Santé et prévention : se donner enfin les moyens d’agir

Santé et prévention : se donner enfin les moyens d’agir
Publié le 11 mai 2023
La prévention, parent pauvre de la culture de santé publique française, a enfin intégré avec le deuxième mandat d’Emmanuel Macron l’intitulé du ministère de la santé : un ministère « de la santé et de la prévention ». Pour autant est-elle réellement devenue une priorité ? Rappelons que depuis trente ans quasiment tous les gouvernements l’ont érigée en priorité sans agir de manière structurelle. C’est pourtant un enjeu clé de la lutte contre les inégalités sociales de santé. Le CPPRS propose ici de créer un fonds spécifique dédié à la prévention, abondé d’une part par la taxation des produits considérés comme nocifs pour la santé et d’autre part par la publicité pour ces produits.
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Le Collectif de professionnels et de patients pour la refondation de la santé – liste complète des signataires ici : http://www.cpprs.fr/

La prévention et la promotion de la santé sont des composantes majeures du système de santé. Elles permettent d’agir sur les déterminants de santé et de réduire les inégalités sociales de santé liées au niveau éducatif et de revenus, aux conditions de logement, de travail, à la sédentarité, à l’alimentation, aux comportements à risque, à l’environnement etc. Prévention et promotion de la santé sont deux concepts liés entre eux mais différents, le second englobant le premier. La prévention repose sur la notion de risque, de maladie, de préservation de la santé et donc d’anticipation. Elle a, dans notre pays, une forte connotation médicale et mobilise souvent la responsabilité individuelle comme principal levier d’action, en minimisant le rôle des facteurs structurels – alors que dans d’autres pays, sa dimension collective est plus importante. La promotion de la santé, quant à elle, met l’accent sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé et sur l’approche communautaire. Il s’agit en effet de construire avec les personnes et les groupes concernés les moyens d’agir sur leur santé dans toutes les dimensions de leurs vies, qu’il s’agisse d’amélioration de leurs conditions de vie mais aussi de leur environnement social, économique, politique et écologique. La mise en place de politiques publiques favorables à la santé est alors nécessaire dans tous les domaines.

La dernière grande loi de prévention en France, la loi Evin sur le tabac et l’alcool, date de 1991. Toutefois, ces dernières années, la prévention et la promotion de la santé ont été considérées comme des priorités. Ainsi, en 2013, la stratégie nationale de santé dans son axe 1 priorisait la prévention et l’action sur les déterminants de santé. Quelques années plus tard, en 2018, Édouard Philippe, premier ministre, présentait un plan « Priorité prévention » en annonçant : « La prévention doit devenir centrale dans toutes les actions qui visent à améliorer la santé de tous nos concitoyens ». Enfin, le ministère de la santé, depuis l’été 2022, s’intitule, de manière inédite, « ministère de la santé et de la prévention » afin de mieux marquer le souhait de prendre enfin réellement le virage de la prévention. Car en dépit de la priorité affichée depuis dix ans, il ne semble pas en effet que les gouvernements successifs aient adopté de réelles mesures structurelles et budgétaires marquant une rupture dans les grandes orientations des politiques publiques de santé.

C’est pourquoi le CPPRS propose quelques recommandations susceptibles d’une part d’ancrer la prévention et la promotion de la santé durablement dans nos politiques publiques, et d’autre part de réduire les inégalités sociales de santé (ISS). Loin d’être exhaustives, ces recommandations nous paraissent prioritaires.

1. La prévention – promotion de la santé

La prévention ne représente qu’environ 6% des dépenses de santé. C’est notoirement insuffisant. Dans le même temps, le système de soins est en grande difficulté financière. Pour dégager des moyens supplémentaires, seules des taxes permettraient de constituer un fonds prévention suffisant pour financer l’ensemble de la filière prévention – promotion de la santé, de la connaissance à l’action.

A. Se donner les moyens financiers d’agir

a) Ressources financières pour la prévention et la promotion de la santé

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Il existe au moins trois types de ressources pour financer la prévention, qui ne sont non exclusifs l’un de l’autre :

  • Les crédits spécifiques Assurance-maladie et Etat ;
  • La taxation de certains produits sur le même modèle de taxation que ce qui a été réalisé pour le tabac : l’alcool; les produits trop gras et trop salés, sucrés sur la base des Nutri-Scores D et E; les jeux et les paris… ;
  • La taxation de la publicité pour ces produits.

Les complémentaires santé et certaines collectivités territoriales consacrent également des ressources à la prévention.

L’objectif est de se fixer un objectif de 10% des dépenses de santé pour la prévention et la promotion de la santé à la fin de la mandature en cours, soit une augmentation de 1 point du budget de la santé par an pendant 4 ans.

Recommandation 1 – Fonds prévention : Constituer un fonds prévention en santé à hauteur de 10% des dépenses santé

L’attribution des financements sur la base de ces ressources nouvelles doit être réalisée par un comité d’experts de santé publique, idéalement l’agence Santé publique France (SpF) et pour des durées d’au moins 3 à 5 ans pour s’assurer de la pérennité des actions, garante de leur efficacité.

b) Financement des acteurs de la prévention

Les acteurs des structures publiques de prévention présentes sur l’ensemble du territoire : professionnels de la petite enfance et de l’adolescence (réseaux de périnatalité, centres de protection maternelle et infantile, inter-secteurs de psychiatrie-infanto-juvénile, santé scolaire, maison des adolescents) ; CegiDD, Centres de Santé sexuelle, CAARUD/CSAPA ; centres de dépistages des cancers… Ces structures constituent un maillage sur l’ensemble du territoire, sont accessibles à tous gratuitement et sont les garants d’une prévention au plus près des populations. Elles sont insuffisamment prises en compte par les pouvoirs publics en termes démographiques, de financement et de contribution à la définition et à la mise en œuvre d’orientations stratégiques de prévention et de promotion de la santé dans leur domaine d’action. Les salaires de ces professionnels de la prévention sont très en-deçà des salaires moyens des professionnels de santé.

Recommandation 2 – Politique de ressources humaines (RH) pour les professionnels de la prévention : Mettre en place une politique RH des professionnels de la prévention tant en termes démographiques que financiers

Il est attendu une reconnaissance statutaire des professionnels de la prévention : inscription dans les grilles salariales des conventions collectives ou statutaires des fonctions publiques

Les acteurs du milieu associatifqui sont très bien placés pour assurer la fonction « d’aller vers » si indispensable pour prendre en compte les inégalités de santé : pour toucher et accompagner les réticents à la vaccination, pour promouvoir les outils de prévention diversifiée en matière de VIH/IST/drogues, pour relayer les outils de réduction de risques… pour comprendre les situations, les obstacles…

Les acteurs du monde médico-socialet du sanitaire en incluant l’ensemble des acteurs qui travaillent à l’intersection du sanitaire et du social. Ces acteurs développent également des projets de l’« aller vers » notamment dans le champ de l’addictologie et des dépendances, du handicap.

Recommandation 3 – Financement associatif et des organismes de solidarité sociale :

  • Octroyer des financements durables aux associations du socio-sanitaire sur la base de conventions pluri annuelles sur des durées de 3 à 5 ans.
  • Revenir sur la politique de subvention qui repose exclusivement sur des « appels à projets », mais considérer que certaines associations exercent des missions de service d’intérêt général dans la durée et bénéficient d’un soutien pour le fonctionnement (en évitant un « effet de rente », par un réexamen quinquennal).

Les professionnels de santé en général (médecins, pharmaciens, infirmiers…). Bien que très centrés sur la fonction « soins », ils ont également une mission de prévention ; ils sont des relais indispensables, du fait même de leur fonction d’exemplarité.

Les enseignants qui portent l’éducation générale et l’éducation pour la santé et contribuent au renforcement des compétences santé de nos enfants, de nos jeunes.

Recommandation 4 – Appui d’expertise aux professionnels de la prévention : Mettre à disposition pour chaque groupe d’acteurs de la prévention une cellule nationale d’ingénierie, d’expertise pour fixer les orientations, créer des supports, évaluer les politiques et les stratégies de prévention associant le sanitaire et le social.

Le fond prévention doit être calibré pour permettre le soutien financier de l’ensemble de ces professionnels

NB : Les industriels du tabac, de l’alcool, de l’alimentation, des jeux d’argent et de hasard, du cannabis ne peuvent pas être considérés comme des acteurs de prévention et de réductions des risques. Les pseudo-stratégies de réductions des risques qu’ils promeuvent visent en réalité à augmenter les consommations nuisibles pour la santé.

B. Inscrire la prévention dans toutes les politiques : des politiques éducatives à celles qui concernent l’environnement

Les dernières stratégies nationales de santé ont privilégié une prévention plutôt centrée sur le soin. Pourtant le rôle des déterminants sociaux de santé est majeur. Il est fondamental que la stratégie nationale de santé intègre les orientations en matière d’éducation, d’environnement, de logement, de travail…orientations qui doivent être définies au sein du comité interministériel pour la santé installé par Marisol Touraine.

Les champs d’intervention sont très nombreux. La question de l’exposition aux écrans des jeunes enfants permet d’illustrer le propos. La prévention de l’exposition des enfants de 0 à 6 ans aux écrans ne peut se limiter à une simple obligation de faire figurer des messages de mise en garde sur les emballages et publicités des produits numériques. Il convient d’agir de manière holistique. Réduire l’exposition aux écrans passe aussi par le développement d’alternatives : un meilleur accès aux loisirs et aux équipements extérieurs ; ainsi que par une meilleure information et un accompagnement des parents. En d’autres termes, il convient pour une meilleure prévention de l’exposition aux écrans d’agir d’une part sur des leviers non sanitaires dont la responsabilité relève de la politique de la ville et de celles des collectivités territoriales, et d’autre part de soutenir l’aide à la parentalité.

Recommandation 5 – Santé dans toutes les politiques : La stratégie nationale de santé (SNS) présente tous les 5 ans les orientations santé en matière d’éducation, d’environnement, de logement, de travail… et une évaluation est faite avant de définir une nouvelle SNS. Il convient en particulier :

  • de promouvoir dans notre pays une éducation pour la santé dans tous les enseignements scolaires et universitaires, de la maternelle au supérieur permettant d’obtenir une culture de santé publique (voir ci-dessous) ;
  • de mieux prendre en compte les questions de santé – environnement (voir ci-dessous) ;
  • d’être attentif aux questions de santé mentale et de bien-être en analysant ses déterminants et en essayant autant que faire se peut de ne pas les médicaliser. De nombreuses personnes, des groupes sociaux sans pathologies mentales avérées, ne sont plus dans un « état de complet bien-être » ;  l’anxiété monte, qu’elle soit post-Covid, environnementale, ou devant les interrogations face à la valeur travail ou encore pour des questions de genre

a) Education pour la santé

L’éducation pour la santé est assez peu portée dans notre pays et force est de constater que même quand celle-ci est inscrite dans la loi et obligatoire comme pour l’éducation à la sexualité (article L. 312-16 du code de la santé publique de 2001) elle est peu mise en œuvre. Selon le rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) de 2021, moins de 15 % des élèves bénéficient de trois séances d’éducation à la sexualité pendant l’année scolaire en école et au lycée.

La situation de grande misère de la santé scolaire ne permet plus à ses acteurs de faire de la promotion de la santé.

Le rôle potentiel des enseignants en matière de santé et de bien-être a été reconnue, notamment à propos des adolescents (parcours éducatif de santé des élèves et Mission Bien être et santé de jeunes, convention signée entre les Ministères de la santé et celui de l’Education Nationale en 2016).

Enfin, de nombreux acteurs interviennent en milieu scolaire, qu’ils soient issus du milieu associatif ou bien en formation (jeunes étudiants du service sanitaire). Il convient de s’assurer de leur formation.

L’Education nationale exige des personnes intervenant pour le Planning familial une qualification pour intervenir en matière d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle et c’est une bonne chose. Il faut s’assurer de cette exigence et d’une manière générale étendre ce principe aux autres interventions réalisées par des acteurs divers qui se font sur la prévention des violences, du harcèlement, de la prostitution, des addictions…

Les Instance Régionales d’Education et de Promotion Santé (IREPS) pourraient avoir la charge de mettre en place ces formations, en lien avec les acteurs déjà validés pour réaliser ces formations et les communautés professionnelles de territoire (CPTS) des territoires concernés, en partenariat avec les acteurs de terrain.

Recommandation 6 – Education pour la santé 

Offrir une formation à l’éducation pour la santé aux intervenants des collèges et lycées

Exiger une formation des intervenants extérieurs à l’EN des collèges et lycées

b) Environnement

Les questions de santé-environnement sont de plus en plus prégnantes. Les problématiques sont multiples, liées à d’anciens sites industriels ou miniers, d’épandages d’eaux usées, à la pollution de l’air, aux expositions à des pesticides, des perturbateurs endocriniens, à l’amiante, au plomb, à des radiations… On découvre l’impact sur nos modes de vie du changement climatique. L’environnement est un déterminant majeur de santé. La pollution atmosphérique à elle seule est responsable de 48 000 décès par an.

Toute politique de santé publique se doit dorénavant de prendre en compte les liens entre santé et environnement.

Chacun des milieux environnementaux pourrait faire l’objet de recommandations. Nous avons retenu quelques propositions structurelles pour, d’une part, mieux intégrer la dimension santé dans les politiques d’aménagement du territoire, et d’autre part, développer des nouveaux métiers autour des questions santé-environnement

Recommandation 7 – Etudes d’impact sanitaire : Promouvoir les études d’impact sanitaire dans toutes les politiques à l’échelon national et régional en finançant des programmes dédiés pluriannuels au sein de l’agence Santé publique France (SpF) et au sein des Observatoires régionaux de Santé (ORS)

Recommandation 8 – Démocratie participative : Garantir l’information et le débat citoyen pour les projets de transition écologique en s’appuyant sur les savoir-faire de la Commission nationale du débat public (CNDP)

Recommandation 9 – Formation en santé environnement 

Créer des masters en santé environnement dans chaque région présentant les outils et méthodes nécessaires à l’évaluation de l’impact sur l’environnement et les outils de prévention dans ce champ.

Intégrer des modules obligatoires sur la prévention en santé environnementale dans les toutes les études de santé.

C. « Universitariser » la prévention

En santé publique, la très grande majorité des universitaires le sont dans les champs de l’épidémiologie et de la recherche clinique. Il est indispensable de pouvoir disposer d’universitaires sur le volet prévention, afin de promouvoir son enseignement ; de développer la recherche en prévention dans les institutions de recherche (Inserm, Cnrs, Inrae…) et les universités ; et enfin de développer dans ce champ la recherche et l’expertise. Ces chercheurs et universitaires doivent travailler en étroite collaboration avec les autorités de santé tant nationales que régionales et les acteurs de terrain.Ces universitaires auront notamment pour missions, outre l’enseignement, la production de la connaissance sur les risques liés aux expositions nocives et la participation à l’évaluation des programmes de prévention-promotion de la santé.

Recommandation 10 – Recherche en prévention et promotion de la santé

Créer des laboratoires multidisciplinaires de recherche en prévention-promotion en santé (sciences de la vie et de la santé, sciences humaines et sociales, sciences de l’éducation et de la communication, etc…) associant les personnes concernées/usagères et usagers et nommer un professeur des universités en santé publique/prévention (médecins et non médecins) sur une valence prévention dans tous les CHU.

Organiser au niveau régional l’évaluation des programmes et actions de prévention menées par les acteurs de terrain.

D. Renforcer les pôles santé publique au sein des ARS

Les agences régionales de santé (ARS) ont jusqu’à présent beaucoup privilégié l’offre de soins ; il devient nécessaire de renforcer en leur sein l’approche santé publique / prévention-promotion de la santé et de développer la coordination avec les organismes publics en charge de la protection sociale. Au-delà des moyens nécessaires et indispensables notoirement insuffisants, il convient de s’assurer de la professionnalisation des directions de la santé publique. Le préalable est que ses professionnels soient tous des professionnels de santé publique (médecins ou non).

Recommandation 11 –Professionnalisation des directeurs et agents des directions de la santé publique des ARS : Recruter les directeurs et les agents des directions de la santé publique des ARS sur des critères de formation et de compétence en santé publique

E. Réduire l’influence des lobbys

L’influence des industriels (alcool, tabac, nutrition, médicaments, véhicules, armes…) envers les politiques de santé est réelle. Le rôle du lobbying de l’industrie du tabac a été parfaitement analysé dans le livre de N. Proctor « Golden holocaust » ; c’est un terrible exemple. Ce lobbying est également observé en matière d’alcool et de nutrition ; mais aussi au sein de l’industrie pharmaceutique, agroalimentaire et chimique. Il est attendu, pour réduire l’impact de ce lobbying, l’élargissement du dispositif de transparence sur les liens d’intérêt des parlementaires et la création d’un observatoire indépendant chargé de publier un rapport annuel sur l’influence des industriels sur les politiques publiques de santé.

Recommandation 12 – Observatoire du lobbying

  • créer un observatoire indépendant du lobbying industriel sur la santé
  • mettre en place un dispositif de transparence sur les liens d’intérêt au sein du Parlement

F. Mesures sectorielles

Addictions

Tabac, alcool, drogues, jeux et paris sont des déterminants majeurs de santé. Ils sont addictifs et posent de nombreux problèmes médicaux et sociaux. Faut-il rappeler l’impact majeur du tabac et de l’alcool sur la mortalité – respectivement de 75 000 et 41 000 décès ? Ou encore les dommages sociaux liés à une consommation excessive d’alcool : violences conjugales, maltraitances à enfants, délits, accidents de la route, accidents du travail… La politique publique de lutte contre les drogues date de cinquante ans et semble dépassée, très loin des standards sanitaires des politiques publiques. Quant aux jeux et paris sportifs, ils peuvent avoir des conséquences graves sur la santé, la situation sociale et financière des joueurs et de leur entourage (surendettement, problèmes familiaux, isolement social, troubles anxieux …). Ils sont insuffisamment encadrés. Par ailleurs, les industriels développent de nouveaux produits marketing destinées à faire entrer les jeunes dans la consommation (puffs, tabac chauffé, produits alcoolisés et sucrés…).

Les mesures à mettre en œuvre pour certaines d’entre elles sont bien connues et bon nombre d’entre elles disposent d’un cadre défini par l’OMS. Nous recommandons au moins une mesure prioritaire sur chacun de ces produits en sachant qu’il faut leur adjoindre une politique inscrite dans la durée à l’image de ce qui se fait pour le tabac. 

Recommandation 13 – Tabac : Poursuivre l’augmentation du prix du paquet de 20 cigarettes pour atteindre 20€ en 2027. Cette mesure est la plus efficace pour réduire la consommation de tabac.

Nous attendons également des pouvoirs publics qu’ils :

  • fixent un objectif ambitieux mais réaliste pour une génération sans tabac ;
  • proposent une véritable politique fiscale intégrée au Programme national de lutte contre le tabagisme (PNLT) ;
  • encadrent mieux voire interdisent certains produits contenant de la nicotine et jetables qui ciblent les jeunes (par ex les Puffs).
  • Recommandation 14 – Alcool : Instaurer un prix minimum par unité d’alcool.

L’instauration d’un prix minimum comme en Ecosse permet d’envisager sur le long terme une politique de prévention des consommations nocives d’alcool qui idéalement devrait intégrer une politique active de réduction des risques et d’augmentation des taxes. Nous attendons des pouvoirs publics qu’ils promeuvent une information fiable et accessible à tous. L’information sanitaire doit être de la responsabilité des seules autorités sanitaires qui doivent pouvoir agir par décret ou arrêté pour modifier les messages sanitaires.

Recommandation 15 – Drogues illicites : Mettre en place une concertation citoyenne visant à réviser la loi de 1970 pour notamment mieux prendre en compte les enjeux sanitaires.

Il s’agit d’amener le gouvernement et le Parlement à faire évoluer la loi pour mieux prendre en charge les usagers de drogues dans la diversité des consommations, des pratiques et des populations (crack, opiacés et opioïdes, nouvelles drogues de synthèse en contexte sexuel…). Et ce sous les menaces de la paupérisation des carrières médico-sociales, de l’état sinistré de la psychiatrie, de la démobilisation des nouveaux professionnels face à ce champ complexe et en mouvement, et du départ à la retraite des professionnels les plus engagés, en ville comme dans les structures spécialisées. La révision de la loi de 1970 doit inclure la pérennisation de la politique de réduction des risques et des dispositifs permettant son application, comme le « testing » des drogues, les salles de consommation à moindre risque, les consultations jeunes consommateurs ou la relance des communautés thérapeutiques…

Recommandation 16 – Jeux et paris : Encadrer la publicité selon la logique de la loi Evin : informer sans inciter, encadrer la publicité en termes de support et de contenu.

Promouvoir une régulation forte de la publicité sur les jeux d’argent ne peut se faire qu’à la condition d’une révision de la loi qui, au minimum, définisse un véritable encadrement des supports promotionnels, limite le volume publicitaire et restreigne l’étendue des offres de bonus.

Nutrition

La nutrition (alimentation et activité physique) est un déterminant majeur de la santé. Elle est un facteur fondamental de la vie mais peut être aussi un facteur de risque comme un facteur protecteur. Le surpoids et l’obésité sont eux-mêmes considérés comme des facteurs de risque du diabète, des maladies cardiovasculaires, de certains cancers… Les coûts annuels directs et indirects des maladies cardiovasculaires, de l’obésité et des cancers sont considérables.

La France a, depuis 2001, à travers les Programmes nationaux nutrition santé (PNNS), mis en place une politique très volontariste pour améliorer l’état nutritionnel de la population et lutter contre les inégalités sociales de santé (un enfant d’ouvrier a quatre fois plus de risque d’être obèse qu’un enfant de cadre). Il reste toutefois beaucoup à faire. Une nouvelle impulsion et de nouvelles mesures s’imposent pour améliorer la situation nutritionnelle de l’ensemble de la population et réduire les inégalités sociales nutritionnelles.

Recommandation 17 – Nutriscore : Généraliser au niveau européen le logo nutritionnel : le nutriscore à l’ensemble des produits alimentaires. En France le marquage de la qualité nutritionnelle des produits allant de A (les plus favorables) à E a été adopté par de nombreux industriels.

Recommandation 18 – Communication commerciale et nutrition : Interdire à la télévision, au cinéma et à la radio entre 7 et 22h et sur internet la communication commerciale des produits classés nutriscore D et E

Recommandation 19 – Maisons sport et santé :  Poursuivre la création et accompagner le fonctionnement des maisons sports et santé et développer le sport sur ordonnance, à tous les âges de la vie pour toute la population.

L’automesure et l’activité en groupe facilitent les changements de comportement. En octobre 2021, il existait 285 maisons « sport-santé » réparties sur le territoire. Essentiellement portées par des associations et mutuelles, elles sont des lieux d’information et de promotion des activités physiques et sportives et des activités physiques adaptées

2. Réduire les inégalités sociales de santé (ISS)

Les inégalités sociales de santé sont une réalité bien connue des professionnels de santé et du secteur social. Elles sont appréhendées de multiples manières. Tout d’abord par les écarts d’espérance de vie : 13 ans entre les 5% des hommes présentant les revenus les plus bas et les 5% les plus élevés. Mais aussi en termes de vie en bonne santé sans incapacité, domaine où les inégalités sociales sont également marquées. Il existe un véritable gradient social fonction des catégories socioprofessionnelles pour tous les facteurs de risque (tabac, alcool, surpoids-obésité) et leurs conséquences (diabète, maladies cardio-vasculaires, broncho-pneumopathie chronique obstructive et cancers). Enfin, le taux de renoncement aux soins de santé de premier recours est socialement marqué. La récente crise du Covid-19 a de nouveau mis en exergue ces inégalités tant en termes de morbidité et de mortalité qu’en termes de mesures de prévention : possibilité de confinement, respect des mesures barrières, vaccination…

La prise en compte des déterminants sociaux de la santé pour tenter de réduire les inégalités observées est donc cruciale.

Recommandation 20 – La mesure des ISS dans toutes les études épidémiologiques   : Intégrer les questions sociales et territoriales de santé dans toutes les études statistiques et épidémiologiques. Ces études doivent servir à alimenter le plaidoyer pour faire évoluer les politiques publiques et à évaluer ces politiques publiques

Recommandation 21 – Leviers extérieurs au système de soins : Mobiliser les leviers extérieurs au système de soins : investir dans l’éducation, le logement, les conditions de travail, l’environnement…

Agir dans ces domaines contribue de manière efficace à l’amélioration de l’état de santé et à la réduction des inégalités. Il ne s’agit plus de penser santé pour un individu, mais santé en population, dans toutes les politiques. En d’autres termes, la programmation des autres politiques doit intégrer la dimension santé ainsi que les modalités d’action pour agir sur les déterminants des inégalités sociales de santé. En effet, de nombreuses études montrent la part très importante de l’environnement social et économique sur la santé. Elle serait de 50% tandis que la part liée au système de soins serait de 20%, celles des déterminants génétiques et biologiques de 15% et celles des déterminants environnementaux de 15%.

Il convient également de reconnaître dans les comportements le caractère socialement déterminé et pas seulement la dimension individuelle. Il s’agit là d’une véritable rupture épistémologique à mener.

Recommandation 22 – Universalisme proportionné : Graduer les actions de politique publique en fonction des besoins mesurés, tant en termes d’objectifs que de financement.

L’enjeu est d’adapter les réponses et les interventions en fonction des besoins en vue de réduire les écarts d’ISS. Viser exclusivement les plus défavorisés ne réduira pas suffisamment les inégalités de santé. Pour aplanir la pente du gradient social, les actions doivent être universelles, mais avec une ampleur et une intensité proportionnelle au niveau de défaveur sociale.

Recommandation 23 – Accès aux soins : Réduire les déserts médicaux en instaurant des consultations avancées dans ces territoires (voir aussi la fiche accès aux soins)

Le faible accès aux soins et à la prévention est une grande source d’inégalités de santé. Il convient de réduire les distances géographiques, de favoriser l’accès et de garantir une offre de soins au tarif conventionnel. Pour assurer des consultations dans ces territoires, il est nécessaire de mobiliser certaines structures de santé tels les hôpitaux, les centres de santé, les maisons médicales pluri-professionnelles de premier recours, ainsi que les dispositifs publics de prévention tels la PMI, les centres médico-psychologiques (CMP)… Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) doivent intégrer, en lien avec les ARS, cette dimension et proposer des solutions. Ainsi, sur la base de critères géo-démographiques et de données épidémiologiques de morbi-mortalité… et d’un projet CPTS, des moyens dédiés doivent pouvoir être attribués pour renforcer l’offre de soins : instaurer des consultations avancées, créer des centres publics de santé, organiser des consultations mobiles…

Afin de mieux prendre en compte les facteurs sociaux pouvant impacter la santé, le Collège de la médecine générale a fait des propositions en octobre 2022 ouvrant à la mise en œuvre des actions permettant de mieux prendre en compte les difficultés sociales éventuelles.

Accès à la prévention

Deux dimensions méritent d’être prises en compte : celles de l’« aller vers » pour les populations les plus vulnérables ; et la littératie en santé

Recommandation 24 – Accès à la prévention : Financer les actions de prévention-promotion de la santé pour les populations les plus éloignées du système de santé dans une « logique d’aller vers » tout en préservant une approche généraliste de la prévention

L’aller-vers suppose une bonne inscription territoriale : le maillage des structures de médecine préventive, la mobilisation des associations sont cruciaux. L’idéal est de pouvoir s’inscrire dans une logique de santé communautaire intervenant au plus près du lieu de vie des usagers et impliquant la population et ses représentants. Elle permet d’améliorer les démarches de promotion de la santé et de compléter la vision individuelle de la prévention axée sur les comportements individuels en mobilisant activement les savoirs des groupes de population. Elle est une des composantes majeures de la démocratie en santé dont elle constitue un des soubassements essentiels à sa vitalité. Pour assurer les interfaces, de nouveaux métiers voient le jour, notamment celui de médiateurs en santé qui dans de nombreuses expériences a fait la preuve de son intérêt.

Recommandation 25 – Développement de la littératie en santé : Développer la littératie dans toutes les stratégies d’éducation pour la santé   

La littératie au sens large est la capacité à lire, à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie quotidienne. Elle est loin d’être acquise pour une frange de la population rendant beaucoup plus difficilement accessible les messages de prévention mais aussi la capacité des gens à agir en faveur de leur santé. C’est pourquoi il convient de développer les approches de littératie pour tout document, campagne d’éducation et de promotion de la santé. Cette question souligne de manière encore plus prégnante les difficultés que rencontrent ces populations dans l’utilisation de l’informatique ; la fracture numérique est facteur majeur d’inégalités.

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Collectif CPPRS

Le Collectif de Professionnels et de Patients pour la Refondation de la Santé est un collectif de 76 professionnels de ville et d'hôpital (médecins et paramédicaux) et de patients engagés pour la refondation de la santé