaire dans son ensemble (Pichler et al., 2019). Le Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal) a fixé en 2019 l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050 dans tous les secteurs, y compris celui de la santé. Néanmoins, le rôle joué par les soins dans le réchauffement climatique reste largement sous-estimé à ce jour dans les politiques publiques. Identifier les modes d’action susceptibles de réduire l’impact environnemental du système de santé et développer des stratégies visant à garantir sa soutenabilité, apparaît désormais comme une priorité.

Cette question a peu été documentée jusqu’à présent. Il est cependant possible de dégager à partir de la littérature des pistes d’action possibles. Il est temps, comme nous le proposons ici, de définir un cadre d’action fondé sur des preuves, visant à assurer la soutenabilité environnementale du système de santé français.

En France, les activités de santé contribuent à près de 8 % des émissions nationales de carbone

Les systèmes de santé sont responsables de 3 % à 10 % des émissions nationales de carbone selon les pays : 3 % pour le Mexique, 4 % pour le Royaume-Uni, 5 % pour le Canada, 7% pour l’Australie, 8 % pour les Pays-Bas, et 10 % pour les Etats-Unis (Pichler et al., 2019 ; Eckelman et al., 2018 ; Malik et al, 2018 ; Eckelman et Sherman, 2016). En France, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur de la santé ont été estimées par le Shift project à environ 8 % des émissions nationales, atteignant entre 40 et 61 mégatonnes d’équivalents CO2 (MtCO2e) en 2021 [Shift et al, 2023]. En outre, le système de santé est une source majeure d’autres polluants environnementaux. Au Canada, on estime qu’il est responsable, en plus des 33 Mt d’équivalents CO2 (CO2e) par an, de plus de 200 000 tonnes d’autres polluants tels que l’ammoniac, le monoxyde de carbone, le méthanol, les oxydes d’azote et les matières particulaires [Eckelman et al., 2018].

L’hôpital et les produits pharmaceutiques sont les principales sources d’émissions

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Les secteurs hospitalier et pharmaceutique sont systématiquement identifiés dans la littérature comme étant les principaux contributeurs au réchauffement climatique au sein des systèmes de santé. On estime que les soins hospitaliers sont responsables, selon les pays, de 22 % (Canada) à 44 % (Australie) des émissions, principalement liées aux soins aigus et interventions chirurgicales énergivores, mais aussi aux traitements tels que l’hémodialyse, ainsi qu’à l’utilisation de gaz médicaux et d’anesthésie (Eckelman et al., 2018 ; Malik et al., 2018). Le secteur hospitalier est également une source importante d’émissions liées aux produits alimentaires, à la consommation d’énergie et à des quantités élevées de déchets matériels. A titre de comparaison, les soins ambulatoires représentent entre 10 % et 23 % (Malik et al., 2018 ; Tennison et al., 2021) des émissions au sein des systèmes de santé, et les soins infirmiers et aux personnes âgées entre 6 % et 16 % (Eckelman et Sherman, 2016 ; Nansai et al., 2020). Les produits pharmaceutiques représentent à eux seuls 10 % des émissions aux États-Unis et environ un tiers des émissions en France, selon des estimations préliminaires, dont la plupart sont liées à la chaîne d’approvisionnement, c’est-à-dire à la production de produits pharmaceutiques et leur transport (Eckelman et Sherman, 2016 ; Shift et al., 2023).

D‘autres facteurs, tels que les modes de transports et d’énergie, jouent un rôle non négligeable

Le transport des patients, du personnel de santé, des visiteurs et des produits médicaux constitue un autre facteur important du réchauffement de la planète, représentant entre 10 % (Angleterre) et 13 % (France) des émissions liées aux soins (Shift et al, 2023 ; Tennison et al., 2021), avec la consommation d’énergie (13 % à 39 %) [Shift et al., 2021 ; Eckelman et al., 2018], les bâtiments du secteur de la santé (8 % à 9 %) [Malik et al., 2018 ; Shift et al., 2021], les produits alimentaires (11 %) [Shift et al, 2023] et leur production (5 %) [Eckelman et al., 2018].

La façon dont l’énergie est produite et utilisée est particulièrement importante, car elle a un impact sur toutes les activités du secteur des soins, notamment sur l’efficacité d’autres interventions environnementales. Il a été estimé que 75 % (-4,3 MtCO2e par an) des émissions liées aux bâtiments du secteur de la santé en France pourraient être réduites en combinant une transition énergétique (passage à des sources d’énergie à faible teneur en carbone) et une réduction de la consommation d’énergie dans les bâtiments (par exemple, une meilleure isolation et des habitudes de consommation d’électricité durables) [Shift et al., 2021].

De nombreuses mesures sont susceptibles de réduire efficacement l’empreinte écologique des systèmes de santé

Dans l’ensemble, la littérature suggère qu’il existe de nombreuses mesures susceptibles de réduire avec succès cette empreinte écologique, en particulier dans le secteur hospitalier, et notamment dans les salles d’opération.

Initiatives ciblant les hôpitaux et les pratiques hospitalières

La littérature évaluant les interventions pour améliorer la soutenabilité environnementale des hôpitaux est abondante dans plusieurs domaines : l’architecture hospitalière,  les mesures visant à économiser l’eau (audit de l’usage de l’eau, vérification et réparation des fuites, récupération de l’eau, etc.), le remplacement des équipements jetables par des équipements réutilisables dans les salles d’opération, l’amélioration de la gestion des déchets hospitaliers, le recyclage et la réduction de déchets (McGain et Naylor, 2014). Les études les plus récentes fournissent des preuves supplémentaires sur les mesures concernant, par exemple, les différentes pratiques anesthésiques, la dialyse, le recyclage, ainsi que la réutilisation et le retraitement des matériaux en dehors de la salle d’opération.

De nombreuses études montrent par ailleurs que les émissions liées aux interventions chirurgicales et aux salles d’opération peuvent être réduites grâce à un ensemble de mesures technologiques, organisationnelles, comportementales et préventives. Une grande partie des émissions liées aux salles d’opération est due à une forte consommation d’énergie. L’installation de capteurs d’occupation qui réduisent le renouvellement de l’air dans les salles d’opération inutilisées, la diminution du chauffage et de la climatisation, ainsi que l’alimentation des salles d’opération en énergie propre, peuvent avoir un impact significatif (Pradere et al., 2022 ; Thiel et al., 2018).

Développer la réutilisation et la stérilisation

L’impact environnemental des matériaux à usage unique est devenu particulièrement visible lors de la pandémie de Covid-19. En Angleterre, l’utilisation d’équipements de protection individuelle (EPI), tels que des masques chirurgicaux et des gants en plastique, a généré au cours des six premiers mois de la pandémie des émissions équivalentes à près de 1 % de l’empreinte carbone totale du secteur de la santé en activité normale (Rizan et al., 2021a). Les émissions liées aux EPI auraient pu être réduites de 12 % si les équipements avaient été fabriqués au niveau national, et jusqu’à 45 % si les gants avaient été remplacés par le lavage des mains. Cependant, l’impact d’actions isolées fondées sur le recours à du matériel réutilisable est relativement faible par rapport à d’autres émissions liées aux soins de santé.

Gestion et réduction des déchets

 L’empreinte carbone liée à la gestion des déchets hospitaliers (notamment le traitement et le transport des déchets) peut être efficacement réduite par le recyclage. Bien que le traitement des déchets génère une part proportionnellement faible des émissions de GES au Royaume-Uni, il a été démontré que le choix du flux de déchets, par exemple l’incinération à haute température versus recyclage, peut avoir un impact multiplié par 50 sur l’empreinte carbone liée aux déchets, ce qui signifie que la séparation des déchets est importante pour éviter un traitement inutile des déchets à haute teneur en carbone (Rizan et al., 2021b). De nombreuses actions permettent également de réduire le gaspillage alimentaire et les émissions liées à l’alimentation, qui ciblent différentes parties de la chaîne alimentaire, notamment l’approvisionnement, la préparation, la consommation et l’élimination des déchets (Carino et al., 2020). Plusieurs études ont montré que des changements, même modestes, dans la gestion des déchets au sein des cuisines des hôpitaux peuvent réduire les émissions liées aux déchets alimentaires (de 64 % à 90 % avec un recyclage et un compostage maximal) [Thiel et al., 2021]. Les modifications apportées au modèle de système alimentaire se sont également avérées efficaces, par exemple la livraison de nourriture par chariot en remplacement de repas servis individuellement, l’utilisation de chariots isothermes, l’amélioration de la présentation des repas et le choix laissé au patient du menu et de la quantité de nourriture, etc. (Carino et al., 2020). Les mesures prises en matière d’approvisionnement alimentaire regroupent diverses initiatives : ventes directes de producteurs locaux à des hôpitaux, consommation d’aliments biologiques, approvisionnement en viande durable, etc. Néanmoins, l’impact de ces mesures a été, dans l’ensemble, peu évalué (Carino et al., 2020).

Développer des transports plus écologiques et favoriser la télésanté

Selon les estimations du National Health Service (NHS) britannique, les émissions annuelles liées aux transports doivent être réduites de 3 402 ktCO2e pour parvenir à un système de santé britannique à taux zéro. Certaines des mesures susceptibles de réduire significativement ces émissions se situent en dehors du secteur de la santé. Par exemple, l’amélioration de l’efficacité environnementale des véhicules au niveau national peut réduire les émissions liées aux véhicules utilisés dans le NHS (transport médical) par le personnel, les patients, etc. (-1 463 ktCO2e). D’autres mesures visent à réduire l’utilisation de véhicules dans le NHS, en encourageant le personnel de santé, les patients et les visiteurs à privilégier des modes de déplacement actif (marche, vélo) et les transports publics (-461 ktCO2e) [NHS England, 2020].

Les solutions de télésanté présentent également de grands avantages potentiels, en contribuant à réduire à la fois le transport des patients et du personnel. La littérature suggère que les émissions de GES produites par les systèmes de télémédecine sont beaucoup plus faibles que celles qui sont évitées (Blenkinsop et al., 2021).

Une autre intervention susceptible de réduire les émissions liées aux déplacements consiste à développer les soins de proximité. Une étude réalisée au Canada (Forner et al., 2021) a montré qu’il était possible de réduire considérablement les émissions de GES liées aux déplacements des patients, dans le cadre du traitement du cancer, en fournissant des soins à plus proche distance, dans les cliniques de proximité. La mise en place de trois cliniques de proximité a permis de réduire la distance médiane parcourue de 318 km (par rapport au centre régional de cancérologie). Les économies annuelles s’élèveraient à près de 47 000 kgCO2, pour le traitement d’environ 400 patients (Forner et al., 2021).

Réduire la pollution pharmaceutique et améliorer les pratiques de prescription

En termes de progrès médical ayant permis de réduire les émissions de GES, on peut citer le remplacement des gaz propulseurs des inhalateurs (qui détruisent la couche d’ozone) et des gaz d’anesthésie par des alternatives non gazeuses ou bas-carbone. En Angleterre, on estime qu’une grande majorité de leurs émissions pourraient être atténuées, sans affecter les patients, en augmentant l’utilisation des inhalateurs à poudre sèche (-374 ktCO2e par an), en réduisant l’utilisation des inhalateurs à gaz par l’innovation et l’adoption des nouveaux alternatifs à bas-carbone (-403 ktCO2e par an), et en transformant la pratique de l’anesthésie (-195 ktCO2e) [NHS England, 2020].

Des approches transversales à grande échelle au niveau du système de santé sont nécessaires

Un consensus émerge sur la nécessité de mettre en place simultanément un large éventail d’actions pour avoir un impact significatif, et réduire les émissions liées au secteur de la santé pour ralentir le changement climatique.

La stratégie la plus exhaustive à l’échelle du système de santé a été mise en œuvre par le NHS England (NHS England, 2022). Celle-ci a défini et mis en place, depuis 2008, des mesures couvrant l’ensemble du système de santé, en s’appuyant sur un suivi continu des émissions. Cette approche globale portant sur l’ensemble du secteur de la santé, avec des mesures spécifiques, a permis de réduire l’empreinte carbone (gaz à effet de serre) du NHS de 18,5 % entre 2007 et 2017 (Roschnik et al., 2019). Depuis 2020, le déploiement du projet « Greener NHS » fait du système de santé britannique le premier à s’être engagé politiquement à atteindre une parfaite neutralité carbone en 2040 (NHS England, 2022). Pour ce faire, NHS s’appuie sur un large spectre de leviers allant de rénovation des bâtiments pour réduire la consommation d’eau et d’énergie, d’investissement dans les modes de transport plus propre, à la formation et l’incitation des professionnels de santé pour soigner plus écologiquement.

Si les évaluations d’impact des interventions structurelles au niveau macro restent limités, des études de modélisation montrent des résultats très prometteurs en termes de changements systémiques à grande échelle concernant la restructuration, la reconfiguration et l’optimisation de l’offre de soins. Par exemple, il serait possible de diviser par dix les émissions de CO2 en ville en transformant les pratiques de soins primaires les moins performantes sur le plan environnemental vers les plus performantes, selon une étude suisse (Nicolet et al., 2022). Cela impliquerait, par exemple, de développer des réseaux locaux de soins primaires et des options de télésanté, d’augmenter la capacité des tests de laboratoire urgents au sein des cabinets de soins primaires, réduisant ainsi le besoin en matière de transport (Nicolet et al., 2022).

Dans l’ensemble, les preuves suggèrent que des réductions significatives nécessiteraient des changements majeurs au niveau organisationnel, en combinant différentes actions environnementales à des mesures plus structurelles. Néanmoins, les preuves restent insuffisantes sur les coûts et les avantages de différentes stratégies visant à réduire le « gaspillage » dans l’offre de soins, en renforçant notamment la pertinence des soins et la prévention primaire.

Un cadre d’action pour améliorer la soutenabilité du système de santé français

L‘importance de disposer d’une instance dédiée

En France, de nombreux acteurs prennent en charge les questions liées à l’environnement et la santé, notamment les institutions gouvernementales, les associations professionnelles, les établissements de santé, les ONG et l’industrie. Afin de développer une stratégie globale et de coordonner les efforts entrepris par ces multiples acteurs, un comité stratégique sur la transition écologique en santé vient d’être créé au ministère de la Santé en mars 2023. Les expériences étrangères montrent également l’importance de mesurer l’ampleur du problème dans différents secteurs pour sensibiliser les acteurs, ainsi qu’à conceptualiser et à suivre les changements à mettre en œuvre.

Des mesures vertes qui doivent être accompagnées d’une transformation de l’organisation des soins

Le cadre conceptuel que nous proposons indique qu’il existe de nombreuses mesures « vertes » susceptibles de réduire efficacement l’empreinte écologique des soins de santé dans plusieurs domaines, mais celles-ci resteront insuffisantes tant qu’elles ne seront pas accompagnées de stratégies de soutenabilité pour transformer l’offre et la consommation de soins. Ces stratégies se fondent sur un certain nombre de mesures organisationnelles visant à redéfinir l’offre de soins, tout en réduisant le besoin et la demande de soins.

Accélérer les innovations techniques et organisationnelles

En premier lieu, il est essentiel d’encourager auprès des fournisseurs de soins les innovations techniques et organisationnelles visant à réduire l’utilisation des ressources, et de soutenir la diffusion des « innovations vertes » efficaces, telles que la réduction et le recyclage des déchets, le retraitement, le passage à des anesthésiques moins polluants et à des sources d’énergie propres… Mais ces actions resteront insuffisantes tant qu’elles ne seront pas accompagnées de « mesures de soutenabilité » impliquant un changement dans la manière dont les soins sont dispensés et consommés. Par ailleurs, la prévention primaire, qui repose notamment sur le changement des attitudes individuelles et sociales pour soutenir une consommation de soins plus durable apparaît également comme un moyen de réduire le besoin et la demande de services de santé (Pichler et al., 2019).

Réinventer l’offre de soins

Il est tout aussi essentiel de réinvestir, voire de réinventer, la question de l’offre de soins, notamment en définissant mieux quels sont les soins pertinents selon les contextes et le profil des patients, en améliorant les parcours de soins, en renforçant l’offre de soins de proximité et la formation des professionnels de santé à de nouvelles technologies et aux consultations à distance, etc., afin de favoriser une gestion des soins par la stratification des risques.

La formation des professionnels de santé est importante pour renforcer la prise de conscience de l’impact du secteur de la santé sur le réchauffement climatique et pour mettre en œuvre avec succès des réformes environnementales (Crowther et al., 2022 ; Pradere et al., 2022). Il a également été démontré que l’implication du personnel et des patients dans la co-conception des interventions climatiques facilitait les changements durables et à long terme (Crowther et al., 2022).

Investir dans la soutenabilité environnementale peut être une opportunité économique et sociale

Les mesures visant à réduire l’empreinte écologique des soins de santé peuvent avoir des co-bénéfices positifs sur les plans sanitaire, économique et organisationnel. Des soins durables sur le plan environnemental renforceront les systèmes de santé ainsi que la santé des populations en assurant un meilleur accès à l’eau potable, une meilleure qualité de l’air, des transports propres, etc., mais aussi en garantissant une meilleure prévention et des soins de proximité, tout en réduisant le gaspillage dans le système et en augmentant la sécurité et la qualité, en s’appuyant sur de meilleurs protocoles de soins. Les politiques climatiques au niveau local sont aussi susceptibles d’avoir des retombées positives, par exemple au sein des personnels de santé, en favorisant l’esprit d’équipe (contribuant ainsi à améliorer l’environnement de travail), ainsi qu’au sein de la population, en termes d’amélioration de l’état de santé et de résilience – ces facteurs étant des corollaires importants à la mise en œuvre de ces politiques. Dans ces domaines, la dynamique de changement proviendra à la fois de facteurs « push » tels que le respect de la législation environnementale, et de facteurs « pull » centrés sur les changements comportementaux et les avantages potentiels que représente la soutenabilité des soins pour les patients.

Encadré : Quelques pistes pour renforcer la soutenabilité environnementale du système de santé en France

  1. Créer une instance nationale responsable de la décarbonisation du secteur de santé pour coordonner les actions des prestataires de soins et toutes les parties prenantes déjà engagées dans la décarbonisation des soins
  2. Élaborer une stratégie globale de durabilité environnementale pour l’ensemble du secteur des soins de santé, avec des objectifs quantifiés clairement définis pour différents acteurs
  3. Mettre en place une collecte de données et un suivi systématique et continu de l’impact environnemental des activités de soins de santé
  4. Accompagner les acteurs engagés pour décarboner les soins (le personnel de santé, les directeurs, les responsables locaux, l’industrie) par l’élaboration d’indicateurs, l’évaluation des progrès réalisés, la mise en œuvre de directives sectorielles et industrielles, et par le biais de fiches d’information et de campagnes de communication, etc.
  5. Sensibiliser le grand public sur les enjeux d’une consommation de soins soutenable
  6. Appuyer l’innovation organisationnelle et la mise en œuvre des interventions et de protocoles de soins « vertes » dont l’efficacité est prouvée au niveau local
  7. Intégrer la réflexion environnementale dans l’organisation de l’offre de soins et dans la définition des prix des médicaments et produits de santé 
  8. Investir davantage dans la recherche sur le coût et bénéfices des interventions environnementales dans le contexte français, ainsi que sur la faisabilité et l’acceptabilité de la mise en œuvre de différentes interventions et stratégies écologiques

Bibliographie

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