L’actualité américaine illustre les conséquences concrètes de cette dynamique. La réélection de Donald Trump consacre l’efficacité électorale d’une stratégie anti-establishment qui déstabilise les institutions. L’assassinat de la députée démocrate Melissa Hortman et de son mari, ainsi que la tentative de meurtre contre le député John Hoffman, signalent une escalade dans la violence politique. Pour Pedro Soriano, ces événements doivent faire réfléchir, au-delà de la place de la violence politique dans l’histoire américaine, sur les risques pesant sur la tenue même des élections de mi-mandat. Ce climat de tension croissante souligne à quel point les partis sont aussi des régulateurs de conflictualité, ou au contraire des amplificateurs de la radicalisation.
En France, la proposition de Boris Vallaud de créer une « académie Léon Blum », lieu de formation militante et de production d’idées, signale, en creux, un manque évident d’investissement dans les débats de fond. Pourquoi les partis auraient-ils perdu leur capacité à « se mettre au travail » ? Les débats stratégiques dominent trop souvent, reléguant l’élaboration programmatique à une fonction secondaire, subordonnée aux jeux de personnes et d’alliances. Le congrès socialiste de Nancy a donné lieu à un débat révélateur à cet égard. Jean-Louis Missika y voit un exercice à vide, miné par l’obsession tactique. Des jeunes militants lui répondent en invoquant leur engagement concret et les discussions de fond menées dans leurs fédérations et au cours du congrès lui-même. Pour eux, c’est une vue cavalière que de considérer que les vrais sujets ont été esquivés, sans même prendre la peine de rendre compte de ce qui s’est vraiment dit au cours de ce congrès. Pour prolonger l’échange, Jean-Louis Missika s’interroge sur la hiérarchie des sujets traités : à quoi bon débattre si l’on n’aborde pas franchement la question politique du moment — en l’occurrence, l’ambiguïté stratégique à gauche et le maintien d’une culture de gouvernement dans le parti.