Vacciner contre les HPV au collège à la rentrée 2023 : comment faire pour que ça marche ?

Vacciner contre les HPV au collège à la rentrée 2023 : comment faire pour que ça marche ?
Publié le 29 mai 2023
Les élèves qui entreront en 5e à la rentrée prochaine se verront proposer au collège le vaccin qui protège des papillomavirus humains et des cancers qui sont associés à cette infection. Protéger filles et garçons contre ces virus avant leur entrée dans la sexualité, c’est éviter 6000 cancers et 2000 décès par an. Parce que la France est très en retard sur cette vaccination, le président de la République a annoncé fin février sa décision d’en systématiser la proposition au collège pour tous les élèves. Un premier papier de Mélanie Heard paru en février dernier dans la Grande Conversation invitait à généraliser cette vaccination à l’école. Après l’annonce présidentielle, elle détaille à présent les modalités que ce programme de vaccination scolaire pourrait privilégier pour être le plus efficace possible.
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Le 28 février 2023, le président Emmanuel Macron annonçait la mise en place d’un programme de vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) dans les collèges pour les élèves volontaires de 5e dès la rentrée scolaire 2023-2024. Comme déjà évoqué dans un précédent article en février ici, en France, seuls 41 % des filles et 9 % des garçons sont vaccinés contre cette infection sexuellement transmissible extrêmement fréquente, alors qu’en 2020, en Europe, la couverture vaccinale dépassait 50% dans 20 pays, et même 75% dans 11 pays dont le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni.

Plus de 6.000 cas de cancer et environ 2.000 décès par an causés par une infection évitable par la vaccination

Les infections à HPV sont des infections sexuellement transmissibles parmi les plus fréquentes, contractées généralement (dans environ 60% des cas) au tout début de la vie sexuelle, même sans pénétration. La plupart des hommes et des femmes ayant une activité sexuelle seront infectés à un moment de leur vie. Ces virus sont responsables, chez la femme comme chez l’homme, de verrues anogénitales, de papillomatoses respiratoires récurrentes, de lésions pré-cancéreuses et de cancers. Si les infections à HPV disparaissent généralement en quelques mois, une petite proportion peut persister et évoluer vers un cancer. 

Il existe près de 200 types de HPV dont certains sont à haut risque oncogène. 

Chaque année en France, les papillomavirus sont responsables de plus de 6000 cas de cancers qui surviennent pour les ¾ chez les femmes et pour ¼ chez les hommes. 

Ils sont responsables chez les femmes de près de 5.000 nouveaux cas de cancers par an dont : environ 3.000 cancers du col de l’utérus, 1.000 cancers de l’anus, 200 cancers de la vulve et du vagin, et 400 cancers de la sphère ORL. 

S’ajoutent à ces cancers des lésions pré-cancéreuses : 30.000 du col de l’utérus, et environ 3.000 de la vulve, du vagin et de l’anus. 

Chez l’homme, ils sont responsables d’environ 1.750 nouveaux cas par an dont : plus de 1.000 cancers de la sphère ORL (oropharynx), environ 100 cancers du pénis, et près de 400 cas de cancers de l’anus. Les taux d’incidence sont plus élevés chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), en particulier chez ceux qui sont séropositifs au VIH ; ces derniers présentant un risque 100 fois plus élevé par rapport aux hommes en population générale. 

En France, la vaccination est recommandée depuis 2007 chez les adolescentes âgées de 11 à 14 ans. Depuis le 1er janvier 2021, les recommandations s’appliquent également à tous les garçons sur la même tranche d’âge (11 à 14 ans puis rattrapage jusqu’à 19 ans).

Source : InCASanté publique France

Le bien-fondé de cette décision présidentielle ne tient pas seulement à la faiblesse de la couverture vaccinale actuelle chez les adolescents. Il tient également aux difficultés objectives d’accès à ce vaccin aujourd’hui pour les familles : le parcours de vaccination nécessite une prescription médicale puis un achat en pharmacie et enfin un retour vers le médecin prescripteur pour chacune des deux injections. De ce point de vue, l’accès en milieu scolaire est une réelle simplification pour les familles. Et l’offre systématique au collège pourra contribuer à inscrire cette vaccination en routine dans le parcours de santé des adolescents.

La santé à l’école : où en est-on en France ?

L’annonce d’un programme de vaccination HPV à l’école s’inscrit dans le cadre plus général de la réflexion sur la place de la santé à l’école. L’école est-elle investie dans notre pays d’un rôle particulier en matière de santé publique ? Les élèves y accèdent-ils aux savoirs et aux compétences qui leur permettent de prendre soin d’eux-mêmes et des autres ? L’enjeu s’est avéré aigu avec la pandémie de Covid-19, durant laquelle nous avons collectivement attendu des élèves et des enseignants qu’ils se mobilisent pour protéger leur santé et celle de la société : en portant un masque en classe, en s’isolant au premier symptôme, en participant au dépistage, et en se vaccinant. Mais, comme évoqué dans un article consultable ici pour Terra Nova en février 2021, la gestion de l’épidémie à l’école a vu se succéder les protocoles sans qu’on puisse repérer de réelle mobilisation de l’institution scolaire dans sa fonction pédagogique en pareille situation de crise : valoriser les enfants pour les efforts consentis, expliciter et enrichir les valeurs d’entraide et de solidarité sans lesquelles il ne peut y avoir de lutte contre la contagion, faciliter la compréhension des mécanismes de l’infection et de l’immunité à tous les âges, innover en matière de communication pour adapter les messages mobilisateurs à chaque âge… ces savoirs-faires pédagogiques de la prévention n’ont guère été investis par l’institution scolaire.

L’école est pourtant chargée par la loi d’un rôle particulier en matière de santé. Organisé par une circulaire de 2016 déclinant son inscription dans la loi par Marisol Touraine, le « parcours éducatif de santé » de la maternelle au lycée vise àfavoriser le bien-être et la santé des élèves, à leur fournir des informations de prévention adaptées à chaque âge, en particulier sur les conduites addictives et la sexualité, et à favoriser dans les établissements un environnement et une culture favorables à la santé. Mais, en pratique, il est difficile aujourd’hui de réunir des informations claires sur les modalités de sa mise en œuvre, la nature des interventions ou pratiques pédagogiques mobilisées, le volume, la fréquence ou les indicateurs de suivi et d’évaluation des séances qui déclinent ce parcours.

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L’une des composantes de ce parcours éducatif de santé est l’éducation à la sexualité. Dès 2001, une loi a prévu que tous les élèves bénéficient de trois séances annuelles d’éducation à la sexualité à l’école, au collège et au lycée. Dans les faits, seuls 15 % des écoliers et des lycéens et moins de 20 % des collégiens en bénéficient, selon un récent rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Le Planning familial, SOS homophobie et Sidaction ont saisi le 2 mars 2023 le tribunal administratif de Paris pour « faire reconnaître la responsabilité de l’Etat dans le défaut de mise en œuvre » de la loi de 2001. Le rapport de l’inspection générale, pointait, pour expliquer les carences constatées, l’insuffisance et la dispersion des moyens, le manque de disponibilité des enseignants ainsi qu’un défaut de pilotage. En réponse à cette plainte des associations, le ministre Pap Ndiaye a réaffirmé son engagement sur ce qu’il considère comme l’une de ses priorités depuis son arrivée au ministère ; il a insisté tout particulièrement sur la nécessité de mieux former les enseignants et intervenants.

Vacciner à l’école : que sait-on des déterminants du succès ?

C’est dans ce contexte qu’a pris place l’annonce présidentielle sur la vaccination HPV en classe de 5e. Une vaccination qui touche bien sûr de près aux enjeux de l’éducation à la sexualité, puisqu’elle doit prioritairement avoir lieu avant l’entrée des filles et des garçons dans la sexualité et avant donc l’exposition au risque d’infection.

On dispose désormais d’un corpus de connaissances démontrant que les écoles sont un cadre pertinent pour la vaccination ; la littérature retient pour premier intérêt de ces programmes scolaires leur capacité à atteindre de manière équitable un grand nombre d’enfants dans un court laps de temps.

Or l’équité géographique et sociale est une préoccupation majeure aujourd’hui concernant l’accès au vaccin HPV.

Les déterminants de la vaccination chez la jeune filleont été étudiés grâce aux données du Baromètre de Santé publique France 2021. Les couvertures vaccinales sont plus élevées chez les filles aînées, lorsque les parents ont les plus hauts revenus ou se considèrent à l’aise financièrement, lorsqu’ils ont au moins 5 années d’études après le bac ; inversement, elles sont plus basses lorsque les parents sont sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au bac ; les écarts sont également marqués entre les enfants de parents de nationalité française de naissance et ceux de parents ayant acquis la nationalité française. Le même baromètre révélait aussi de fortes disparités géographiques en termes de couverture vaccinale, ici uniquement chez les filles :

Couvertures vaccinales contre les papillomavirus humains (2 doses) à 16 ans, chez les jeunes filles nées en 2006, France*, données au 31/12/2022
Source : Baromètre de Santé publique France 2021

Avec la vaccination contre la poliomyélite dans les années 1950, des générations d’enfants ont été vaccinés par le biais de programmes scolaires. De nombreux pays ont récemment élargi leurs programmes de vaccination des enfants pour intégrer de nouvelles vaccinations, comme le vaccin annuel contre la grippe et la vaccination HPV. Surtout, face au Covid-19, de nombreux pays ont mis en place des vaccinations à l’école, y compris en France dans les collèges et lycées. Et, du fait à la fois des progrès de la recherche vaccinale et des risques épidémiques, il est probable que des épisodes similaires nécessitant des vaccinations de masse rapides se reproduisent.

La littérature scientifique atteste de l’efficacité de ces programmes scolaires en termes non seulement de couverture vaccinale, mais aussi de réduction de la morbidité et de la mortalité des maladies ainsi prévenues, qu’il s’agisse de campagnes ponctuelles en situation d’épidémie (comme pour le Covid-19), de campagnes de primo-vaccination, ou de campagnes de rappel.

Mais quels sont les déterminants du succès de ces programmes ? Plusieurs études ont cherché à évaluer la façon dont le personnel éducatif, les professionnels de santé, les parents et les élèves, adhèrent à ces programmes. Une revue de littérature montre que, même lorsque les programmes impliquent de nouveaux vaccins et que les préoccupations parentales sont fortes (donc y compris avec la vaccination HPV), il est possible d’atteindre de bons taux d’adhésion.

De fait, les données disponibles dans d’autres pays où la vaccination HPV est proposée à l’école révèlent des couvertures vaccinales favorables :

Source : ici
(Bruel, Sébastien, et al. « Revue de la littérature sur les interventions en milieu scolaire concernant la vaccination anti-HPV », Santé Publique, vol. 32, no. 1, 2020, pp. 29-41.)

Reste qu’il y a bien sûr des défis politiques, sociétaux, organisationnels et logistiques considérables à la réalisation de programmes à une telle échelle dans les écoles. Quel modèle organisationnel ? Quel financement ? Quel circuit d’approvisionnement et de distribution ? Quelle mobilisation des professionnels ? Quels outils d’information des parents et des élèves ? Dans le prolongement de l’annonce présidentielle, ce sont ces questions qu’il faut arbitrer pour proposer le vaccin HPV aux élèves de 5e dès la rentrée prochaine.

Quel référentiel de décision ?

Décider de vacciner les élèves est crucial, mais bien d’autres choix essentiels restent ensuite à trancher. Comme pour tout programme de santé publique, la question de fond est celle des moyens d’action publique qui seront mobilisés pour obtenir des populations le comportement requis : convaincre, inciter, contraindre, mobiliser, faciliter, l’éventail des leviers appelle des arbitrages indexés à la fois sur un critère de légitimité (qu’est-ce qui justifie de demander aux individus d’adopter ce comportement ?) et sur un critère d’efficacité (qu’est-ce qui va marcher le mieux ?). Du dépistage à la surveillance épidémiologique en passant par l’élaboration de messages de prévention, la construction du programme requiert une série d’arbitrages : sur la cible visée ; le choix des opérateurs et l’organisation logistique ; les modalités de l’information et du consentement ; la qualité des données de suivi qui seront recueillies ; et bien sûr la nature du levier mobilisé pour favoriser l’adhésion.

Sur ce dernier point, largement débattu avec la pandémie de Covid-19, les professionnels de santé publique distinguent un continuum de possibilités pour la vaccination qui est bien plus large que la seule opposition binaire « obligatoire » vs « volontaire ».  La vaccination peut constituer une obligation conditionnelle pour l’accès à certains services publics (c’est le cas des onze vaccinations obligatoires du nourrisson) ; elle peut faire l’objet d’une incitation financière (la France s’y refuse mais d’autres pays l’ont fait pour le Covid-19) ou bien d’une incitation négative (c’était le principe du pass sanitaire) ; elle peut faire l’objet d’une recommandation (c’est par exemple le cas de la vaccination des nourrissons contre la gastro-entérite depuis 2023) ; ou bien d’une simple proposition (c’est par exemple le cas de la vaccination contre la grippe, hors personnes à risque).

A l’intérieur de ce répertoire, bien des nuances sont encore possibles. Il faut d’abord distinguer entre plusieurs modalités d’organisation : pour les vaccins qui ne sont pas obligatoires, la vaccination est-elle à l’initiative du patient qui en fait la demande, ou bien fait-elle l’objet d’une proposition systématique de la part du médecin traitant, ou bien encore est-elle organisée par un programme d’accès ad hoc dans des centres dédiés ? Surtout, si le consentement du patient est requis dans tous les cas, en revanche on distinguera en santé publique les programmes « opt-out », dans lesquels la vaccination sera pratiquée par défaut et sauf refus exprès, des programmes « opt-in », dans lesquels elle est proposée aux volontaires qui expriment leur souhait d’en bénéficier.

Dans un autre registre, pour les vaccinations pédiatriques, les modalités de recueil du consentement sont également un paramètre important du programme, avec là encore plusieurs modèles possibles. Faut-il le consentement d’un seul ou bien des deux parents ? Le recueil se fait-il en ligne ou bien par formulaire distribué et à retourner à l’école ?

Notons au passage que la question du consentement des deux parents est un enjeu particulièrement sensible dans notre pays : s’agissant du vaccin HPV, après la plainte d’un père opposé à la vaccination qui avait été pratiquée pour ses filles sur le seul consentement de leur mère, un arrêt du Conseil d’Etat du 4 octobre 2019 a retenu la qualification d’acte « usuel » des soins de l’enfant ne nécessitant pas l’accord des deux parents. Depuis, le sujet a donné lieu à diverses complications dans la campagne vaccinale Covid-19 : après l’inscription dans la loi du 5 août 2021 de l’autorisation d’un seul parent pour les 12-15 ans, et la possibilité d’être vaccinés sans accord des parents pour les plus de 16 ans, la question du consentement parental pour les 5-11 ans a donné lieu à divers cafouillages en janvier 2022, plusieurs formules s’étant succédé (un seul parent, puis les deux, puis un seul à nouveau), jusqu’à ce que le Sénat, dans la loi du 22 janvier 2022, élargisse aux 5-11 ans le principe du consentement unique – mais ces dispositions ne valent au demeurant qu’en situation d’exception.

Enfin, on distinguera aussi les modèles de programmes vaccinaux scolaires en fonction des types d’interventions pour informer élèves et parents : interventions écrites (courriers, brochures, fiches descriptives) ; orales (présentations, discussions en face-à-face conduites par des professionnels de santé ou des enseignants, ou encore appels téléphoniques) ; ou en ligne (réseaux sociaux). Ces interventions peuvent être plus ou moins répétées, et soutenues ou non par des e-mails et sms de rappels plus ou moins proactifs aux différentes phases du programme.

Quelles sont les connaissances disponibles pour définir, parmi cette combinatoire d’options dans les différents paramètres d’un programme vaccinal, celles qui marchent le mieux en matière de vaccination HPV des adolescents ? Une revue de la littérature internationale portant sur la période 2012-2022 a été présentée en février 2023. Les déterminants du succès d’un programme de vaccination qui ressortaient de l’analyse étaient les suivants :

  • le déploiement de campagnes de sensibilisation pour les parents et les élèves ;
  • la formation des professionnels de l’éducation et de la santé scolaire ;
  • des systèmes d’invitation et de rappels (relances) ;
  • une adhésion présumée acquise par défaut, hors refus exprès (opt-out).

Le programme de vaccination scolaire HPV annoncé pour la rentrée se conformera-t-il à ces connaissances ?

Quel programme pour la rentrée ?

L’instruction ministérielle détaillant les modalités du programme annoncé pour la rentrée n’est pas encore parue, mais les grandes lignes devraient être inspirées de plusieurs expérimentations publiques récentes ou en cours.

Les résultats d’une expérimentation menée dans la région Grand-est (Meuse et Vosges) servent de socle aux réflexions actuelles. Les caractéristiques du programme expérimental étaient les suivantes : un centre de vaccination se déplaçait dans les établissements scolaires avec un premier passage pour vérifier le statut vaccinal des élèves à partir des carnets de santé et remettre un courrier d’information aux parents, un deuxième passage de proposition de vaccination, et enfin un troisième passage du centre de vaccination pour l’injection auprès des filles volontaires (il n’y avait pas de garçons, l’expérimentation ayant été conçue avant l’élargissement des recommandations). Le numéro de sécurité sociale auquel l’enfant était affilié permettait à la fois le remboursement et le recueil de données de suivi.

Il s’agit donc d’un protocole reposant sur la participation de personnels extérieurs au milieu scolaire et fondé sur le volontariat avec une adhésion « opt-in » (l’adhésion est une démarche active des parents) et non « opt-out ». Le consentement des deux parents était requis.

Le bilan de l’expérimentation, publié en juin 2022, est positif : en milieu scolaire, parmi les enfants qui n’étaient pas vaccinés, 24% ont pu bénéficier d’une protection vaccinale lors de la première année d’expérimentation en 2020-2021 et 21% en 2021-2022. En outre, on a observé une progression forte du taux de jeunes de 5e dont le schéma vaccinal anti-HPV est à jour (de 9% à 27% en 2020-2021) ou initié (une dose : de 14% à 31% en 2021-2022). Pour les familles ayant uniquement bénéficié d’une information par courrier sur la vaccination HPV sans intervention dans l’établissement de leur enfant, 19% d’entre elles ont engagé leur enfant dans un parcours vaccinal à l’issue des deux ans de l’expérimentation.  Au total, 43 % des parents ont accepté la vaccination dès réception du courrier (74 % en milieu scolaire vs 29% hors milieu scolaire). 

Plus encore que l’amélioration de la couverture vaccinale immédiate, l’intérêt du programme est d’avoir initié des actions de formation, d’information et de motivation auprès des élèves, enseignants, parents et professionnels de santé à l’intérieur des collèges (même si la médecine scolaire semble avoir été peu impliquée).

Un effort particulier sur les outils d’information et de communication

Le projet porteur de l’expérimentation menée dans plusieurs régions, PrevHPV, programme national de recherche en épidémiologie et sciences humaines visant à améliorer l’acceptabilité de la vaccination contre les HPV en France, a été financé dans le cadre du Plan Cancer 2014-2019. Il a conduit des enquêtes dans des collèges pour évaluer les connaissances, attitudes et préférences des parents et adolescents. Les résultats publiés récemment dans BMC Public Health soulignent que la vaccination était le sujet de santé publique le moins fréquemment discuté à l’école, y compris par les infirmières : 55 % des infirmières en ont discuté souvent ou toujours avec des élèves, contre 90 % pour les addictions, l’alimentation, la sexualité ou les écrans. Le personnel scolaire interrogé dans l’étude se déclarait peu favorable à la vaccination HPV en milieu scolaire, soulignant principalement le manque de ressources humaines et matérielles à l’école et la crainte de réactions négatives des parents, mais déplorait aussi le manque d’outils de communication avec les élèves.

Le consortium PrevHPV a donc développé plusieurs outils à destination des collégiens, de leurs parents, des enseignants et infirmiers scolaires. Des séances d’éducation en milieu scolaire ont été réalisées, notamment autour d’un serious game en ligne. Cette approche ludique a permis à 85 % des collégiens de mieux comprendre l’utilité de la vaccination HPV. Les intervenants (enseignants, infirmier(e)s scolaires) ont eu accès à une formation en ligne dédiée.

Une autre expérimentation en cours depuis la rentrée 2023 en Nouvelle-Aquitaine préfigure le programme annoncé par le président de la République. Là encore, il s’agit d’un programme « opt-in ». 23 centres de vaccination publics et privés ont été sélectionnés dans le cadre d’un appel à projets pour se déplacer dans les collèges. Comme dans l’expérimentation Grand-Est, le consentement des deux parents est requis ; il doit faire l’objet d’un nouvel outil de recueil dématérialisé via les plateformes scolaires (type Pronote). Le programme s’est doté d’outils d’information dédiés (flyer, affiches, vidéos, motion design) diffusés dès juin 2023 via les réseaux sociaux et un site dédié. Les pilotes du programme soulignaient récemment les difficultés qu’ils rencontrent cependant concernant la possibilité de télétransmission à l’Assurance maladie par les centres, condition à la fois de la prise en charge par les mutuelles et de la réactivité du suivi et de l’évaluation (intégration des données dans le système national des données de santé).

Au total, ces expérimentations préfiguratrices démontrent un investissement important dans le développement des outils d’information et de recueil du consentement, conformément aux données de la littérature qui en soulignent l’importance. En revanche, ce sont des programmes « opt-in », alors que les dispositifs « opt-out » où l’adhésion est supposée acquise par défaut, sauf refus exprès, semblent plus efficaces ; l’insistance et le caractère proactif des invitations et rappels adressés aux parents seront-ils prévus pour compenser ce point ?

Comme l’a montré le démarrage de la vaccination Covid chez les adultes, puis chez les adolescents, puis son échec chez les enfants (5%), la détermination des autorités est cruciale et se joue dans les conditions pratiques de l’offre vaccinale, la qualité de l’information et son caractère proactif, ainsi que dans les moindres détails qui conditionnent la facilité de l’accès au vaccin. Décider de vacciner les élèves de 5e peut sauver des vies : encore faut-il arbitrer, dans les moindres détails, en faveur des options les plus propices à l’adhésion des familles.

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Mélanie Heard

Responsable du pôle Santé de Terra Nova