Pisa 2022 : l’expérience du Covid n’explique pas les difficultés des élèves

Pisa 2022 : l’expérience du Covid n’explique pas les difficultés des élèves
Publié le 21 décembre 2023
« Fermer les écoles » pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 : après la sidération du premier confinement, cette décision a fait débat à plusieurs reprises depuis mars 2020. « L’école n’est pas une variable d’ajustement », revendiquait le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer en mars 2021 : « C'est vrai que ça devient une exception française, mais il y a tout lieu d'en être fier. Cette crise peut être une catastrophe éducative, j'essaye d'éviter ça à la France ». Cette exception française a-t-elle effectivement favorisé la résilience des élèves français dans la crise ? Les résultats de l’enquête PISA parus en décembre 2023 suggèrent que non : la France a moins « fermé » ses écoles que la moyenne des pays de l’OCDE, mais son décrochage en termes de performances autant que de bien-être des élèves est, lui, tout aussi alarmant qu’ailleurs. C’est peut-être qu’en fermant leurs écoles, certains pays n’ont pas pour autant privé leurs élèves d’éducation scolaire, grâce à une meilleure appréhension des outils numériques. C’est peut-être aussi que l’école française pâtit de handicaps structurels, en particulier dans sa capacité à soutenir la persévérance et la confiance de ses élèves.
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Porté par l’OCDE, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) évalue les connaissances et les compétences des élèves de 15 ans en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences, ainsi que les déterminants de leur bien-être. La France y participe depuis 2000. Une tendance à la baisse des scores ces dernières années, conjuguée à l’expérience difficile des confinements liés au Covid-19, faisaient de la publication des résultats PISA 2022 une échéance particulièrement attendue.

Sur la période 2018-2022, pour les 690.000 adolescents participant à l’enquête dans 81 pays, les scores globaux décrochent brutalement. En France, la tendance est plus marquée que la moyenne, notamment pour les mathématiques et la compréhension de l’écrit. Dans l’ensemble, les résultats 2022 y sont parmi les plus bas jamais mesurés dans PISA, et la proportion d’élèves très performants diminue davantage qu’en moyenne de l’OCDE (-3,6 points de pourcentage en mathématiques, versus -2,0). La moyenne de la France en culture mathématique, restée stable entre 2006 et 2018, a baissé de 21 points et atteint son niveau le plus bas depuis 2000. En compréhension de l’écrit, le score des adolescents a perdu 19 points depuis 2018, mais il est resté stable en sciences. Ce décrochage s’inscrit dans une tendance mondiale, puisque la moyenne de l’OCDE en mathématiques a perdu 15 points, alors qu’elle n’avait jamais varié de plus de 4 points depuis 2000.

Il faut le rappeler, PISA n’est pas un concours de performances académiques nationales mais un dispositif comparatif d’évaluation des systèmes scolaires dans leur ensemble. Les données qui concernent le vécu des élèves à l’école y sont nombreuses. Or sur ce chapitre également, le panorama 2018-2022 n’est pas optimiste ; de manière générale, la satisfaction des élèves à l’égard de la vie (mesurée sur une échelle de 1 à 10) a diminué, la proportion d’élèves qui ne sont pas satisfaits de leur vie passant de 12 % en 2015 à 16 % en 2018 et 18 % en 2022. Sur cet indicateur, la France est dans la moyenne de l’OCDE, avec 16 % des élèves en 2022 qui ne se sentent pas satisfaits de leur vie (12 % dans ce cas en 2018 et 7 % en 2015). En revanche, les élèves français se distinguent de la moyenne de l’OCDE par leur faible attachement à la vie de leur établissement : en 2022, un élève sur quatre s’y sent « comme un étranger », contre un sur six en moyenne dans PISA.

La première explication qui vient à l’esprit pour analyser le décrochage mondial des indicateurs évalués dans PISA tant en termes académiques qu’en termes psycho-sociaux est naturellement de le rapporter à l’épidémie de Covid-19, qui a motivé la fermeture des écoles pendant de longues semaines en 2020 et 2021 partout dans le monde. Mais les auteurs de PISA nuancent nettement la portée de cette hypothèse explicative, mettant plus volontiers l’accent sur les facteurs associés dans certains pays, notamment en Asie, à une bonne résilience des écoles en dépit de la crise sanitaire.

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De fait, la France constitue de ce point de vue un paradoxe intéressant : faisant figure d’« exception » par le nombre restreint de jours où les établissements y ont été fermés au regard de la moyenne de l’OCDE, notre pays n’en connaît pas moins un décrochage alarmant.  Alors que l’exécutif a largement proclamé sa grande « fierté » d’avoir refusé que l’impératif éducatif se voie sacrifié sur l’autel de la santé publique, la France n’échappe pas à la baisse globale constatée dans l’OCDE. Comment comprendre cet apparent paradoxe ? Les élèves de 15 ans qui ont rempli le questionnaire 2022 étaient au collège pendant les confinements : ce qu’ils décrivent de leur expérience de la classe montre clairement que les points faibles du système scolaire français n’ont été en réalité qu’amplifiés par la crise, et demandent des réponses structurelles.

Une « exception française » : 44 jours de fermeture des écoles

En France, les écoles, collèges et lycées ont été fermés du 17 mars au 11 mai 2020 puis du 6 au 26 avril 2021 : c’est le pays d’Europe qui a connu le moins de jours de fermeture, en dehors de la Suède.

L’enquête PISA 2022 a interrogé rétrospectivement les élèves sur leur vécu de cette période. En France, 36% des élèves ont déclaré (sur la base de leurs souvenirs) que leur établissement avait été fermé plus de 3 mois à cause de la pandémie de COVID-19, ce qui est moins que la moyenne des pays de l’OCDE (51% des élèves).

En réalité, on retient pour la France que les jours de classe manqués sont au nombre de 44, contre 98 en moyenne de l’OCDE, et, par exemple, 88 en Grande-Bretagne, 65 en Italie, 85 en Allemagne.

Les autorités scolaires et l’exécutif se sont largement félicités de cette « exception française », arguant des bénéfices de cette stratégie en termes scolaires, voire de l’absence de preuves suffisantes concernant son efficacité sanitaire.

La fermeture des écoles dans le cadre du confinement général de mars 2020 a d’abord provoqué la sidération. Mais par la suite, de l’été 2020 à la rentrée 2022, le sujet est devenu controversé dans le débat public. Les autorités scolaires et l’exécutif mettaient en avant la nécessité de maintenir les écoles ouvertes dans l’intérêt des enfants ; les autorités sanitaires, à l’inverse, faisaient valoir les risques que représentait, pour la société, pour leurs familles voire pour les enfants eux-mêmes, la réalité de la circulation virale en milieu scolaire.

Le débat a été cantonné à une opposition ouverture/fermeture des écoles, laissant peu de place à l’élaboration collective des attentes que l’on aurait pu avoir à l’égard d’alternatives intermédiaires :

  • côté sanitaire : l’investissement dans la qualité de l’air intérieur des classes, le dépistage systématique voire obligatoire des élèves, puis en 2021 la vaccination systématique non seulement des 12-18 ans mais aussi des 5-11 ans (pour laquelle le taux français est l’un des plus bas d’Europe), ou encore la mobilisation intelligente des communautés éducatives dans une stratégie réfléchie et co-construite de réduction des risques, étaient des pistes positivement évaluées dans la littérature scientifique et dans l’expérience de pays voisins (Grande-Bretagne, Allemagne) que l’on n’a guère discutées ; seule la critique d’un « protocole sanitaire » qui ne fonctionnait pas et faisait peser une lourde charge sur les enseignants et les familles a concentré l’attention ;
  • côté scolaire : l’investissement dans un enseignement à distance de qualité, mobilisant avec ambition des moyens matériels (outils informatiques) et humains (formation des enseignants) nouveaux, n’est jamais apparu dans le débat public comme un défi motivant collectivement.

Et il faut bien reconnaître que, dans un débat limité donc à la question d’ouvrir ou de fermer les écoles, le choix des autorités a été de prendre des risques avec la sécurité sanitaire plutôt qu’avec l’impératif scolaire. Il faut se souvenir des débats qui agitaient l’opinion publique à l’automne 2020. L’arrivée prochaine du vaccin, et celle du « variant anglais », étaient dans toutes les têtes. C’est dans ce contexte que le deuxième confinement décidé en novembre 2020 a maintenu les écoles ouvertes. Même si l’objectif fixé à ce confinement, de porter les nouvelles infections à moins de 5.000 par jour, n’a jamais été atteint, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer affirmait toujours en janvier 2021, face à l’arrivée du « variant anglais », que les enfants risquaient surtout de contracter le virus en dehors de l’école, ce qui est faux. Le même jour, l’Angleterre décidait au contraire de renvoyer les écoliers à la maison, annonçait un plan d’investissement dans l’éducation à distance, et le secrétaire à l’Education Gavin Williamson notait : « la dernière chose qu’un secrétaire à l’Éducation veut faire, c’est de fermer les écoles. Mais la fermeture des écoles pour la majorité des élèves ne signifie pas la fin de leur éducation ».

Pourtant, en mars encore, refusant de fermer les écoles, Jean-Michel Blanquer affirmait : « L’école n’est pas une variable d’ajustement. C’est vrai que ça devient une exception française, mais il y a tout lieu d’en être fier. Cette crise peut être une catastrophe éducative, j’essaye d’éviter ça à la France ». Alors que des malades étaient évacués depuis Paris vers la province, il réitérait dans Le Parisien : « l’école est la dernière chose à fermer, car c’est l’institution la plus précieuse au cœur de la société. Donc on ne peut fermer l’école que lorsque l’on a essayé tout le reste et que ce n’est pas suffisant ».

Rappelons qu’à l’époque, ce choix était nettement contesté par plusieurs voix scientifiques. Il faut avoir en tête les projections que le Conseil scientifique livrait en mars 2021 : prenant en compte les effets attendus de la campagne vaccinale débutée en janvier, il considérait néanmoins que « sans réductions supplémentaires des taux de transmission et avec l’effet des variants, on peut s’attendre à observer un pic d’hospitalisations supérieur à celui de mars 2020 ». Ainsi pour Arnaud Fontanet, épidémiologiste et membre du Conseil scientifique Covid-19, garder les écoles ouvertes « dans une situation où le virus circule fortement […] revient à prendre un risque » en mars 2021 : si certes « l’école n’est pas un amplificateur », elleest cependant « un reflet de la circulation du virus dans la communauté », puisque, rappelle-t-il, « avoir un collégien ou un lycéen chez soi accroît de 30% le risque d’être infecté ». 

C’est ainsi que début avril 2021, l’exécutif devait se résoudre à un nouveau confinement incluant la fermeture des écoles : devant l’explosion des cas, entraînant, en vertu du protocole sanitaire alors en place à l’Education nationale, de très nombreuses fermetures de classes et une grande « désorganisation » critiquée par les syndicats enseignants, l’exécutif actait une nouvelle fermeture des écoles pour trois semaines dans le primaire et quatre dans le secondaire, mordant sur les vacances de printemps. Jean-Michel Blanquer continuait pourtant de faire valoir alors qu’« avoir été en classe de septembre à mars a été une victoire (…). L’élève français sera celui qui aura eu l’année scolaire la plus complète ; une exception au monde ». Jean Castex, de même, se félicitait en ces termes : « Nous avons très bien fait de ne pas reconfiner (en) janvier. Chaque jour qui passe est un jour gagné ». Temps gagné ou temps perdu ? Une question que j’avais discutée pour Terra Nova en mars 2021, après avoir détaillé les débats qui entouraient la stratégie de lutte contre le Covid à l’école en février 2021.

Le moment est venu de revenir sur ces débats, car on dispose aujourd’hui d’une série de résultats scientifiques qui permettent d’évaluer le bien-fondé de ces choix français. Parmi eux, les conclusions pessimistes de PISA 2022 suggèrent un paradoxe : le faible nombre de jours d’école fermée n’a pas eu pour corollaire une meilleure résilience de nos élèves, ni en termes de perfomances, ni en termes de bien-être. Ceci justifie de revenir sur les arguments qui ont été proposés par les autorités pour justifier ce qu’elles ont appelé une exception française.

Pourquoi fermer les écoles face à une épidémie ?

Le premier argument avancé dans l’argumentaire de Jean-Michel Blanquer était celui de l’utilité limitée d’une fermeture des écoles. Les preuves ne seraient pas suffisantes pour considérer que l’impératif sanitaire devait l’emporter sur l’impératif scolaire. En présence d’un dilemme opposant deux impératifs concurrents d’égale valeur, il jugeait que la fermeture des écoles serait un sacrifice disproportionné au regard de ses bénéfices sanitaires. En quête de ce qu’il désignait comme un « équilibre », il considérait que la circulation virale à l’école, qu’il présentait comme limitée voire mineure et sans danger, ne pouvait motiver de prendre des risques pour l’éducation. Au tournant de l’année 2021, mettant systématiquement en avant un nombre de cas très faible en milieu scolaire (0,10% le 5 février), reflet d’une pratique faible du dépistage, il affirmait : « Il ne faut pas d’emblée priver les enfants d’école alors que c’est quelque chose d’essentiel, simplement parce qu’on aurait des interrogations qui sont très discutables » portées par des « Cassandres » qui « privilégient l’inquiétude ».

Ces positions étaient contredites par les modélisations disponibles, reprises par le Conseil scientifique Covid-19. Que sait-on de plus aujourd’hui ?

La circulation virale dans les écoles est, a priori, un levier intéressant sur lequel agir en situation d’épidémie ; la fermeture des écoles est ainsi une mesure incontournable des plans de prévention des pandémies grippales. Cependant, si, pour la grippe, la contribution des enfants à la circulation virale dans la société est cruciale, dans le cas du SARS-COV-2 le problème est initialement apparu avec davantage de nuances : selon la métaphore utilisée par Arnaud Fontanet, les écoles ne jouaient pas un rôle d’« amplificateur » de l’épidémie, comme cela peut être le cas avec d’autres virus, notamment les virus grippaux. Pour autant, elles en étaient bel et bien le « reflet » fidèle : les enfants, même si souvent asymptomatiques ou peu symptomatiques, transmettent le virus, à l’intérieur et à l’extérieur de l’école. Une circulation virale importante dans la société se traduit par une circulation virale importante à l’école, et réciproquement. La faible qualité de l’air intérieur dans les classes, les interactions rapprochées entre élèves, les difficultés générales du port du masque et son absence à la cantine, accroissaient les enjeux.

De cette réalité, que peut-on inférer quant à l’utilité et à la nécessité de fermer les écoles ? Des connaissances ont été produites depuis 2020 pour évaluer a posteriori la pertinence des différentes mesures de lutte conrte l’épidémie, dont la fermeture des écoles. Les travaux publiés dans la littérature internationale ne tranchent que difficilement la question, pour des raisons de méthode : il est difficile d’isoler la contribution propre des écoles au regard de l’efficacité des autres mesures de confinement mises en œuvre au même moment. De fait, la fermeture des écoles intervient au sein d’un éventail de mesures (confinement, port du masque, télétravail, couvre-feu…) qui toutes concourent à réduire la circulation virale, et surtout accroissent la vigilance dans la population, rendant complexe d’isoler les effets d’une seule mesure. Néanmoins, une étude parue dans Science en décembre 2020 a comparé les situations de 41 pays en fonction des différents panachages de mesures prises : la fermeture des établissements scolaires et universitaires apparaît comme hautement efficace pour réduire le taux de reproduction dans la population.

Inversement cependant, une équipe d’Oxford a publié en octobre 2021 dans Nature des résultats spécifiquement concentrés sur la deuxième vague d’infections en Europe, qui ne retrouvent pas d’efficacité majeure de la fermeture des écoles. Les auteurs soulignent toutefois que cet effet limité s’évalue en comparaison de situations où les classes sont certes restées ouvertes, mais dans un contexte de vigilance sociale généralisée et en présence de dispositifs préventifs robustes, y compris de dépistage systématique en classe dans certains pays.

Enfin, une analyse de 26 revues systématiques publiées, parue dans le British Medical Journal en 2023, conclut que la fermeture des écoles a eu un impact bénéfique pour réduire la transmission, la morbidité et la mortalité dans la population.

A ces évaluations a posteriori s’ajoutent aujourd’hui d’autres progrès des connaissances. Ce qui n’était que difficile à mesurer en 2021 est désormais reconnu : les enfants infectés sont, dans les mêmes proportions que les adultes et quel que soit leur âge, susceptibles de développer des symptomes post-infectieux handicapants (fatigue chronique, essoufflement, brouillard cérébral, douleurs multiples, céphalées…) appelés Covid-long. On s’accorde à considérer dans une hypothèse basse qu’au minimum un enfant infecté sur dix aura souffert de tels symptomes trois mois après l’infection, voire bien plus longtemps. L’avis du Covars sur ce sujet daté de novembre 2023 insiste d’ailleurs sur la nécessité aujourd’hui de mieux prévenir le Covid chez les enfants et d’investir dans le repérage à l’école de ces symptômes persistants, causes potentielles de décrochage scolaire.

Le rationnel pour fermer les écoles face au Covid n’a donc pas été démenti par les évaluations a posteriori. Les positions prises par le Conseil scientifique, sur la base des évaluations et modélisations disponibles, en faveur de la fermeture des écoles à l’hiver 2021, paraissent plutôt confirmées aujourd’hui. Si la réduction de la circulation virale était jugée impérative, alors la fermeture des écoles apparaissait comme un levier nécessaire. 

Mais l’argumentaire hostile à ces fermetures faisait valoir leur coût disproportionné sur le plan éducatif. Là aussi, les connaissances ont progressé.

De vives inquiétudes sur l’impact scolaire, psychique et économique à long terme des fermetures

En 2020 et 2021, les craintes d’un impact délétère des fermetures d’écoles sur l’apprentissage scolaire étaient majeures.

Certaines publications étaient cependant optimistes. L’exemple de la Louisiane au moment de Katrina était cité pour suggérer des pertes d’apprentissage limitées en dépit d’une longue période de fermeture des écoles. Des données publiées soulignaient aussi les mérites de l’apprentissage en ligne quand il est utilisé durant la fermeture des classes. Une étude publiée dans PlOsOne par une équipe de Princeton soulignait même les progrès faits par les enfants. Avec une cohorte de 2.500 élèves allemands d’âge primaire utilisant un logiciel de maths en ligne (plus de 100.000 séries de problèmes mathématiques effectués par les enfants avant et pendant la fermeture), les auteurs constataient que les performances des élèves avaient augmenté pendant la fermeture des écoles en 2020 par rapport à l’année précédente, et que ces progrès avaient concerné davantage les moins performants, réduisant les écarts entre élèves. La conclusion était que les environnements d’apprentissage en ligne peuvent être efficaces pour prévenir les pertes d’apprentissage associées à la fermeture des écoles.

Inversement, de nombreuses publications motivaient l’inquiétude. Elles semblent aujourd’hui confirmées par les évaluations a posteriori. Une méta-analyse de 42 études dans 15 pays publiée en janvier 2023 dans Nature conclut que le déficit global d’apprentissage a été substantiel ; apparu au début de la pandémie, il a persisté au fil du temps, davantage en mathématiques qu’en lecture, et en affectant plus particulièrement les enfants issus de milieux socio-économiques faibles.

Education à distance : une option peu investie en France

S’il existe donc de bonnes raisons de redouter les conséquences d’une fermeture des écoles, il reste que l’alternative de l’enseignement à distance n’est pas une privation d’éducation. En réalité, il y a de bonnes raisons de penser que les impacts négatifs de la fermeture des écoles peuvent être atténués en investissant dans l’éducation à distance. De fait, l’OCDE a publié dès le 13 mars 2020 un guide de bonnes pratiques pour l’enseignement à distance. Des mesures adaptées sont disponibles, à commencer par le soutien à l’équipement informatique des familles. Par exemple, lorsque le gouvernement britannique a décidé d’une deuxième période de fermeture des écoles début 2021, un plan de soutien aux élèves britanniques a prévu des objectifs précis de « mitigation » des effets scolaires négatifs : énoncer des standards de qualité de l’enseignement à distance, avec un engagement sur un nombre d’heures minimum de cours en visio, inspections réactives lorsque des difficultés étaient détectées, portage de repas gratuits pour les enfants bénéficiant des subventions cantine, distribution d’équipements informatiques  et accords avec les offreurs internet pour l’amélioration sans frais des capacités de connexion des familles.

Or pour la France, l’un des enseignements de PISA 2022 est que les élèves français ont moins bénéficié que leurs pairs dans l’OCDE en moyenne d’un enseignement à distance satisfaisant. Certes, pendant la fermeture des établissements scolaires, 70 % des élèves de 15 ans en France ont reçu des travaux à faire par un membre de leur établissement, ce qui est semblable à la moyenne OCDE. Toutefois, seuls 30 % des élèves ont reçu du matériel de cours pour étudier par eux-mêmes, contre 55 % en moyenne dans l’OCDE. Si bien que 53 % des élèves ont déclaré avoir pris du retard dans leur travail scolaire (moyenne OCDE 48 %).

Le maintien du contact avec l’établissement a été limité pendant la fermeture. Seul un élève sur cinq a bénéficié d’un soutien quotidien par le biais de classes virtuelles en direct, sur un programme de communication vidéo, ce qui est plus de deux fois moins que dans la moyenne des pays de l’OCDE. De plus, seul un élève sur 10 a été interrogé quotidiennement par une personne de son établissement pour savoir comment il allait, soit légèrement moins que dans la moyenne des pays de l’OCDE (13 %).

Les difficultés de cet enseignement à distance parcellaire ont été plus durement ressenties par les élèves de niveau fragile. Selon l’INSEE, les élèves les plus performants ont davantage réussi à travailler que les plus fragiles :

Source : INSEE, décembre 2020

L’INSEE a également montré que le manque de matériel et les difficultés de connexion ont davantage entravé le travail des élèves de milieu modeste :

Source : INSEE, décembre 2020

On se souvient également que les parents ont peiné à apporter à leurs enfants un soutien scolaire de substitution : durant le premier confinement, selon l’Insee, 35% des parents d’enfants de moins de 14 ans ont eu des difficultés à assurer leur suivi scolaire, cette difficulté étant très corrélée au niveau de vie pour toucher nettement plus les plus modestes : la moitié des personnes du premier quintile de niveau de vie, contre un quart de celles du cinquième quintile. L’INSEE a détaillé le caractère inégalitaire des difficultés rencontrées par les élèves et leurs parents durant le premier confinement :

Source : INSEE, juin 2020

Au total donc, si les élèves français ont eu moins de jours sans école que la moyenne des élèves de l’OCDE, ils ont aussi eu, en moyenne, moins de soutien pour faire face lors de ces fermetures aux défis de l’enseignement à distance et en ont probablement souffert, notamment lorsque leur niveau scolaire ou leur origine socio-économique les fragilisait déjà.

Ce constat n’est guère surprenant si l’on consulte les résultats 2018 de l’enquête TALIS, une autre enquête internationale de l’OCDE centrée sur les enseignants et les chefs d’établissement. Sur bien des items qui renseignent sur le rapport des enseignants aux outils numériques, dont l’école à distance aurait requis la maîtrise, la France obtient dans TALIS des scores nettement inférieurs à la moyenne de l’OCDE.

On y retrouve le deuxième score le plus bas de l’OCDE s’agissant de la proportion d’enseignants qui sont d’accord avec l’idée que l’on peut soutenir l’apprentissage des élèves grâce aux outils numériques (45%, versus 67% en moyenne). Ceci suggère un enjeu majeur de formation initiale et continue : 50 % des enseignants ont déclaré que les technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement étaient incluses dans leurs activités de développement professionnel, ce qui est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (60 %). Dans le même temps, 23 % des enseignants français ont fait état d’un besoin important de développement professionnel en la matière, ce qui est supérieur à la moyenne (18 %). La conclusion de l’OCDE est claire : « Ces données antérieures à la crise Covid-19 suggèrent donc que la transition vers l’enseignement à distance a pu constituer un défi pour un certain nombre d’enseignants ».

La capacité des écoles à innover en matière d’usages du numérique est identifiée par l’OCDE comme un déterminant clé de la résilience face à la pandémie. La bonne nouvelle des données TALIS 2018 est que, malgré les défis que la transition vers l’enseignement à distance a pu entraîner pour certains enseignants, un climat d’ouverture à l’innovation était présent dans la plupart des écoles de l’OCDE. Mais si, en France, 69 % des enseignants sont » d’accord » ou » tout à fait d’accord » avec le fait que la plupart des enseignants de l’établissement sont ouverts au changement, ceci reste malgré tout inférieur à la moyenne (74 %). Par ailleurs, l’enquête TALIS souligne que le niveau d’adaptation face à un changement soudain repose sur le soutien des pairs, qui permet aux enseignants en tant que collectif professionnel de s’adapter à la nouvelle réalité de l’enseignement à distance et d’apprendre les uns des autres. L’analyse a posteriori des résultats 2018 met en lumière la culture de collaboration et de collégialité qui prévalait dans certains pays avant la crise COVID-19 ; à rebours, en France, seuls 3 % des enseignants ont déclaré participer à un apprentissage professionnel collaboratif dans leur école au moins une fois par mois, ce qui est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (21 %).

Décrits dans un rapport récent de Terra Nova sur la formation continue des enseignants, ces handicaps français manifestes en matière de formation continue et de culture de la collégialité, entravant la capacité de s’adapter aux défis de la transition vers l’enseignement à distance, expliquent-t-ils que les élèves français aient, en dépit d’un plus faible nombre de jours sans école que la moyenne de leurs collègues de l’OCDE, des scores de performance et de bien-être en forte baisse sur la période ?

Les facteurs nationaux d’une bonne résilience des écoles face au Covid-19

L’OCDE a consacré un volume entier de ses résultats PISA 2022 à l’analyse de l’impact du Covid sur les système scolaires, intitulé « Apprentissage en période de crise et résilience ». L’objectif est de repérer quelles variables du quotidien de l’école pouvaient être associés à la grande variabilité des niveaux de résilience des pays.

La moitié environ des élèves des pays de l’OCDE ont vu leur établissement scolaire fermer pendant plus de trois mois, mais la durée de fermeture a cependant été marquée par de fortes variations entre pays :

Les fortes variations que l’on observe quant à la durée des fermetures d’écoles se sont-elles traduites par des différences dans la baisse des performances des élèves ? D’après l’OCDE, la relation entre les fermetures d’établissements scolaires en raison de la pandémie et la baisse de la performance « n’est pas si évidente ». Certes, on retrouve bien une corrélation entre le nombre de jours de fermeture complète et les performances en mathématiques 

Pour autant, les auteurs de PISA s’attachent à souligner qu’il serait erroné d’attribuer la baisse des performances, y compris en lecture et en sciences, à la seule fermeture des écoles. Ils insistent sur le fait que les résultats 2022 « ne montrent pas de différence claire dans l’évolution des performances entre les systèmes éducatifs où les fermetures sont restées limitées, comme l’Islande, la Suède et le Taipei chinois, et ceux où elles ont duré plus longtemps, comme le Brésil, l’Irlande et la Jamaïque ». Ainsi, la forte baisse des performances « n’est attribuable qu’en partie à la pandémie de Covid-19 », car dans certains pays, « les trajectoires éducatives étaient négatives bien avant l’arrivée de la pandémie. Cela indique que des problèmes à long terme dans les systèmes éducatifs sont également à l’origine de la baisse des performances ». 

C’est pourquoi les auteurs de PISA s’attachent surtout à rechercher les facteurs de résilience qui ont permis à certains pays de contenir la tendance à la baisse des résultats de leurs élèves, voire à progresser sur la période 2018-2022, en dépit des longues fermetures d’écoles qu’ils ont connues, y compris au Japon par exemple (du 2 mars au 1er juin 2020). En miroir, ils soulignent que les pays qui ont connu une évolution négative présentent, au-delà des fermetures, des traits communs caractéristiques : Andreas Schleicher, directeur de l’éducation à l’OCDE, évoque notamment « la moindre implication parentale, la non-disponibilité des enseignants et la distraction générée par certaines utilisations d’appareils numériques ».

Il attire en particulier l’attention sur l’exemple de plusieurs pays d’Asie qui ont connu des progrès alors même que les écoles étaient fermées sur des durées parfois longues. Ainsi, le Japon et la Corée du Sud ont connu des trajectoires positives bien qu’ayant fermé leurs écoles plus longtemps que la France et que la moyenne des pays de l’OCDE :

Source : données OCDE 2022, Financial Times

Pour Andreas Schleicher, ce succès s’explique par le fait que les systèmes éducatifs asiatiques performants s’appuient sur des attentes élevées et des relations sociales fortes entre les enseignants et les élèves : « Les enseignants passent beaucoup de temps avec leurs élèves, ils animent des clubs, ils nettoient la salle de classe avec eux après les cours ».

De fait, PISA 2022 révèle que c’est la disponibilité des enseignants pour aider les élèves qui en avaient besoin qui a représenté le principal déterminant de l’évolution des performances, mesurée à partir des résultats en mathématiques. Les scores dans cette matière sont supérieurs de 15 points en moyenne chez les élèves qui indiquent avoir bénéficié de l’aide de leur professeur. Ces élèves apparaissent également plus à l’aise que leurs camarades avec l’apprentissage autonome et à distance.

Spécificités françaises de la gestion du Covid ET spécifités dans PISA : un lien ?

L’OCDE s’attache, dans la perspective de crises futures, à repérer les facteurs de résilience des écoles dans la crise. Quatre pays, la Corée, le Japon, la Lituanie et Taïwan, sont retenus comme modèles. Les scores de performance et de bien-être de leurs élèves montrent que ces pays ont réussi à atténuer les effets des fermetures d’école, voire en ont tiré des enseignements bénéfiques. Leurs traits communs conduisent à mettre l’accent sur trois atouts : la qualité de la relation entre enseignants et parents ; la qualité du soutien apporté par les enseignants aux progrès des élèves ; et la maîtrise des outils numériques au sein de l’enseignement. Sur ces variables, la France n’est pas en bonne position.

En termes de soutien reçu de la part de leurs enseignants, les élèves français sont nettement en-dessous de la moyenne de l’OCDE. Comme déjà souligné ici par Marc-Olivier Padis, la faiblesse du suivi dans la crise n’est que le symptôme d’un profond manque de soutien aux élèves de la part des enseignants, caractéristique au long cours du système français par rapport aux autres. Ainsi, à nouveau, et hors période de crise, nous sommes dans les scores les plus faibles quand on demande aux élèves s’ils reçoivent de leurs enseignants soutien et explications supplémentaires quand ils en ont besoin. En France, seuls 52% des élèves déclarent que leurs enseignants semblent s’intéresser aux progrès de chaque élève à la plupart des cours de mathématiques (moyenne OCDE : 63 %).

De même, alors que l’implication des familles dans l’école fait l’objet d’une littérature internationale massive quant à ses effets positifs en termes à la fois académiques et de bien-être pour les élèves, l’OCDE souligne dans sa note consacrée à la France de piètres scores. Et le pourcentage de parents impliqués dans des échanges avec les enseignants sur les progrès de leur enfant a encore considérablement diminué entre 2018 et 2022. On ne compte ainsi qu’un chef d’établissement sur quatre pour déclarer qu’au cours de l’année précédente la moitié des familles auront pu discuter, à leur initiative, avec un enseignant de leur enfant. Cette proportion était de 36% en 2018. Dans les pays où cette proportion est la plus élevée, la baisse de performance a été mieux contenue sur la période 2018-2022.

Les élèves français se distinguent aussi par leur utilisation du numérique en classe. Leur temps quotidien moyen d’utilisation des outils numériques pour l’apprentissage à l’école est de 80 minutes, contre 120 minutes en moyenne de l’OCDE ; et 21% d’entre eux ne les utilisent pas du tout en classe, versus 14% en moyenne de l’OCDE. Pourtant, les élèves français sont plus nombreux à être distraits par la présence d’outils numériques en classe, de leur fait ou du fait de camarades. 30% des élèves français se déclarent distraits par l’utilisation d’appareils numériques (smartphones) à presque tous les cours de mathématiques. Au-delà d’ailleurs du numérique, la distraction en classe est un problème de rang élevé pour les élèves français : un élève sur deux déclare qu’il y a « du bruit et du désordre dans la plupart ou tous les cours » (versus 30% en moyenne OCDE), signe, selon l’OCDE, d’un « climat disciplinaire moins favorable à l’apprentissage que dans la plupart des pays de l’OCDE ».

A titre de comparaison, ces scores diffèrent significativement de ceux du système japonais, retenu comme modèle de l’OCDE pour sa résilience dans la crise Covid : au Japon, 74 % des élèves ont déclaré que, dans la plupart des cours de mathématiques, l’enseignant s’intéresse à l’apprentissage de chaque élève (moyenne OCDE : 63 %), et 84 % que l’enseignant apporte une aide supplémentaire lorsque les élèves en ont besoin (moyenne OCDE : 70 %). Environ 12 % des élèves au Japon ont déclaré ne pas pouvoir travailler correctement pendant la plupart ou la totalité des cours et 5 % des élèves sont distraits par des appareils numériques.

Plus largement, les résultats PISA montrent que la France se distingue par le rapport que les élèves entretiennent à l’égard de leur propre intelligence et de leurs progrès : en France, seulement 46 % des élèves sont en désaccord ou fortement en désaccord avec l’affirmation « votre intelligence est une de vos caractéristiques que vous ne pouvez pas vraiment changer », soit une proportion de désaccord inférieure à la moyenne de l’OCDE (58 %).

Ce dernier indicateur, que les auteurs de PISA appellent « growth mindset » en s’inspirant de travaux de psychologie cognitive (notamment ceux de Carol Dweck), est devenu central ces dernières années dans les comparaisons entre systèmes scolaires. L’OCDE avait placé ce concept au cœur de ses résultats 2018 et notait en 2021 dans un rapport intitulé « Sky is the limit. Growth mindset, students and schools » : « de nombreux facteurs peuvent influencer les résultats scolaires, et l’enquête PISA a progressivement élargi le champ de son analyse pour adopter une approche plus holistique de l’apprentissage des élèves. (…) C’est dans ce contexte que l’enquête PISA a inclus un concept d' »état d’esprit de croissance » dans sa dernière évaluation de 2018. (…) Dans une société de plus en plus incertaine, il est inévitable de relever de nouveaux défis qui se soldent parfois par un échec. Pour que les jeunes s’épanouissent, il est essentiel qu’ils soient capables d’affronter les difficultés et de gérer les revers. Pendant la crise mondiale du COVID, la fermeture massive d’écoles a touché de manière hétérogène plus de 1,6 milliard d’élèves. Si l’expérience a pu être enrichissante pour les élèves capables de fixer leurs propres objectifs d’apprentissage, d’élaborer des stratégies d’apprentissage et de maîtriser leurs progrès, elle a été dévastatrice pour d’autres élèves, habitués à être guidés par d’autres dans leur apprentissage et peu enclins à piloter eux-mêmes leur apprentissage ». Pour ceux, donc, que l’école n’a pas su convaincre que leur intelligence n’est pas un donné inné et immuable, la crise Covid a peut-être accutisé un désespoir dont les racines sont bien plus profondes et dont il est urgent de s’emparer.

A l’évidence, les annonces faites par le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal à l’occasion de la publication de PISA 2022, notamment en matière de redoublement ou de groupes de niveaux dans les classes de collège, ne peuvent prendre de sens qu’à la condition de les inscrire dans une approche structurelle et ambitieuse de ce qui constitue la caractéristique sans doute la plus préoccupante du système scolaire français : un élève sur deux n’a pas acquis, bien que fréquentant l’école, la confiance dans l’idée que son intelligence peut croître.

Une autre comparaison européenne

Une école qui offre à ses élèves le soutien quotidien nécessaire pour persévérer en confiance face aux revers et croire que son travail scolaire accroît son intelligence, et dont les enseignants se sentent capables d’innover dans la crise : ce modèle de résilience tel qu’il ressort de PISA 2022 est aussi celui dont la Commission européenne, dans son bilan des politiques éducatives liées au Covid, invite à s’inspirer pour tirer les leçons du Covid et à la veille des élections européennes.

Le European Expert Network on Economics of Education a publié en 2023 un rapport  sous l’égide de la Commission destiné à tirer les leçons de la crise en s’appuyant à la fois sur les données (nationales et de l’OCDE) et sur une large revue de la littérature. Ce rapport s’appuie notamment sur un index européen de classement des pays selon leur aptitude à favoriser l’apprentissage numérique tout au long de la vie (Index of readiness for digital lifelong learning, IRDLL) porté par le Center for European Policy Studies.

Les recommandations qu’endosse la Commission se concentrent sur trois aspects. D’abord, un premier point de méthode : la richesse des données, en particulier celles de l’OCDE et de la littérature en sciences de l’éducation impose de gagner en rigueur evidence-based dans la conception des politiques éducatives en Europe.

Ensuite, un deuxième enjeu centré sur la culture scolaire : accroître l’attention portée aux compétences psychiques, sociales et émotionnelles des élèves, non pas pour les normer, mais au contraire pour en respecter la diversité. « Notre analyse montre qu’en ce qui concerne les compétences socio-émotionnelles, l’approche actuelle de l’éducation, qui consiste à appliquer une méthode unique (« one-size-fits-all »), ne fonctionne pas. Au contraire, les méthodes d’enseignement devraient être adaptées en fonction des besoins et des préférences des élèves. Par exemple, les étudiants très consciencieux et peu extravertis font état de meilleurs résultats scolaires grâce à l’apprentissage à distance », cependant qu’il convient de savoir détecter ceux qui à l’inverse ont besoin de remédiations spécifiques dans cette situation.

Enfin, la troisième recommandation endossée par la Commission concerne l’investissement dans l’usage du numérique en éducation. Elle rappelle ainsi que 71 milliards d’euros du fonds Recovery and Resilience Facility ont été consacrés à aider les pays dans leurs politiques éducatives (soit 14%) et souligne que, parmi les interventions dont l’efficience est démontrée, l’effort sur le numérique en classe est de premier rang.  Un investissement qui ne peut être seulement financier et matériel, mais qui doit cibler les élèves les plus fragiles et défavorisés, et qui doit reposer en tout premier lieu sur un effort de formation des enseignants. Pour les auteurs de ce rapport européen, l’investissement dans les technologies de l’information et de la communication figure au rang des politiques éducatives dont l’efficience est la mieux démontrée dans la littérature. Il permet en particulier des résultats conséquents pour réduire les inégalités sociales à l’école et pour aider les élèves qui ont des besoins éducatifs particuliers. Mais en la matière, la formation des enseignants demeure la variable clé du succès. Sur ce point, la Commission ne mache pas ses critiques à l’égard de la France, qui occupe le vingt-septième et dernier rang d’Europe pour ce qui est des attitudes des enseignants à l’égard du numérique. L’exception française, donc, n’aura pas concerné que le nombre de jours où les écoles étaient fermées. 

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Mélanie Heard

Responsable du pôle Santé de Terra Nova