Édito

Négocier, ce n’est pas du temps perdu

Publié le 10 octobre 2025
Entre dérision lasse et frénésie surjouée, le commentaire médiatique de la crise politique en cours a de quoi surprendre. Car si les péripéties des nominations et démissions sont inédites, les données de l’équation à résoudre sont connues depuis plus d’un an : un parlement sans majorité, des échéances budgétaires majeures, des partis qui doivent apprendre à dialoguer et à composer, un Président qui doit se résoudre à accepter les conséquences d’une dissolution qu’il a décidé seul.

Combien de temps faut-il à un parlementaire pour apprendre la différence entre un système de majorités absolues et un système de majorités relatives ? Apparemment, bien plus de 12 mois, ce qui est plus lent que ce qu’on pouvait imaginer au lendemain des dernières élections législatives. Invité sur le plateau du 20h de France télévision mercredi 8 octobre, le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu a confié avoir mené ses négociations avec les responsables socialistes en leur concédant comme une évidence : nous n’allons pas faire une grande coalition à l’allemande, cela nous prendrait 3 mois… Rétrospectivement, si les parlementaires avaient pris ce temps à l’été 2024, cela aurait été du temps gagné pour tout le monde et non du temps perdu.

Cet attentisme des parlementaires, motivé par les perspectives déjà installées des futures compétitions électorales et les rivalités personnelles qu’elle induisent, comme l’a justement observé Sébastien Lecornu lors de la même émission, conduit le pays dans un blocage que nos institutions étaient pourtant réputées pouvoir éviter. La crise actuelle est double : à la fois parlementaire et budgétaire. Car la difficulté de constituer une majorité à l’assemblée s’explique par une fragmentation inédite du Parlement mais aussi par la difficulté de l’exercice budgétaire, en plein dérapage incontrôlé du déficit. Et ce sont précisément les impératifs du calendrier budgétaire qui contraignent désormais le temps politique : il faut bien un budget d’ici la fin de l’année, et un budget qui ne compromette pas la signature de la France à l’international.

En l’absence de budget, une partie des acteurs économiques, privés de perspectives sérieuses sur leur activité, ne peuvent que choisir un immobilisme prudent. C’est un recul imposé que subissent pour leur part les associations dépendant de subventions publiques, alors même que leur action vient bien souvent pallier un Etat social défaillant dans trop de secteurs. La baisse continue du financement public marque une nouvelle dégradation de l’atmosphère de défiance qui s’est mise en place entre les pouvoirs publics et les associations depuis la loi de 2021 contre le séparatisme. Cette loi « confortant le respect des principes de la République » a été ressentie dans le monde associatif comme un moment de basculement. Il a en effet placé sous contrôle juridique des comportements et pratiques (associatives, professionnelles, scolaires) jusque-là considérées comme relevant de la liberté individuelle. Plus que jamais traitées comme des sous-traitantes de l’action publique, les associations ne sont plus considérées pour leur rôle de mobilisation civique. Un rôle pourtant fondamental au moment où la vie politique ressemble à champ clos d’ambitions personnelles et d’intrigues dérisoires.

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