Habitat senior : quelles solutions pour bien vieillir ?

Habitat senior : quelles solutions pour bien vieillir ?
Publié le 23 mai 2023
  • Responsable éditoriale du portail Bonjour senior
Face au vieillissement de la population qui s’accélère d’année en année et à la crise profonde que traversent les EHPAD, repenser la prise en charge des seniors en perte d’autonomie apparaît primordial. Plébiscité par les Français et les pouvoirs publics, le maintien à domicile a depuis quelques années le vent en poupe. Alors que le « virage domiciliaire » promis par le Gouvernement se heurte à un manque flagrant de moyens et que la proposition de loi « Bien vieillir » du groupe Renaissance brille par son manque d’ambition, quelles solutions et alternatives s’offrent aux personnes âgées souhaitant demeurer chez elles ?
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Bien vieillir chez soi : les obstacles au maintien à domicile

Toutes les études le soulignent, vieillir à domicile constitue le souhait d’une majorité de Français. Quoi de plus évident que de demeurer chez soi jusqu’à la toute fin, dans un logement parfois occupé depuis plusieurs décennies, entouré de ses voisins, de son mobilier, de ses objets familiers et de ses nombreux souvenirs ?

Si la réponse semble évidente, sa mise en pratique se confronte cependant aux réalités du terrain. Un grand nombre de logements ne sont en effet pas adaptés au vieillissement. Maison à plusieurs niveaux, baignoire difficile à enjamber, sanitaires glissants, escalier abrupt, volets en bois… de nombreux facteurs sont causes d’accidents domestiques. 

Or, l’avancée en âge s’accompagne fréquemment de pathologies spécifiques et de problèmes de santé (baisse de la vue, perte musculaire, troubles de l’équilibre…). Selon une enquête de Santé publique France de 2019, chaque année, une personne âgée de plus de 65 sur trois est victime d’une chute. Parmi elles, près de 10 000 décèdent des suites de cette chute. Il s’agit donc d’un véritable enjeu de santé publique.

De fait, il convient de sécuriser prioritairement le domicile des seniors en perte d’autonomie. Le Gouvernement planche ainsi sur sa politique d’adaptation des logements au vieillissement avec le lancement d’une aide financière unique sur le modèle de Ma Prime Renov : Ma Prime Adapt. Destinée aux personnes âgées de plus de 70 ans aux ressources modestes, avec des montants pouvant atteindre 4 000 € ou 5 600 € en fonction des revenus, cette aide devrait permettre de sécuriser 500 000 logements d’ici 2027. Prévu au 1er janvier 2024, son déploiement se fait toutefois attendre depuis septembre 2021.

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Autre pilier du maintien à domicile, les métiers du soin et de l’aide à la personne traversent une crise des vocations sans précédent. Or, pour assurer l’accompagnement les personnes âgées en perte d’autonomie à domicile, nous avons besoin d’auxiliaires de vie, d’aide-soignants et d’infirmiers. Malgré le lancement d’une campagne de recrutement nationale en 2022, le secteur souffre toujours d’une pénurie de candidats. De fait, la profession requiert une véritable revalorisation salariale (seuls les salariés du secteur associatif ont bénéficié de hausses de salaire) ainsi que le développement de la formation professionnelle afin de susciter des vocations. 

Prévenir la perte d’autonomie : quelles solutions ?

Outre les problématiques de logement et d’aide à la personne, le soutien au maintien à domicile passe par un vieillissement en santé et la prévention de la dépendance. 

Une étude récente de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) dresse un comparatif du profil des personnes âgées hébergées en EHPAD avec celui des seniors vivant à domicile. Or, si les résidents des EHPAD sont globalement plus frappés par la dépendance, ils sont également plus touchés par la précarité et l’isolement social, deux facteurs qui pourraient être corrélés avec la perte d’autonomie. 

Depuis 2014, le ministère de la Santé mène une expérimentation dans seize territoires métropolitains afin de prévenir la perte d’autonomie. Le programme PAERPA (parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie) s’adresse aux personnes âgées de plus de 75 ans prédisposées à la perte d’autonomie en raison de risques médico-sociaux (pathologie, isolement…).

Le dispositif vise à améliorer la prise en charge et à renforcer le maintien à domicile des seniors vulnérables ainsi qu’à prévenir les hospitalisations grâce à plusieurs leviers : coordonner l’action des intervenants et des professionnels de santé sur le terrain, accompagner et orienter les seniors et les aidants à l’aide d’une plateforme unique, améliorer les conditions du retour à domicile après une hospitalisation grâce aux services d’aides et de soins à domicile et éviter la polymédication.

Chargé d’évaluer l’impact de cette expérimentation, l’IRDES (Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé) évoquait en 2020 des résultats en demi-teinte notamment en raison des disparités territoriales. Ainsi, si les mauvaises interactions médicamenteuses ainsi que les passages aux urgences semblent avoir été légèrement réduits, le nombre d’hospitalisations de seniors de plus de 75 ans n’a, quant à lui, pas diminué. 

Plus récemment (2019), le programme ICOPE développé par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a été déployé en région Occitanie en lien avec le CHU de Toulouse. L’objectif de cette étude est de comprendre les mécanismes biologiques du vieillissement à l’aide d’un suivi régulier et d’une application dédiée afin d’anticiper et de prévenir la dépendance. Permettant notamment de repérer les facteurs de fragilité des personnes âgées, le dispositif est appelé à être généralisé à l’ensemble du territoire en 2025. 

C’est notamment ce que préconise la récente proposition de loi Bien vieillir (voir une précédente publication sur la loi Bien vieillir)qui mentionne également la création d’un guichet unique départemental afin de simplifier la prise en charge des personnes en perte d’autonomie. L’examen du texte, critiqué pour son manque de consistance, a toutefois été suspendu en avril, faute de temps. Les débats devraient reprendre dans le courant du mois de juin.

Problèmes d’autonomie : quelles alternatives à l’EHPAD ?

Lorsqu’un senior se trouve confronté à la perte d’autonomie, le quotidien peut vite se révéler compliqué et le maintien à domicile remis en question. Plusieurs solutions permettent cependant d’éviter, pendant au moins un temps, un placement à temps complet en EHPAD, souvent onéreux. 

Il est ainsi possible d’opter pour un séjour temporaire, un accueil de jour ou un hébergement à temps partiel. Le cas échéant, d’autres formes d’habitat sont possibles.

Consistant en un échange de bons procédés, la cohabitation intergénérationnelle permet à un senior, qu’il soit propriétaire ou locataire, d’accueillir un étudiant ou un jeune salarié à domicile en échange de menus services (courses, ménage, assistance informatique…). 

L’étudiant dispose d’une chambre privative et partage les pièces de vie commune pour une somme modique. Le dispositif permet de rompre l’isolement du senior et d’offrir un hébergement à moindre coût aux jeunes gens.

Destiné aux personnes âgées en perte d’autonomie ou en situation de handicap, l’habitat inclusif constitue quant à lui un mode de vie semi-collectif au sein d’un logement adapté. Chaque habitant (locataire ou propriétaire) dispose de pièces privatives (chambre à coucher et salle de bain notamment) et partage des espaces collectifs avec les autres occupants. 

Certains services et activités sont mutualisés dans le cadre d’un « projet de vie sociale partagé ». Les résidents bénéficient par ailleurs d’un accompagnement personnalisé assuré par des intervenants médico-sociaux.

Pour les individus présentant une perte d’autonomie importante, l’accueil familial constitue une alternative idéale à l’EHPAD. Dispositif permettant l’accueil d’une ou plusieurs personnes âgées ou handicapées au domicile d’un accueillant familial, ce mode d’hébergement réglementé nécessite un agrément du Conseil départemental. 

Cette solution présente l’avantage d’une prise en charge chaleureuse et sécurisante à un prix abordable. Pour l’heure, la demande est toutefois largement supérieure à l’offre.

Mais que faire lorsque la dépendance devient trop lourde ?

Vers un EHPAD hors les murs 

Après le scandale provoqué par les révélations de   l’enquête du journaliste Victor Castanet sur la gestion des EHPAD privés par le groupe Orpéa (Les Fossoyeurs), l’urgence de repenser l’hébergement des personnes âgées vulnérables semble indispensable. C’est un fait, avec l’accélération du vieillissement de la population, la prise en charge de la dépendance va devenir dans les années à venir un enjeu central de nos politiques sociales.

De nombreuses voix – on pense à Luc Broussy et Jérôme Guedj– plaident ainsi pour repenser le modèle de l’EHPAD et développer la prise en charge des personnes âgées dépendantes à domicile.

Depuis 2020, trois organismes, la Mutualité Française, la Croix rouge et l’Hospitalité Saint-Thomas de Villeneuve expérimentent un modèle d’EHPAD « hors les murs » dans onze départements. Ce Dispositif Renforcé d’Accompagnement à Domicile (DRAD) vise à assurer le maintien à domicile des personnes âgées de plus de 60 ans présentant une perte d’autonomie comprise entre le GIR 1 et 4 de la grille AGGIR

Chaque individu bénéficie du suivi et de l’expertise de professionnels en gériatrie sous la supervision d’un EHPAD référent. La prise en charge est adaptée aux problématiques du senior. Le logement est équipé d’un service de téléassistance ainsi que d’équipements domotiques (chemin lumineux, détecteur de chute lourde…) et le senior bénéficie des astreintes de nuit de l’équipe qui le suit. 

Si le DRAD rencontre un franc succès auprès de ses 589 bénéficiaires, la fin de l’expérimentation est prévue pour la fin 2023. Quel avenir pour ce dispositif plébiscité par les seniors ?

Impulsée par la loi de Finances 2022, la création de 200 Centres de Ressources Territoriaux (CRT) pour personnes âgées doit permettre de déployer le modèle au niveau national d’ici à 2025. 60 millions d’euros ont été alloués au lancement de ce dispositif pour 2023 et ce budget devrait être croissant dans les années à venir.

Porté par un EHPAD ou un service d’aide à la personne (SAAD, SSIAD ou SPASAD), les CRT assurent des missions de formation et d’appui auprès des professionnels locaux. Véritable alternative à l’EHPAD, leur objectif est de permettre la prise en charge à domicile de 100 000 personnes âgées en perte d’autonomie d’ici 2030 grâce à un accompagnement renforcé.

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