Édito

De la sécurité à l’action

Publié le 20 juin 2025
En février dernier, Paris a accueilli un sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle « visant à renforcer l’action internationale en faveur d’une intelligence artificielle au service de l’intérêt général ». Cette rencontre n’était pas la première sur le sujet, elle prenait la suite des sommets de Londres et de Séoul qui s’intitulaient en 2023 et 2024, « sommets pour la sécurité de l’IA ». Le changement de dénomination (de la « sécurité » de l’IA à « l’action pour » l’IA) indique-t-il une attitude plus téméraire vis-à-vis d’une technologie dont la puissance transformationnelle ne fait guère de doute ? Aux Etats-Unis, la compétition avec la Chine conduit à renoncer à la régulation de cette nouvelle technologie qui touchera tous les secteurs d’activité, de la recherche à l’éducation, en passant par l’industrie et les loisirs.

Les interrogations sur l’impact des nouveaux outils, en particulier d’IA générative, portent bien sûr en premier lieu sur l’emploi. Les spéculations sur l’effet général des nouveaux outils sur l’emploi restent controversées et, à ce stade, peu documentées mais des usages qualitatifs de l’IA apparaissent déjà dans le monde du travail et méritent d’être relevées et diffusées. D’autre part, des études portent aussi déjà sur la manière dont l’IA peut transformer notre rapport à la connaissance et, plus précisément, à la désinformation. Des recherches scientifiques récentes, relève Mélanie Heard, ont montré le potentiel de l’IA générative pour contribuer à un débat argumenté et, par exemple, lutter contre les théories conspirationnistes. Il apparaît que l’IA peut présenter des arguments assez pertinents et assez adaptés à son interlocuteur pour le faire changer d’avis. De tes résultats peuvent aussi susciter des inquiétudes mais il importe surtout de les comprendre et de les partager pour savoir ce qu’on veut en faire.

A côté des bouleversements technologiques, la déstabilisation des règles des relations internationales occupe également le devant de l’actualité. Dans un entretien, l’ancien vice-ministre de la défense slovaque, Róbert Ondrejcsák, donne un éclairage centre-européen sur les conflits en cours et notamment la guerre russe contre l’Ukraine. Il montre en particulier comment les enjeux de politique intérieure contaminent les choix de politique étrangère, aux dépends en l’occurrence de la solidarité entre alliés européens. Cette confusion stratégique de l’interne et de l’externe, poussée par un clientélisme électoral à courte vue, favorise un cynisme et une inconséquence dont profitent les nouveaux régimes autoritaires.

Dans ce contexte d’incertitude, l’exposition aux menaces du changement climatique est un facteur de risque supplémentaire. Le risque est en réalité double, explique Marine Braud : c’est l’exposition directe, existentielle, aux effets du dérèglement climatique et aux autres aspects de la dégradation environnementale (perte de la biodiversité…) mais c’est aussi le risque de prendre de mauvaises décisions collectives qui aggravent les inégalités sociales. Comment, dès lors, penser un nouveau système de protection collective, qui soit à la hauteur des risques contemporains ? Au-delà de la « sécurité sociale », les nouveaux risques environnementaux imposent de penser de nouvelles formes de « sécu verte ».  

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