Construire une politique de santé nécessite de l’expertise, une vision, des choix, une planification et des financements. L’expertise s’appuie sur des données épidémiologiques, sur des experts de santé publique et sur ses instances consultatives de démocratie sanitaire. La stratégie nationale de santé doit être annoncé et adopté au Parlement tous les cinq ans avec un volet portant sur les moyens alloués pour les priorités retenues. Les principes de l’ONDAM doivent être l’universalité de l’accès au système de santé, l’exigence du juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité et la primauté des intérêts de santé publique sur les intérêts économiques et financiers y compris ceux des industries de la santé. La maîtrise des coûts doit être recherchée notamment en supprimant les doublons de gestion, en instaurant une politique de la pertinence des prescriptions et des actes, en sanctuarisant les financements de l’assurance maladie…Il faut revenir sur l’abrogation de la loi Veil de 1994 qui sanctuarisait les recettes de la Sécurité sociale et supprimer la régulation comptable a priori de l’ONDAM hospitalier le transformant depuis 2010 en un budget contraint. Quant à la démocratie en santé, nos instances de démocratie en santé et les représentants des usagers doivent gagner en autonomie et disposer de plus de moyens de fonctionnement. Pour lutter contre les inégalités sociales de santé, il convient de faire vivre la démocratie au plus près des populations au sein des territoires. Les territoires de santé par leur savoir, leur expertise, leurs connaissances des réalités locales sont capables de faire des diagnostics, d’élaborer des solutions de manière participative qui peuvent permettre le déploiement de politiques de « l’aller vers ».
- Accédez au dossier complet : Pour une refondation du système de santé
- Le Collectif de professionnels et de patients pour la refondation de la santé – liste complète des signataires ici : http://www.cpprs.fr/
Stratégie nationale de santé
Depuis 2014, l’évolution de la politique de santé donne lieu à l’élaboration de la stratégie nationale de santé déterminant de manière pluriannuelle des domaines d’actions prioritaires et des objectifs d’amélioration de la santé et de la protection sociale contre la maladie (il faut noter l’intégration de la politique de l’assurance maladie dans celle de la santé). Cette stratégie s’appuie sur des rapports d’expertise et ses principes sont mis en œuvre par une loi de santé. Mais cette stratégie pluriannuelle manque de planification et surtout n’est pas associée à son financement.
Financement
Sur le plan financier, les choix sont réalisés par le vote annuel de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Toutefois l’ONDAM est aujourd’hui moins l’expression de la politique de santé que de celle des finances publiques. En d’autres termes, Bercy fixe l’enveloppe santé en fonction de ses choix de financement de la politique sociale. Depuis 2010 l’ONDAM est devenu un budget contraint indépassable. A l’intérieur de cette enveloppe fermée sont votées les dépenses envisagées en matière de soins de ville, d’hospitalisation dispensés dans les établissements privés ou publics et médico-sociaux mais aussi le montant du fonds d’intervention régional et des autres types de prise en charge.
Olivier Véran, ministre de la santé avait déclaré lors de la clôture du Ségur de la santé, le 21 juin 2020 « Au fond, l’enjeu, c’est de faire de l’ONDAM l’expression non seulement d’une trajectoire de finances publiques, mais aussi et surtout d’une politique de santé ». La détermination actuelle du taux de progression de l’ONDAM très inférieur à l’évolution des besoins et des charges montre qu’il s’agissait d’un vœu pieux.
Il existe des sous-objectifs dans l’ONDAM pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) ; les activités de soins de suite et de réadaptation, de psychiatrie, et de soins de longue durée ; mais aussi pour les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC)…
Une attention est portée chaque année sur les mesures nouvelles d’économie : actions de prévention à mettre en œuvre ; structuration de l’offre de soins autour du parcours ; amélioration de la pertinence et l’efficience des dépenses de produits de santé ; amélioration de la pertinence et la qualité des actes ; renforcement de la pertinence et l’efficience des prescriptions d’arrêts de travail et de transports ; contrôle et la lutte contre la fraude.
Bien sûr ces mesures d’économies tiennent compte de l’évolution de l’ONDAM. Son évolution est aujourd’hui exprimée en valeur nominale et non en valeur réelle. Ainsi une évolution de 3,5% de l’ONDAM dans un contexte d’inflation de 6% veut dire que la diminution de l’ONDAM est de 2,5% en valeur réelle ce qui est considérable.
Démocratie sanitaire
Enfin, élaborer une politique de santé ne peut s’entendre que dans une démarche de concertation et d’échanges avec les professionnels de santé les instances consultatives que sont la conférence nationale et régionale de santé (CNS et CRSA) ainsi qu’avec les représentants des usagers du système du système de santé et des associations de patients.
Nous sommes actuellement dans la phase d’élaboration de la future stratégie de santé 2023-2027. Le taux d’évolution de l’ONDAM est décidé.
Pour la construction de la nouvelle SNS, le CPPRS fait les recommandations suivantes.
1. Stratégie nationale de santé
Recommandation 1- Détermination de la stratégie nationale de santé (SNS)
- Voter au Parlement, tous les 5 ans, la stratégie nationale de santé articulée avec une programmation de moyens financiers
La stratégie nationale de santé déterminant et hiérarchisant les objectifs de santé publique pour cinq ans, planifiant leur mise en œuvre et leur financement quinquennal ainsi que l’évaluation de leurs résultats doit être votée en début de mandature. La stratégie nationale de santé est établie sur la base d’un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la précédente SNS et sur les recommandations d’experts indépendants du gouvernement (sur le modèle du Comité d’orientation des retraites (COR).
Le vote par le parlement doit avoir lieu après remise d’un rapport de la Conférence nationale de santé (CNS) représentant l’ensemble des acteurs de la santé. Mais surtout il n’est plus admissible de voter une stratégie sans connaître les moyens alloués pour les priorités définies.
2. ONDAM
Recommandation 2- Principes de l’ONDAM
- Réaffirmer les principes de l’ONDAM
- Distinguer dans l’ONDAM l’évolution des rémunérations (salaires et honoraires) et ce qui est consacré aux soins
Trois principes doivent guider la définition de l’ONDAM
- L’universalité et l’automaticité de l’accès au système de santé.
- L’exigence du juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité et non la recherche de la « rentabilité » pour le professionnel ou l’établissement car, tout acte médical ou prescription non justifié est à la fois inutile voire dangereux pour le patient et contraire à l’éthique. Dans un système de santé égalitaire et solidaire, les dépenses inutiles de certains privent d’autres de soins indispensables.
- La primauté des intérêts de santé publique sur les intérêts économiques et financiers y compris ceux des industries de la santé.
Ces principes doivent être rappelé et mis en œuvre. Ils doivent intégrer de plus dorénavant la réduction des déchets et de l’émission des gaz à effet de serre.
Il convient, pour l’avenir, de distinguer dans l’ONDAM le budget dédié aux rémunérations (salaires et honoraires) et ce qui est consacré aux soins. Ainsi il sera possible de déterminer les évolutions des rémunérations des professionnels de santé (en distinguant l’hôpital et la ville) et celles des dépenses consacrées aux soins. Ainsi chacun pourra apprécier l’effort en faveur des soignants et celui pour la prise en charge des soins hors rémunérations des soignants.
L’allongement de la durée de vie, l’augmentation du nombre de personnes atteintes de maladies chroniques, les progrès médicaux concourent à l’augmentation des dépenses de santé. Nous consacrons entre 11et 12% du PIB à la santé ce qui nous place selon les années à la 3ème ou à la 4ème place des pays de l’OCDE aux côtés de l’Allemagne, derrière la Suisse (13%) et les USA (17%), mais en dollars par habitants nous nous situons à la 11ème place. Quoi qu’il en soit, l’augmentation continue des dépenses de santé nécessite la suppression des « rentes » et la recherche de l’amélioration de l’efficience.
Des économies doivent être faites grâce à
- la réduction des frais de gestion –« la grande sécu »,
- l’amélioration de la pertinence des prescriptions et des actes,
- l’organisation graduée et coordonnée des soins,
- la diminution des prix des médicaments et des dispositifs médicaux innovants.
Recommandation 3 – La maîtrise des coûts (1) / Grande sécu
- Supprimer les doublons de gestion au sein des complémentaires santé en s’orientant vers la « Grande Sécu ».
Le ralliement en 1946 de la Mutualité française à la Sécurité sociale créée en 1945 s’est fait en contrepartie d’un octroi aux Mutuelles de la gestion d’un ticket dit « modérateur » de 20% pour l’hôpital et de 30% pour la ville. Cette concession s’est doublée en 1947 de l’interdiction faite à la Sécurité sociale de créer sa propre complémentaire santé (Loi Morice) à l’exception du régime Alsace Moselle ayant conservé cet avantage historique. Si bien que nous avons un modèle unique au monde de double gestion du remboursement des soins avec des frais de gestion qui nous place au 2ème rang des pays de l’OCDE derrière les USA. Le débat sur la grande sécurité sociale a été ouvert en 2021 par le Haut conseil de l’assurance-maladie (HCAAM) soulignant que l’Assurance maladie obligatoire (AMO) et les Assurances complémentaires (AMC) remboursent le même soin avec des frais de gestion de l’ordre de 4% (soit en 2019 6.9 Milliards d’euros) pour l’assurance-maladie et de 20 à 25% pour les complémentaires santé (soit en 2019, 7.6 Milliards). Les économistes ont évalué les frais de gestion qui pourraient être récupérés à environ 7,5 milliards d’euros. C’est considérable ! Une telle mesure permettrait de notables économies aux entreprises (forfait complémentaires santé), aux assurés et aux établissements de santé. Ainsi, le directeur général de l’Assistance-Publique Hôpitaux de Paris estimait, en 2020, à 1500 le nombre de personnes en charge du recouvrement des frais de complémentaires santé.
C’est pourquoi le CPPRS préconise :
- soit de s’inspirer du régime d’Alsace-Moselle qui verse à ses bénéficiaires un complément de remboursement moyennant un petit supplément de cotisations. Les assurés pourraient donc choisir la complémentaire Sécu avec le tiers payant ;
- soit de supprimer les complémentaires qui seraient incorporées à la Sécurité sociale. Il faudrait alors définir un panier de prévention et de soin solidaire pris en charge à 100%.
Des assurances supplémentaires pourraient exister pour des soins ne relevant pas de la solidarité mais de choix personnels comme les médecines n’ayant pas démontré leur efficacité (notamment les médecines dites « alternatives » ou « complémentaires ») et les soins de conforts. La détermination de la composition du panier solidaire doit relever de l’HAS sous réserve de l’accord sur le financement avec le comité d’économique des produits de santé CEPS dont les négociations avec l’industrie devraient être transparentes.
La disparition de la fonction assurantielle des mutuelles leur permettrait de développer leur activité de prévention et de soins notamment par la création de centres de santé de proximité à but non lucratif.
Recommandation 4 – La maîtrise des coûts (2) / Pertinence des soins
- Définir une politique de la pertinence des prescriptions et des actes
Le concept de pertinence renvoie à la notion de « juste soin », c’est-à-dire d’un soin approprié, strictement nécessaire, adapté aux besoins des patients et conforme aux meilleurs standards cliniques. La France souffre de ne pas avoir mis en place une politique de pertinence des soins. Les principaux dispositifs sont présentés dans un rapport de l’IRDES de 2018 (La pertinence de soins en France. Les principaux dispositifs et leurs évaluations. Synthèse documentaire. Novembre 2018). La pertinence des soins s’appuie sur les concepts de maitrise médicalisée (« donner le juste soin permettra une amélioration de la qualité des soins et une diminution de leur coût » et l’éthique qui peut être résumée le slogan de l’assurance-maladie : « la Sécu, c’est bien, en abuser, çà craint ».
la CNAMTS chaque année dans son rapport « Charges et produits » présente les axes de sa politique de maitrise médicalisée. Pour les actes chirurgicaux on en est à souligner les différences de pratiques d’un territoire à l’autre (Atlas national des variations des pratiques médicales de l’IRDES publié en 2016). La CNAM mène des actions sur certains actes radiologiques ou biologiques, les arrêts de travail, les transports… Pour la médecine libérale c’est la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) qui est promue alors que l’on considère aujourd’hui qu’elle ne génère pas des progrès significatifs en termes de qualité des soins1. Il faudrait disposer des données de santé anonymisées et sécurisées en médecine de ville. Elles font encore aujourd’hui en grande partie défaut. Celles de l’hôpital sont incomplètes et celles de la Sécu se limitent aux prestations et aux prescriptions remboursées. Le chainage de ces données est essentiel pour apprécier la disparité des pratiques des professionnels, les inégalités sociales et territoriales de santé, les effets des politiques de santé ainsi que l’évolution des besoins de santé des populations.
La HAS promeut la qualité à travers ses recommandations de bonnes pratiques et ses efforts pour sécuriser les soins. Ce n’est pas suffisant ! Ces recommandations positives devraient être très régulièrement actualisées et complétées par des recommandations négatives sur le thème « « il n’y a pas lieu de…. ». La France est à des années lumières d’une véritable politique de la pertinence des prescriptions et des actes.
Il convient de toute urgence de construire une politique pour la pertinence des soins visant à améliorer les connaissances dans ce domaine afin de pouvoir mieux agir en mobilisant l’ensemble des acteurs de santé (sociétés savantes, organisations professionnelles, enseignants en santé, associations de patients, agences de santé, caisse nationale de l’assurance maladie, société nationale des données de santé…).
Cela doit s’accompagner d’une politique favorable au renforcement des capacités des personnes à agir pour leur santé, grâce à l’accès facilité aux informations validées par l’HAS et les associations de patients et grâce à l’éducation thérapeutique du patient.
Recommandation 5- L’augmentation des recettes
- Sanctuariser les financements de l’assurance maladie
- Améliorer la lutte contre la fraude fiscale et sociale
Les recettes de l’assurance-maladie doivent être protégées. Toute exonération sociale décidée par le gouvernement doit être intégralement compensée.
Il convient alors:
- de revenir sur les dispositions dérogatoires de 2019 de la loi Veil de 1994 (la loi dite « Veil » du 25 juillet 1994 faisait obligation à l’Etat de compenser intégralement toute exonération nouvelle de cotisations sociales),
- de supprimer des niches fiscales et sociales.
En d’autres termes, le budget de l’Assurance maladie doit rester indépendante des recettes de l’Etat. Il faut donc refuser toute fusion de CSG avec l’impôt sur le revenu.
L’augmentation des recettes pourrait être obtenue d’une part, par la suppression des niches fiscales (dont certaines servent à compenser la prise en charge des complémentaires santé) et d’autre part, par le déplafonnement des cotisations sociales pour les plus hauts revenus et par l’instauration d’une progressivité plus importante de la CSG.
En conclusion, l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale doit être assuré soit par une augmentation des recettes soit par une diminution des prestations soit par l’association des deux mesures dans le cadre d’un processus de démocratie sanitaire précédant obligatoirement la décision du Parlement (démocratie représentative). L’augmentation du coût de la santé, et des recettes de la Sécurité sociale, doit faire l’objet d’un débat démocratique pour que les décisions expriment le choix de la Nation sur ses priorités.
Recommandation 6 – La régulation de l’ONDAM
- Supprimer la régulation comptable annuelle a priori du budget hospitalier
Le financement de réformes prévues par le plan de santé quinquennal, l’ONDAM annuel vise à financer :
- le fonctionnement habituel du système de santé en prenant en compte l’évolution prévisible des besoins et des charges (et en compensant l’inflation) ;
- les mesures sectorielles ou catégorielles prises éventuellement par le gouvernement ;
- les imprévus (innovations majeures très coûteuses, survenue d’épidémies ou de catastrophes sanitaires…)
La régulation comptable actuelle a priori du budget hospitalier (mise en réserve dite « prudentielle » et point flottant de la T2A à l’origine de coups de rabot tarifaire) doit être supprimée.
Elle pourrait être remplacée par deux procédures :
- d’une part une négociation des représentants des professionnels de l’hôpital et des soins de ville avec l’Assurance maladie (CNAM) précédant le vote de l’ONDAM par le Parlement.
- d’autre part par une régulation a posteriori portant sur la pertinence des prescriptions pouvant donner lieu à sanctions en cas de suractivité non justifiée.
Recommandation 7 – Budget spécifique prévention
- Créer un budget spécifique prévention au sein de l’ONDAM qui doit être porté à 10% du budget de la santé avec une attribution précise par secteur financé (structures de prévention (PMI, centres de dépistage…), campagnes, expertise, programme national de santé, éducation pour la santé à l’école…)
3. Démocratie sanitaire / Droits à la représentation des usagers du système de santé
Trente ans de mobilisation des associations de malades et d’usagers du système de santé ont abouti, notamment à travers la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé à des formes spécifiques d’institutionnalisation de la représentation et de la participation des malades/usagers et de leurs associations à la gouvernance du système de santé. La Loi de 2002 a défini des droits individuels (droit à l’information, à la décision…) et collectifs pour les patients et a instauré un droit à la représentation des usagers du système de santé. Les patients, les malades, les usagers étaient rarement associés à la définition des politiques publiques. C’est ainsi qu’ont été :
- défini un statut pour les associations de malades et d’usagers pour celles qui se soumettent à la procédure d’agrément ;
- mis en place une représentation des usagers dans les instances de santé ;
- créé des instances consultatives où siègent des représentants des usagers pour contribuer à l’élaboration des politiques de santé : la conférence nationale de santé (CNS) et les conférences régionales de santé et de l’autonomie (CRSA) et les conseils territoriaux de santé (CTS).
- organisé l’indemnisation des accidents médicaux et des infections nosocomiales avec la création de l’ONIAM (office national d’indemnisation des accidents médicaux).
Les 20 ans qui ont suivi la publication de la Loi ont été marqués par une succession de périodes d’avancées et de régressions qui au total se sont soldées par une présence croissante des représentants d’usagers dans différentes instances de l’administration et des agences mais avec un pouvoir d’influence qui demeure la plupart du temps très limitée. De fait les difficultés permanentes de la démocratie sanitaire à mobiliser efficacement ses différents dispositifs s’expliquent par un double déficit : celui des formes d’institutionnalisation (leur participation à des instances (CNS, CRSA, commission des usagers…) et le faible accent mis sur sa composante participative. Mais elle pâtit surtout de la manière dont les gouvernants conçoivent les rôles respectifs la société civile et de l’état dans la construction de la norme commune et sa gouvernance, l’Etat peinant à se saisir des initiatives territoriales de la société civile et de ses représentants pour nourrir ses politiques publiques.
Le CPPRS loin de prétendre aborder l’ensemble du développement de la démocratie sanitaire souhaite dans ce chapitre faire quelques recommandations d’une part sur le renforcement de la dimension représentative des usages et d’autre part pour accroître leur fonction participative.
3.1. Renforcer la dimension représentative
La représentation associative continue à être de qualité inégale, souvent plus formelle qu’effective au niveau régional et départemental. Les questions du statut des représentants et de leur rémunération et ainsi que de leur formation ne sont pas réglées. Si la coopération entre professionnels et représentants des usagers au sein des groupes de travail des hôpitaux sur la qualité et la sécurité des soins s’améliore globalement, les progrès y sont lents et très hétérogènes.
Surtout le poids des instances représentatives dans la décision politique demeure faible. Le gouvernement pendant la crise du Covid a très largement négligé les différentes instances de la démocratie sanitaire. Cette mise à l’écart s’est poursuivie en 2022, avec la mise en place d’un dispositif de concertation parallèle à celui des instances de la démocratie sanitaire : le Conseil national de la refondation (CNR).
Recommandation 8 – Instances de démocratie sanitaire
- Conforter les 3 instances consultatives : CNS, CRSA, CTS dans l’élaboration des politiques publiques de santé : stratégie nationale de santé et plans régionaux de santé
Le CPPRS souhaite que les instances officielles soient mieux associées aux définition des politiques publiques et rappellent leur indépendance par rapport au pouvoir politique. Par exemple, il est nécessaire que les ARS lorsqu’elle sollicitent des représentants dans des groupes de travail sollicitent en première intention les associations compétentes pour la pathologie concernée. Dans le cas contraire, cela revient à renforcer un formalisme dénué de sens.
Il propose de confier trois nouvelles missions à la CNS :
- en premier lieu l’analyse de l’ONDAM avec l’aide d’économistes mis à sa disposition ;
- l’animation et la capitalisation des travaux et recommandations des instances régionales de démocratie en santé concernant les CRSA et les CTS pour partager leurs travaux et préoccupations et apprécier les moyens correspondants ; et ceci afin d’être en capacité de conseiller le gouvernement sur les politiques territoriales de démocratie participative ;
- et enfin la fonction d’observatoire de la démocratie en santé.
La CNS, les CRSA et les CTS doivent gagner en autonomie et disposer de plus de moyens de fonctionnement.
Recommandation 9 – professionnalisation des associations et amélioration du statut de leurs représentants
- Allouer des moyens aux associations afin de permettre leur travail au sein des commissions des usagers
La loi droits des malades de 2002 a instauré la représentation des usagers dans les instances de santé. Cependant les commissions des usagers (CDU) sont fréquemment présidées par des soignants. Les conditions du mandat des représentants des usagers (RU), comme la tenue de réunion à des heures peu conciliables avec des obligations professionnelles, limitent fortement la possibilité que des personnes en activité professionnelle s’engagent, ce qui est un frein majeur à la diversité de la représentation, et qui contribue aussi à ce qu’une part importante des postes de RU restent non pourvus. Allouer des moyens à la professionnalisation des associations et à l’amélioration du statut de leurs représentants permettrait de mieux assurer leur formation, leurs conditions d’exercice au sein des diverse instances du système de santé ainsi que leur diversité et leur indépendance.
Recommandation 10 – Soins de ville et droits des patients
- Organiser la représentation des usagers dans le secteur des soins de ville et des soins à domicile
Historiquement la représentation des usagers du système de santé s’est construite au sein des établissements de santé. Leur participation aux instances de ces établissements et l’ouverture de bureau des usagers ont fait évoluer les pratiques en vue d’améliorer la qualité des soins. Par contre, il n’existe pas de dispositif de représentation pour les soins de ville. Le CPPRS recommande d’organiser ce dispositif en lien avec les communautés professionnelles de territoire de santé.
3.2. Renforcer la dimension participative
La démocratie sanitaire souffre de l’importance donnée à sa dimension institutionnelle représentative au détriment de sa composante participative de terrain. Pourtant, nombre de réalisations issues de la coopération entre professionnels et d’usagers, malades ou non, se sont construites hors ou en marge du cadre officiel de la représentation
Ceci est vrai dans le domaine de l’hôpital, de l’enseignement et de la recherche. La participation de patients intervenants à la conception et à la délivrance de programmes d’éducation thérapeutique ; celle de patients enseignants dans la formation des professionnels de santé ; celle des associations dans la définition des politiques de recherche ce qui a été exemplaire dans le sida ou encore dans la co-construction de dispositifs innovants de suivi et d’accompagnement.
Les associations développent souvent à bas bruit médiatique une série d’actions afin de soutenir leurs communautés respectives : d’abord en leur apportant des informations médicales et sociales adaptées à leur contexte de vie en complément de celles plus générales en provenance des autorités de santé : en ouvrant des lignes téléphoniques, des adresses mail dédiées, par l’organisation de webinaires d’information parfois co-construits avec des professionnels de santé ; par l’édition de bulletins d’information, de newsletters ; mais aussi par la mise en place d’actions d’éducation thérapeutique à distance et de rencontres par visio-conférence réunissant la communauté, d’organisation d’ateliers d’activité physique adaptée, de diverses actions de supports pour les personnes les plus en difficulté. Ces initiatives de terrain sont décisives à la fois sur le plan de leur impact local mais aussi au niveau national car servant de catalyseurs aux interventions des structures de représentation au niveau régional et national.
Des expériences intéressantes de santé communautaire au sein de maison de santé pluri professionnelle ou de centres de santé soulignent le bénéfice à s’appuyer sur une mobilisation issue de la population pour accompagner des stratégies d’accès aux soins, d’accompagnement et de prévention. Ces expériences peuvent être à l’initiative d’associations de malades, qui peuvent ainsi porter des projets de santé, elles doivent pouvoir être soutenues comme organisation de santé, compétentes et développant des expérimentations généralisables. Ainsi, les associations de malade n’ont pas seulement un rôle de représentation dans les instances de démocratie sanitaire, mais sont également des actrices de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques de santé en collaboration avec les autres professions de santé.
Recommandation 11 – Démocratie participative et territoire
- Faire vivre la démocratie au plus près des populations au sein des territoires
Les politiques publiques restent dans notre pays très descendantes. Or les territoires de Santé par leur savoir, leur expertise, leurs connaissances des réalités locales sont capables de faire des diagnostics, d’élaborer des solutions de manière consultative et participative ce qui peut permettre le déploiement de politiques de « l’aller vers ». La co-construction des projets de santé avec la population ou les usagers est possible en mobilisant les concepts de santé communautaire et outils existants tels les contrats locaux de santé et de santé mentale.
Ces solutions passent par la participation effective d’une communauté à l’identification des besoins en santé, l’élaboration des réponses ou la correction des réponses descendantes inadaptées aux besoins et aux attentes. Une communauté regroupe des personnes concernées par un même problème de santé, ou un problème d’accès dans leur quartier ou leur zone géographique, ou une exposition à un risque particulier (environnemental, pollution, maladies infectieuse). Selon le problème de santé considéré, la composition de la communauté pertinente peut donc varier.
La participation de la communauté est un facteur de renforcement des compétences individuelles et collectives tout en permettant d’élaborer des réponses adaptées aux besoins des personnes.
Le recueil des besoins, l’animation des espaces d’échanges et l’élaboration des solutions demandent des compétences maitrisées par nombre d’associations de malade.
Recommandation 12
- Mieux associer les patients à l’évaluation de la qualité du système de santé en liens avec les professionnels
L’amélioration de la qualité doit être un objectif permanent des professionnels, des services et des établissements. Des recommandations, des référentiels, des indicateurs tentant d’objectiver la qualité de la prise en charge existent. Le bilan de la politique qualité de ces 20 dernières années montre à la fois la trop grande complexité des dispositifs, leur absence de cohérence ; leur faible degré d’appropriation par les professionnels de santé et les malades. L’usage d’incitatifs financiers notamment en ville (la ROSP) a montré leur inaptitude dans ce domaine. Plutôt que de viser une impossible exhaustivité, il apparaitrait plus judicieux de se focaliser sur certains champs, de développer de nouveaux outils donnant une place plus importante aux sciences humaines et d’y associer les usagers.
Les expérimentations portées par les associations de malades, qui s’accompagnent d’évaluation et de recherche, les données probantes, doivent être des ressources mobilisées par les professionnels.
Les données issues des patients et usagers du système de santé doivent être utilisée pour l’évaluation et l’amélioration des connaissances. Le recueil et l’analyse d’indicateurs patients centrés (PROMS et PREMS), incluant leur expérience du système de santé, sont primordiaux pour disposer d’une vision exhaustive.