Édito

Deux angles morts

Publié le 17 novembre 2023
Le large mouvement de mobilisation contre la réforme des retraites au cours de l’année dernière a rappelé le besoin de réflexions plus approfondies dans (au moins) deux domaines : notre rapport au travail, d’une part ; nos processus de décision collective, d’autre part. Plusieurs mois après la fin des mobilisations, ces questions restent présentes et ne peuvent plus rester à l’arrière-plan du débat politique.

Le débat sur les retraites ne portait pas sur les conditions du départ en retraite, il concernait en réalité la manière dont la vie au travail est vécue. De nombreux salariés ont exprimé un malaise moins lié aux équilibres généraux de notre système de retraite qu’à leur rapport personnel au travail, notamment un sentiment d’usure et de manque de reconnaissance qui rendait difficile la perspective de prolonger leur carrière. Or, quand on observe aujourd’hui les inégalités de situations professionnelles, on ne peut manquer de remarquer l’inégale protection dont bénéficient les actifs dans le domaine de la prévoyance. Cette inégalité devant les coups durs de l’existence – incapacité temporaire ou permanente de travailler, invalidité ou décès – contredit frontalement, défend ici la députée Astrid Panosyan-Bouvet, la promesse républicaine selon laquelle le travail garantit une vie digne et une protection sociale suffisante pour chaque travailleur et sa famille. C’est pourquoi, elle défend l’idée d‘étendre enfin la couverture offerte par la prévoyance à tous les actifs encore non couverts tout en renforçant les efforts de prévention contre les risques liés au travail.

Autre grand sujet de discussion après ce qui a été perçu comme un débat escamoté et un passage en force au moment du vote de la réforme des retraites : nos procédures de décisions collectives. L’idée de recourir au référendum pour redonner la parole aux Français, déjà présente dans les revendications des Gilets Jaunes, revient dans l’actualité. Faut-il élargir le recours au référendum, c’est-à-dire à la fois les thèmes sur lesquels les Français pourraient se prononcer et les modalités de convocations, lesquels sont aujourd’hui limités. Faut-il élargir le champ d’application du référendum aux « questions de société » (une expression plutôt vague et sans véritable consistance juridique) et faut-il faciliter les conditions du référendum d’initiative partagée ? Bastien François ouvre ici la discussion en soulignant les conditions de garantie et de contrôle qui devraient accompagner une telle évolution. Il ne suffit pas de proposer une participation directe au citoyen, il faut aussi lui donner l’occasion d’un moment délibératif garantissant un débat de qualité et une décision collective éclairée.

A quelques mois des élections européennes, certains sujets appellent une coopération entre pays membres de l’UE. La régulation de l’activité spatiale en fait partie. Plus précisément, le besoin de prévenir l’encombrement des orbites basses de la terre par des entreprises privées qui cherchent à promouvoir des constellations de satellites. L’ancien secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, attire également l’attention sur le risque militaire que représente cette course à l’occupation orbitale. Sans satellites, nos armées se trouveraient sans yeux et sans oreilles, dépendantes du bon vouloir d’acteurs privés incontrôlables, comme l’Ukraine en a fait récemment l’expérience à ses dépens.

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