Édito

L’idéologue dans l’ombre

Publié le 16 mai 2025
Communiquant instinctif, peu enclin aux idées générales, Donald Trump gouverne par coups. Il alterne menaces et revirements sans craindre de se contredire. Ses négociations sont souvent impulsives, parfois improvisées, et il abandonne volontiers un dossier dès qu’il cesse de le servir. Autour de lui, cependant, gravitent des idéologues désireux d’imprimer une direction plus structurée à son mandat — au premier rang desquels son vice-président, J. D. Vance, doctrinaire autoritaire et adversaire de l’État fédéral tel qu’il s’est construit depuis le New Deal.

Nouvelle étape du recul annoncé de Trump sur la guerre commerciale, la drastique réduction des droits de douane imposés à la Chine a été annoncée dès l’ouverture des négociations entre les deux pays. Pour un champion auto-proclamé de la transaction, l’art du « deal » se révèle plus laborieux que prévu. Surtout pour un acteur impatient et versatile confronté à la grande patience stratégique d’un Xi Jinping insensible aux contraintes du calendrier électoral. Hormis un accord vite signé avec le Royaume-Uni, ce dossier des droits commerciaux apporte pour le moment peu de bénéfices, même symboliques, au Président américain.

C’est que sa volonté de déclencher la guerre commerciale repose sur un préalable particulièrement fragile : l’idée que le commerce mondial, les alliances traditionnelles et même le rôle international du dollar se sont construits au détriment des intérêts américains. Le rôle international du dollar, considéré depuis longtemps par ses partenaires commerciaux comme un « privilège exorbitant », pourrait être rapidement mis en cause par les décisions incohérentes du Président américain. Opportunité pour les Européens de développer, en réponse, la place de l’euro comme monnaie de réserve et de transaction. Mais les Européens ont encore du chemin à parcourir pour réformer leur marché financier et donner un statut international plus large à l’euro.

À l’inconséquence présidentielle répond, dans l’ombre, un projet plus solide — et plus inquiétant. Le vice-Président, J. D. Vance théorise pour sa part une lecture ultra-nationaliste du pouvoir. Il s’est fait connaître par une autobiographie, dont la véracité est contestée sur plusieurs points, illustrant son ancrage dans l’Amérique populaire. Catholique converti, il s’est risqué sur le terrain théologique pour justifier par une ancienne notion d’ordre de la charité (ordo amoris) le slogan « America first » et les expulsions de sans-papiers. Il est aussi venu faire la leçon à l’Europe au nom de la liberté d’expression et choisi de soutenir des néo-nazis lors des dernières élections allemandes. À la Maison Blanche, à côté d’un président absorbé par ses affaires personnelles, un successeur désigné mène sans retenue une entreprise de transformation autoritaire aux accents fascisants.

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