L’élection de 2024 n’est pas seulement une large victoire personnelle pour Donald Trump, qui a imposé sa domination sur le parti Républicain. Elle résulte aussi de mouvements profonds des électeurs que le parti Démocrate n’a pas vus venir. Le bon résultat des Démocrates aux élections de mi-mandat en 2022 ont fourvoyé la gauche américaine : Biden semblait conforté à titre personnel, le rejet du trumpisme passait pour acquis et la mobilisation des femmes pour la défense de leurs droits paraissait gagnant. En réalité, les Démocrates n’ont pas vu qu’ils perdaient une partie de leur électorat, notamment parmi les minorités avec lesquelles une coalition progressiste s’était construite dans les années Obama. Comme le montre Bruno Jeanbart, vice-président d’OpinionWay, ce sont les Républicains qui bénéficient aujourd’hui d’une nouvelle coalition électorale gagnante, une coalition en partie multi-ethnique centrée sur l’adhésion des classes populaires peu diplômées.
La progression du vote trumpiste présente néanmoins une énigme. Bien que Donald Trump soit considéré comme une personnalité clivante, il a réussi à agréger des votes de catégories plus variées que lors de sa première élection en 2016. Ce qui signifie que les écarts entre Démocrates et Républicains se sont réduits dans certaines catégories de l’électorat. En revanche, montre ici le géographe Jacques Lévy cartes à l’appui, les clivages territoriaux subsistent de manière très visible. Comment expliquer que la dimension spatiale du vote se renforce, tandis que les différences non-spatiales s’atténuent ? Les mêmes résultats – et la même énigme – apparaissent pour les élections législatives françaises de cet été. Le vote RN en progression touche toutes les catégories mais pas tous les territoires de manière homogène. Un mystère de la polarisation géographique.