Édito

Poison lent

Publié le 6 décembre 2024
En l’absence de majorité, le gouvernement de Michel Barnier dépendait de l’abstention du RN pour faire passer des lois au Parlement, et en premier lieu le budget pour 2025. Se révélant, sans surprise, peu fiable, le RN a choisi de voter la motion présentée par La France insoumise. Cet épisode ne marque nullement la fin de la crise ouverte par la dissolution décidée par le président de la République en mai dernier. Quelle est la nature de cette crise et comment en sortir ?

La même procédure ne pouvant conduire qu’au même résultat, il serait aujourd’hui illusoire de choisir un Premier ministre sans base parlementaire. S’il revient au président de la République de « nommer » le Premier ministre, c’est aujourd’hui à l’Assemblée nationale de trouver les conditions d’une stabilité gouvernementale. Les esprits ont rapidement bougé depuis le vote de la censure, ouvrant la perspective d’une discussion entre groupes parlementaires, qui aurait du déjà avoir lieu cet été.

On associe facilement la montée du vote pour l’extrême droite à un phénomène de fragmentation, ou d’archipélisation, de la société française. Pourtant, plus le vote RN se diffuse, plus il se banalise, moins il devrait être clivant. Qu’en est-il exactement ? Quels sont les clivages révélés par le vote d’extrême droite ? Un débat oppose cette semaine deux géographes spécialistes des analyses électorales. D’un côté, Jacques Lévy montre une évolution commune en France et aux Etats-Unis, où les récentes élections montrent des clivages territoriaux qui caractérisent toujours le vote populiste. A l’appui de sa démonstration, il publie une série de cartes montrant que les écarts, à l’échelle la plus fine, entre territoires se sont maintenus lors des dernières élections alors que, selon lui, les écarts sociaux s’atténuent.

De l’autre, Olivier Bouba-Olga, directement contesté dans l’étude de Jacques Lévy, propose une autre lecture des dernières élections législatives françaises, en discutant le texte précédent point par point. Pour lui, la démonstration initiale du texte, selon laquelle on aurait assisté à un resserrement des écarts de vote entre catégories sociales, n’est pas établie. On observe bien des écarts entre territoires, en fonction de l’éloignement par rapport aux centres urbains, ce qui confirme la pertinence de l’approche géographique. Sans être les seuls éléments expliquant le vote, les situations sociales ne sont nullement neutralisées. Ce débat éclairant permet de progresser dans la description des choix des électeurs et de mieux cerner le malaise qui transparaît dans les enquêtes d’opinion.

Autre question liée au malaise territorial : la mobilité. La concurrence entre le train et l’avion a pris une nouvelle tournure avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, pour ceux qui veulent privilégier le train, l’offre reste souvent inadaptée malgré son potentiel de développement. En témoigne le cas de la liaison à grande vitesse entre Barcelone et Paris, curieusement délaissée par les compagnies ferroviaires. Un calcul fondé sur la taille démographique de ces deux ensembles urbains permet de donner une idée de la progression possible. 

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