Édito

Regarder la France

Publié le 8 septembre 2023
La France s’interroge sur son rapport au territoire. Celui-ci nous semble familier : terroir revendiqué, espace parcouru tous les jours ou paysage présent à notre regard. Et pourtant, le connaissons-nous aussi bien que nous le croyons ? Deux contributions nous invitent cette semaine à interroger nos conceptions spontanées mais aussi nos outils de description.
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Avec une équipe de recherche, le géographe Jacques Lévy propose un nouveau portrait de la France habitée. Nous savons compter les lieux de résidence depuis longtemps, nous avons une idée des mobilités mais notre représentation de l’usage des lieux restait jusqu’à présent très approximative. Qui est présent sur un territoire donné à un instant précis ? Nous pouvons désormais répondre à cette question grâce aux données des téléphones mobiles. La nouvelle carte de notre rapport à l’espace qui en ressort a de quoi surprendre : certains lieux apparaissent beaucoup plus intensément fréquentés que nous ne le pensions jusqu’à présent, tandis que les écarts entre les espaces délaissés et les espaces les plus intensément occupés se révèlent particulièrement forts. Il est temps de mettre à jour nos représentations des lieux que nous habitons et que nous partageons. Il est temps aussi de s’interroger sur l’expression démocratique de tous ces habitants des villes qui ne sont pas des résidents.

La conscience approximative de ces écarts explique en partie l’intensité du débat sur le « zéro artificialisation nette » (ZAN), dont l’urbaniste Martin Vanier tire ici les premières leçons. Le ZAN traduit dans des objectifs chiffrés, en cours d’élaboration, la volonté de sobriété foncière, c’est-à-dire l’ambition de redéfinir l’équilibre entre les usages du territoire : l’étalement urbain, en particulier, consomme trop de terres, qu’il soustrait aux usages agricoles, forestiers et naturels. Le débat politique sur le sujet est déjà intense. Quand arrive l’heure des choix entre des usages rivaux de l’espace à l’échelle locale, les difficultés de gouvernance se révèlent brutalement, entre des élus locaux qui craignent une perte de pouvoir et chaque échelon de décision du millefeuille territorial. Et la persistance d’une représentation politique et administrative opposant les villes aux campagnes bloque encore et toujours la prise en compte des réalités périurbaines qui sont au cœur des dynamiques d’artificialisation.

Economiser le sol, une ressource limitée et fragile, c’est un savoir-faire partagé de longue date aux Pays-Bas. Il a donné naissance à un modèle agricole très productif, très exportateur et… très polluant. C’est un projet de loi visant précisément à changer ce modèle qui a fait tomber le gouvernement de Mark Rutte en juillet dernier. L’analyse que nous publions cette semaine montre que le choix des électeurs néerlandais en novembre auront un impact pour toute l’Europe, dans la perspective des prochaines élections du Parlement européen qui auront lieu en juin prochain. Le prochain gouvernement néerlandais sera constitué par une coalition mais les partis conservateurs ne seront-ils pas tentés par une alliance avec un mouvement populiste agrarien en plein développement ?

Le cas néerlandais, jadis exemple de tolérance et de modération, illustre une forme inquiétante de désertion des valeurs européennes. Dans un texte consacré à la révolte populaire iranienne, près d’un an après la mort de Mahsa Amini, Philippe Lemoine s’interroge sur notre capacité à entendre le puissant message porté par la jeunesse iranienne, à la forte inspiration politique : « Femme, Vie, Liberté » ! Le nouveau féminisme se révèle davantage à Téhéran qu’à Paris ou Amsterdam.

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