Reconnaître enfin le Covid long

Reconnaître enfin le Covid long
Publié le 10 novembre 2023
Chacun a entendu parler du « Covid-long », mais peu nombreux sont ceux qui sont conscients qu’une personne infectée sur dix souffrira de symptômes invalidants plusieurs mois après l’infection. Après une longue controverse sur la reconnaissance de la réalité de cette pathologie, l’heure est à l’organisation d’une meilleure prise en charge des patients et de leur accompagnement.

Au moins 65 millions : c’est le nombre de personnes dans le monde qui auront souffert d’un Covid-long, avec des symptômes persistants plusieurs mois après leur infection :  une personne sur dix parmi les plus de 651 millions d’infections au SARS-CoV-2 documentées à ce jour. En ligne avec cette estimation parue en 2023 dans la revue Nature, l’OMS a estimé pour l’Europe à plus de 17 millions le nombre de personnes qui ont souffert d’un Covid-long entre 2020 et 2021. Dans notre pays, Santé publique France retient également la proportion de 10% de patients souffrant de Covid-long.

Il est désormais consensuel et bien établi de considérer qu’une personne infectée sur dix, y compris les enfants, aura vu sa santé et son quotidien profondément modifiés durant plusieurs mois après avoir rencontré le virus. Fatigue, essoufflement, douleurs, troubles sensoriels, troubles cognitifs, persistant plusieurs mois voire parfois plusieurs années après l’infection : les conséquences d’un Covid-long sont majeures, en termes de décrochage scolaire pour les enfants, et pour les adultes de perte de revenus, d’arrêt maladie prolongé, voire de perte de travail. A l’échelle internationale, une réelle prise de conscience sur la gravité et les conséquences de la maladie n’a été amorcée qu’en 2022, deux ans après le début de la pandémie. En juin 2022, les ministres de la Santé du G7 se sont réunis pour améliorer la coordination de la recherche sur le Covid-long. Et, en octobre 2022, le directeur de l’OMS a demandé une action immédiate face à un problème qu’il a qualifié de « dévastateur».

En France, la controverse sur la « réalité » du Covid-long aura duré trois ans, portée par certains cliniciens déterminés à n’y voir qu’une psychosomatisation. L’Assurance maladie, Santé publique France ou encore la Haute autorité de santé ont, entre 2021 et aujourd’hui, tour à tout attesté d’une prise de conscience des difficultés des patients concernés. Lors de son installation avenue Duquesne à l’été 2023, Aurélien Rousseau a affirmé sa volonté de prêter attention aux malades. Le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), installé il y a un an pour prolonger la fonction de conseil scientifique qu’avait rempli durant la crise le Conseil scientifique Covid-19, a publié un avis très attendu sur ce sujet le 7 novembre 2023. Il affirme que la prise en charge des patients concernés, qui seraient à ce jour encore « plusieurs centaines de milliers » après avoir été évalués à « deux millions » par Santé publique France en juillet 2022, n’est « pas satisfaisante » : sous la plume des rapporteurs Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat, et d’Yvanie Caillé, fondatrice de l’association Renaloo, le Covars demande des améliorations urgentes – à commencer par une volonté politique et médicale claire d’entendre enfin ces patients dans la réalité de leur pathologie.

Définir le Covid-long

Chacun a entendu parler du « Covid-long », mais peu nombreux sont ceux qui sont conscients qu’une personne infectée sur dix souffrira de symptômes invalidants plusieurs mois après l’infection. Chaque « vague » de Covid depuis 2020 a donné lieu à des délibérations politiques sur le caractère proportionné ou non du recours à des mesures de prévention fortes, comme l’obligation du port du masque en milieu clos collectif : mais, dans l’exposé politique des arguments pesant dans cette « balance » entre libertés individuelles et sécurité sanitaire, on n’a guère entendu la menace qu’une personne infectée sur dix, y compris les enfants, voie sa santé modifiée et son quotidien éprouvé durant plusieurs mois. Pourquoi ce flou, et quel genre de maladie est-ce donc que le Covid-long ? Rappelons qu’en mai 2022 encore, l’Académie de médecine parlait d’une « entité encore mal définie dont la sémiologie polymorphe est d’expression souvent neurologique ou psychiatrique », ajoutant : « ces formes fréquentes et insolites questionnent encore sur leur nature organique ».

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Il est clair que l’absence d’une terminologie unifiée et d’une définition clinique capable de fixer le périmètre de la sémiologie pertinente pour caractériser un Covid-long a certes constitué un obstacle récurrent à l’avancement de la recherche et de la prise en charge de ces patients. La question de savoir comment renseigner une infection passée, et l’impossibilité méthodologique de renseigner y compris celles qui auraient été asymptomatiques et inaperçues, complexifie de fait la constitution des échantillons de patients pour une recherche fiable. La difficulté méthodologique demeure de tenir compte de l’importance du déclaratif pour l’identification des symptômes, en l’absence de test diagnostique ou d’imagerie retenue comme spécifique. Ce qui définit au fond le Covid-long, c’est encore, par stratégie différentielle, l’absence d’autres troubles identifiables capables d’expliquer les symptômes que déclare le patient.

L’OMS a proposé en octobre 2021 une définition clinique du Covid-long. Cette définition établie selon une méthode standardisée (consensus Delphi) était la suivante : le Covid-long « survient chez des personnes présentant des antécédents d’infection (probable ou confirmée) par le SARS-CoV-2, généralement 3 mois après l’apparition de la Covid-19 avec des symptômes qui persistent au moins 2 mois et qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic. Les symptômes courants comprennent la fatigue, l’essoufflement, un dysfonctionnement cognitif mais aussi d’autres symptômes qui ont généralement un impact sur le fonctionnement quotidien. Les symptômes peuvent être d’apparition nouvelle après un rétablissement initial à la suite d’un épisode de COVID-19 aiguë, ou persister depuis la maladie initiale. Les symptômes peuvent également fluctuer ou récidiver au fil du temps. Une définition distincte peut être applicable aux enfants ».

En mars 2023, l’OMS considérait qu’environ 10 % à 20 % des personnes infectées présentent divers effets à moyen et à long terme après le rétablissement initial. Cette reconnaissance internationale s’est traduite, chez nombre de nos voisins, par la structuration d’un discours politique sur le Covid-long et d’une offre de soins dédiée : l’avis du Covars relève par exemple, dans son benchmark, un plan, élaboré dès juin 2021, de 90 millions d’euros consacré au Covid-long au Royaume-Uni, avec le développement de formations pour les professionnels de santé, des recommandations cliniques publiées dès décembre 2020, et un réseau de services dédiés porté par le National Health Service.

Controverse initiale : « croire » au Covid-long

Par contraste, la mobilisation des cliniciens et le portage politique de cet enjeu paraissent à la fois mineurs et, surtout, bien plus conflictuels. Depuis 2020, la reconnaissance de la réalité ou non de cette affection chez les patients était devenue une question quasiment idéologique dans notre pays : y « croire » ou pas. Alors que les patients atteints se mobilisaient, notamment au sein des associations AprèsJ20 et LongCovidKids, un certain nombre de médecins ont privilégié l’hypothèse selon laquelle ces symptômes correspondaient à des troubles « fonctionnels » ou « somatoformes », autrement dit à des mécanismes de psychosomatisation sans cause physiopathologique identifiée.  Ainsi, pour Brigitte Ranque, professeure de médecine interne fortement visible sur ce sujet qui affirmait en 2021 dans le Quotidien du médecin que « la pérennisation des symptômes du Covid est d’origine psychosomatique pour une majorité des patients », le Covid-long serait à classer au rang des « troubles somatiques fonctionnels ». Cette entité nosologique apparaît au tableau de la Classification internationale des maladies (la CIM) de l’OMS sous le terme de « troubles à symptomatologie somatique » avec la définition suivante : il « se caractérise par la présence de symptômes corporels qui sont stressants pour l’individu et par une attention excessive dirigée sur les symptômes, qui peut être manifeste par un contact répété avec des professionnels de la santé. Si une autre affection médicale provoque ou contribue à ces symptômes, le degré d’attention est clairement excessif par rapport à sa nature et à sa progression. L’attention excessive n’est pas atténuée par un examen et des investigations cliniques appropriés et par un réconfort approprié ». 

Pareille interprétation de leurs troubles a semblé proprement insupportable aux patients concernés : malades imaginaires donc, simulant la fatigue par angoisse et refusant la réalité de leur bonne santé, condamnés, sur fond d’un quotidien dégradé entraînant désocialisation et, souvent, perte de revenus, à des parcours de santé erratiques faute de trouver auprès de leurs médecins écoute, reconnaissance et prise en soins ? Leur combat a rencontré la mobilisation de professionnels de santé déterminés à faire avancer les connaissances et la qualité de la prise en charge. La classification du Covid-long a alors donné lieu à une controverse qui s’est exposée jusque dans les pages Débats du Monde. Une étude française publiée en novembre 2021 dans le prestigieux journal scientifique JAMA avait voulu démontrer que la plupart des malades pensant souffrir d’un Covid-long n’avaient en réalité jamais même été infectés ; en réponse, des scientifiques, médecins et patients répondaient dans Le Monde par une tribune intitulée : « Le Covid long est-il vraiment une maladie imaginaire ? ». A l’opposé de la classification comme « trouble somatique fonctionnel », ces auteurs revendiquaient l’identification du Covid-long comme « syndrome post-infectieux », notant : « de nombreuses études montrent que le Covid long est selon toute vraisemblance une forme de syndrome post-infectieux, très fréquemment observé à la suite d’une forte réponse immunitaire, qu’elle soit liée à une infection virale, bactérienne, ou à certaines vaccinations. Tous ces syndromes post-infectieux, quelle qu’en soit l’origine, donnent des tableaux cliniques très proches, associant très fréquemment grande fatigue, troubles sensoriels et troubles cognitifs ». A quoi les auteurs de l’étude du JAMA répondaient aussitôt à leur tour par une tribune intitulée : « Il n’est pas déontologique de critiquer des travaux scientifiques dans un journal grand public »1.

Il n’empêche que l’assimilation du Covid-long à un trouble somatoforme est aujourd’hui clairement récusée ; en dehors de positions médicales individuelles persistantes, le consensus scientifique international est désormais de reconnaître le Covid-long comme un syndrome post-infectieux, c’est-à-dire de constater qu’il existe bien chez les patients, outre les symptômes dont ils se plaignent, des anomalies d’organes et une mécanistique objectivable attestant de pathologies identifiables. L’existence d’un lien entre les plaintes des patients et une réalité organique n’est plus questionnée, même si une multiplicité d’hypothèses reste ouverte à ce jour dans la bibliographie scientifique pour expliquer la mécanique d’apparition du Covid-long.

Cette controverse sur la classification du Covid-long aura fait de ce sujet, au fil des mois, une question idéologique dont nous sortons enfin : la question était de croire, ou de ne pas croire, à sa « réalité ». En cela, le Covid-long sera venu prendre place dans l’histoire ancienne des syndromes post-infectieux dont la réalité est, note le Covars, trop peu reconnue dans notre pays. Post-Ebola, post-Epstein-Barr, post-chikungunya… : le syndrome du convalescent durablement épuisé, algique, dyspnéique, est connu, mais peu reconnu, par l’histoire de la médecine depuis, au moins, le XIXe siècle. Dans un numéro du Lancet de 1894, à propos de la « grippe russe » (dont les virologues retiennent aujourd’hui qu’elle était causée par un virus de la famille des coronavirus), on lisait l’étonnement des médecins devant des symptômes « contrastant avec l’apparente bénignité de la maladie : une asthénie profonde et durable, une dépression ou mélancolie post-grippale avec tendance suicidaire, des états léthargiques ».  Au décours de cette pandémie, la presse outre-Manche parlait « d’une nation de convalescents incapables de retourner au travail ».  Même en période d’après-guerre, la pandémie grippale espagnole (vraie grippe, elle) n’avait pas causé ces problèmes de convalescence difficile et prolongée. Ce mal qui persiste après un épisode infectieux est, encore aujourd’hui, désigné comme « inexpliqué » dans de nombreux contextes cliniques où il a pourtant pu être clairement décrit : c’est ce que soulignait en 2022 dans la revue Nature une revue de littérature intitulée « Unexplained Post-Acute Infection Syndromes » recensant les papiers d’investigation consacrés à ces « syndromes inexpliqués », du post-chikungunya au post-Ebola en passant par, c’est notable en l’espèce, des cas d’épuisements généralisés en post-Sars-Cov-1 à Hong-Kong en 2003.

L’avis du Covars

L’avis du Covars rappelle qu’au sortir d’une urgence pandémique, et alors que la circulation virale demeure, il faut donc aussi et encore s’intéresser à la question des séquelles chez les « survivants » à l’infection, à ces symptômes persistants ou formes chroniques de l’infection qu’on intègre classiquement dans les syndromes post-infectieux. Les syndromes post-infectieux sont une réalité organique, bien qu’imparfaitement comprise, rappelle le comité. Or le SARS-CoV-2, du fait de son tropisme multisystémique (il attaque le système nerveux, le système digestif, le système respiratoire…), qu’illustre d’ailleurs la diversité de ses symptômes en phase aigüe, en fait un candidat « idéal » pour provoquer aussi un syndrome post-infectieux caractérisé par une grande variabilité et une grande évolutivité des symptômes. Il serait donc illogique d’arguer de cette évolutivité et de cette variabilité pour mettre en doute la réalité d’une « entité physique ».

Même s’il reste une part d’incertitude et de doute sur les mécanismes précis du Covid-long, le Covars recense « une masse de connaissances » est aujourd’hui disponible sur la possibilité pour SARS-CoV-2 d’induire des troubles persistants, passant par plusieurs hypothèses dont les principales sont : une persistance virale à bas bruit, une inflammation chronique, une dérégulation immunitaire, une atteinte du système nerveux central, un déséquilibre de la flore intestinale, une atteinte micro-vasculaire, ou encore une modification du métabolisme énergétique.

A la lumière de ces constats, le Covars formule des recommandations pour une prise en charge holistique du Covid-long, qui devrait reposer sur un triptyque : le clinicien (généraliste, infectiologue…), un rééducateur fonctionnel/kinésithérapeute et un soutien psychologique. Il déplore que « l’offre de soins reste encore trop peu lisible pour les médecins de premier recours et les patients », faute d’une volonté politique forte : les filières dédiées de prise en charge coordonnées qui ont vu le jour doivent être renforcées, financées, pérennisées.

Le Covars met par ailleurs en lumière l’enjeu spécifique du Covid-long chez les enfants et adolescents : sous-détecté et sous-estimé aujourd’hui, il pourrait concerner un élève sur dix parmi ceux qui ont été infectés, à tout âge, ce qui implique, d’après le comité, une mobilisation des médecins de l’enfance, mais aussi de l’Education nationale en tant que telle, pour mieux repérer et accompagner ces troubles dont la répercussion scolaire est majeure.

Enfin, le comité souligne l’importance des enjeux socio-économiques du Covid-long. Les remontées des médecins-conseils de l’Assurance maladie montrent aussi, même si l’on manque de données, qu’une prise en charge sociale est souvent nécessaire, avec une forte précarisation sociale, économique et professionnelle chez une proportion majeure de patients. C’est pourquoi le Covars préconise une réflexion sur l’ouverture, pour les formes les plus sévères, d’une reconnaissance en affection longue durée (ALD) exonérante spécifique, en plus de la possibilité, déjà existante, d’accéder à une ALD dite hors-liste. 

S’il n’existe pas en France de chiffrage précis du nombre d’arrêts maladies (notamment longue-durée) en lien avec le Covid-long, en raison de l’absence d’une ALD spécifique, des évaluations sont en revanche disponibles dans les pays anglo-saxons, et confirment que qu’il représente une épidémie d’incapacité de grande échelle. Aux Etats-Unis, 27 000 demandes d’incapacité ont été réalisées et 78 000 patients assurés dans le privé ont été traités pour Covid-long entre octobre 2021 et janvier 2022. Une enquête britannique de février 2022 auprès de 804 organisations représentant plus de 4,3 millions de salariés indique que 26% des employeurs considèrent désormais le Covid-long comme une cause principale d’absence pour maladie longue durée. A un niveau économique plus global, plusieurs études cherchent à évaluer le coût de l’épidémie de Covid-long, en combinant son impact sur la productivité, l’inactivité et la perte de qualité de vie pour les malades. Aux Etats-Unis, le coût est estimé à 3 700 milliards de dollars sur 5 ans, en tenant compte de la perte de qualité de vie sur 5 ans (2195), la perte de revenu (997) et la hausse des frais de santé (528), ce qui représente 1% du PIB.

Que nous apprend cette difficile reconnaissance ?

L’avis du Covars entend placer au centre de la réflexion collective les leçons qu’il faut tirer des trois dernières années en termes de démocratie sanitaire. Les patients Covid-long qui n’ont rencontré ni l’écoute ni la prise en soins qu’ils souhaitaient nous convoquent à la nécessité de repenser les conditions de l’alliance thérapeutique entre soignant et soigné. Il est temps de réfléchir à ce que pourrait être une réelle coconstruction du savoir médical face à une maladie émergente, la place des patients experts devant être centrale. Le Conseil scientifique Covid-19 n’avait d’ailleurs cessé d’appeler durant la crise à une meilleure mobilisation de la société civile comme le rappelle Jean-François Delfraissy dans son livre-témoignage paru en octobre 20232. « On aimerait, note Yvanie Caillé, que cet avis soit l’occasion d’un vrai changement de paradigme en ce qui concerne l’écoute du patient, de prise de décision partagée ». 

La spécificité de la situation d’émergence d’une pathologie nouvelle est ici à interroger. « Comment l’Etat doit-il arbitrer lorsque des recommandations médicales, à même de soulager des populations particulièrement en souffrance et éloignées des standards de soin, ne font pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique ? » s’interroge Jean-François Delfraissy. Il salue l’engagement des associations de malades pour porter ce questionnement : « A leur manière, les associations ont contribué utilement à faire reconnaître et considérer le désarroi dans lequel les malades singuliers étaient plongés ».

La situation d’émergence, donc de connaissances imparfaites, évolutives et potentiellement controversées, commande-t-elle alors une attention plus grande encore qu’en routine à l’expertise du vécu, celle des patients, qui sont sur le front-même d’une maladie en train d’être décrite et comprise ? Jean-François Delfraissy met ici en parallèle ses expériences du Covid et du VIH/sida : « interpeller, bousculer, stimuler même durement les autorités médicales et politiques : les associations sont pleinement dans leur mission. Comme en leur temps s’étaient, parfois violemment mais si précieusement, comportés les collectifs de lutte contre le sida ». Il semble pourtant que les leçons politiques du sida, dans le cas du Covid-long, n’aient pas pleinement porté leurs effets : la parole des patients, loin d’être reconnue comme une expertise du vécu en situation d’incertitudes de l’expertise médico-scientifique, a été suspectée, quand elle a été écoutée.

Le Covid-long vient également interroger les processus de décision face à la pandémie. Ce risque d’impacts à moyen terme aurait-il mérité davantage de poids dans les raisonnements de « balance » entre sécurité sanitaire et libertés individuelles que les autorités ont assumés pour décider des mesures de prévention opportunes à chaque nouvelle vague de la pandémie ? C’est ce que réclame le Covars, du moins, pour les prochaines situations d’émergence dans lesquels un écho post-infectieux pourra être suspecté : le comité considère que, « alors que le risque d’émergences épidémiques futures s’accroît, il est crucial que le paradigme de décision politique intègre, dès la gestion de la phase aiguë, le risque à moyen et long terme des syndromes post-infectieux et des séquelles chroniques. Cela passe par l’intégration du principe de précaution dans l’élaboration du plan interministériel de préparation aux pandémies ». Il est vrai que les connaissances ont progressé continument depuis trois ans, sur la base de très fortes incertitudes initiales ; il n’est établi que depuis peu, par exemple, que le vaccin est plutôt un facteur protecteur face au risque de faire un Covid-long, et, on l’a dit, les mécanismes d’apparition demeurent mal connus. Pour autant, il est clair qu’un moyen efficace d’éviter le risque du Covid-long reste de ne pas être infecté. Face aux futures émergences, il est donc crucial que les outils de réponse soient calibrés aussi en fonction des risques de l’épidémie à moyen terme, en post-crise : en l’espèce, ces trois dernières années, la gestion de crise intégrait la nécessité de protéger la population contre une infection qui, non seulement, cause chez certains patients des formes graves à risque d’hospitalisation et de décès, mais qui, de surcroît, modifie la santé et le quotidien durant plusieurs mois d’un patient sur dix, y compris les enfants, de manière imparfaitement comprise.

Mélanie Heard est membre du Covars
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Mélanie Heard

Responsable du pôle Santé de Terra Nova