La Pologne et la souveraineté « post-traumatique »

La Pologne et la souveraineté « post-traumatique »
Publié le 6 juin 2023
  • politologue et historien, rédacteur en chef de Kultura Liberalna
A la chute de l’URSS, la Pologne a cherché à intégrer l’UE afin de se prémunir d’un possible retour de l’expansionnisme russe. En 2022, l’invasion de l’Ukraine a confirmé ses craintes et ravivé les traumatismes du passé. Elle a modifié la politique internationale de la Pologne, son positionnement au sein de l’UE et son rapport à ses voisins d’Europe de l’Est. C’est ce qu’explique Jaroslaw Kuisz, mobilisant l’histoire de la Pologne pour analyser avec une acuité nouvelle les implications de la guerre dans ce pays.
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En quoi la guerre constitue-t-elle une rupture pour la Pologne ? Avait-elle déjà perdu toute confiance envers la Russie avant l’invasion de l’Ukraine ?

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Il est clair que l’invasion russe de février 2022 a marqué un tournant en Pologne : avec la guerre, les Trente Glorieuses post-communistes se sont achevées. Depuis la chute de l’URSS, la Pologne avait adopté une attitude confiante face aux relations internationales, qu’elle avait conservé même après le tournant populiste de 2015, avec le retour au pouvoir du parti conservateur de Jaroslaw Kaczyński. Cette période d’ouverture à l’international était ambivalente cependant. Demeurait tout de même une crainte fondamentale, liée aux traumatismes de la Seconde guerre mondiale et de l’époque communiste – celle d’être rayée de la carte de l’Europe. L’occupation, les violences extrêmes, la crainte des représailles ont laissé des traces dans tous les pays d’Europe de l’Est. La Pologne revendique depuis 1990 ce que j’ai appelé une « souveraineté post-traumatique » : elle témoigne d’une angoisse vis-à-vis des questions d’indépendance. Ces craintes, déjà très présentes après la seconde guerre de Tchétchénie (1999-2009), ont été renforcées depuis le début de l’invasion russe en Ukraine. A tel point qu’elles ont eu raison de l’optimisme géopolitique polonais. Cette peur viscérale d’être envahi est partagée par les pays voisins, comme la Finlande ou l’Estonie par exemple. Le Président finlandais Sauli Niinistö a fait référence dans son dernier discours du nouvel an à la guerre d’Hiver, au cours de laquelle l’URSS a envahi le pays en 1939. En Estonie, la première ministre Kaja Kallas essaie notamment de faire comprendre à l’Ouest que les violences du passé impliquent un rapport différent aux relations internationales. Pour cette femme politique, la perte de l’indépendance de l’Estonie évoque la mémoire des membres de sa famille déportés en Sibérie. Les traumatismes ont été transmis à travers la sphère publique, mais aussi la sphère privée. Depuis un an, on constate une alliance de fait entre les différents pays limitrophes de la Russie, qui parlent de la même voix et ont l’impression de se comprendre très bien. Ce sont des États qui ont partagé les conséquences terribles de l’alliance des deux totalitarismes en 1939 avec le pacte Ribbentrop – Molotov.

Jaroslaw Kuisz

Pourquoi cette « souveraineté post-traumatique » est-elle apparue seulement après l’effondrement de l’URSS, et parfois plus tard ?

La Grande Conversation

Les traumatismes ont été cachés par l’époque communiste et sont réapparus après. Pourquoi ? Parce que les pays ont d’abord cherché la continuité, à renouer avec le passé pour oublier les traumatismes de la guerre. En Occident, on s’est surtout attaché à… l’imitation de l’Occident. C’est ce que montrent Stephen Holmes et Ivan Krastev dans The Light That Failed: A Reckoning (Penguin UK, 2019). Cette analyse de la modernisation après 1989 est très pertinente, mais elle doit être surement complétée. À mon avis, il faut parler de deux voies d’imitation. Les pays ont imité les États occidentaux, mais en parallèle ils ont renoué avec leur modèle d’État passé, d’avant l’ère communiste. Dans ce dernier cas, les pays ont été plus ambigus en termes d’ouverture internationale, et se sont concentrés sur l’histoire nationaliste. La Lettonie s’est engagée dans cette voie : alors que les circonstances sociopolitiques étaient profondément différentes, elle est revenue à la Constitution de 1922 en 1992. C’était la continuité avec le passé de la nation que cherchaient les dirigeants.

Jaroslaw Kuisz

Vous distinguez plusieurs interprétations de la guerre en Ukraine, quelles sont-elles ?

La Grande Conversation

Au cours de 2022-2023 nous avons découvert plusieurs interprétations de la guerre en Ukraine, très différentes, à tel point que des récits se contredisent et s’excluent totalement. On peut même parler d’un « moment Rashomon ». Dans ce film japonais classique des années 1950, il présente quatre interprétations d’un même événement. Les récits d’un même incident sont si différents qu’à la fin, on ne sait plus très bien si le crime a eu lieu. Cela constitue un avertissement important contre la divergence possible de plusieurs récits sur la guerre en Ukraine. Quels sont les quatre récits ?  La première interprétation est celle de l’Europe de l’Ouest du début de la guerre, qui soutient l’Ukraine et condamne fermement la Russie. Elle prône la signature de la paix et met en garde contre la volonté « d’écraser la Russie » – selon les mots d’Emmanuel Macron – craignant que cela ne conduise à l’utilisation d’armes nucléaires. Cette position paraît prudente et rationnelle, mais elle pourrait aussi conduire à une escalade du conflit en Ukraine et ne protège pas à long terme contre l’invasion d’un autre pays. Ce point de vue évolue au fur et à mesure que la guerre se poursuit. Vient ensuite le point de vue de l’Europe de l’Est (à l’exception de la Hongrie), à l’heure actuelle partagé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Pour eux, la guerre est moins un événement singulier que le résultat d’un processus insidieux : le conflit a en réalité commencé il y a plus de 20 ans en Tchétchénie, avant de se prolonger en Géorgie, en Crimée, puis en Ukraine avec l’annexion des régions du Donbass. Dans cette perspective, un seul scénario est envisageable : la défaite militaire de la Russie. La paix négociée est conçue comme impossible avec le régime agressif de Poutine, cherchant depuis des années à rétablir la sphère d’influence de l’Union soviétique au détriment de ses voisins. Mais infliger une véritable défaite militaire à la Russie impliquerait un prolongement préoccupant de la guerre et la mort de centaines de milliers de personnes. Le troisième narratif est celui défendu par Poutine, qui fait de la Russie la victime d’une agression de l’Occident, cherchant à étendre son emprise. En 2022, la Russie aurait été soi-disant contrainte de se défendre contre une attaque ukrainienne imminente – une représentation en totale contradiction avec les faits avérés. Il existe un dernier point de vue, celui du Sud global. Cet ensemble de pays hétérogènes soutient que « les Blancs en Europe » mènent une guerre qui aggrave la détresse et la misère dans le reste du monde. Ils appellent à une résolution rapide du conflit, afin de pouvoir se concentrer sur des questions de développement et sur l’amélioration des conditions de vie des populations dans le monde.

Jaroslaw Kuisz

Qu’attendait la Pologne de son appartenance à l’UE quand elle a choisi de la rejoindre ? D’un côté l’UE garantit la souveraineté, mais de l’autre elle implique un partage de certains éléments de la souveraineté nationale, comment cette ambivalence est-elle perçue en Pologne ? On dit parfois que l’Europe est un projet post-historique, dans lequel les peuples ont convenu d’oublier le passé pour construire une identité émancipée des héritages : la Pologne assume-t-elle ce rapport là à l’UE ?

La Grande Conversation

Jusqu’à 2004, moment de l’adhésion de la Pologne à l’UE, il y avait une unanimité de l’opinion publique : l’Europe était vue comme une garantie de souveraineté pour le pays. Ce qui motivait la Pologne principalement, c’était d’échapper au piège de l’histoire et à la zone d’influence russe. Les raisons de son adhésion à l’UE ne sont absolument pas les mêmes que celles qui ont poussé le Portugal, l’Espagne ou le Royaume-Uni à l’intégrer. Mais à partir de 1999/2004, moment où la Pologne s’est mise à l’abri en rejoignant l’OTAN et l’UE, un nouveau discours s’est développé dans le pays. La droite et l’extrême-droite ont dit vouloir garantir l’indépendance du pays vis-à-vis des Russes, mais aussi de l’Europe de l’Ouest. Ce discours a eu une certaine popularité et, depuis 2014, le gouvernement au pouvoir adopte une position paradoxale. Il s’oppose à tout approfondissement européen afin de conserver une souveraineté maximale, tout en tenant fortement à rester dans l’UE. La droite souverainiste en Pologne sait qu’elle a une limite à ne pas dépasser : Kaczynski n’a jamais affirmé vouloir sortir de l’UE, même s’il se prononce ouvertement contre les politiques de la Commission européenne. De plus, il faut voir que la guerre a renforcé un attachement à l’UE déjà très fort dans le pays : à un moment donné, selon les sondages d’opinion, 92% des Polonais souhaitent rester membre de l’UE.

Il me semble que la droite n’a jamais assumé ce projet d’Europe post-historique. Non seulement Jarosław Kaczynski, mais aussi l’ensemble milieu intellectuel de droite a toujours conçu l’Union européenne comme un projet humain, qui peut se décomposer. A titre d’exemple, le même Kaczyński – en tant qu’idéologue – n’a pas fait fi de son histoire en adhérant à l’UE : il conserve l’idée qu’il faut toujours se préparer au pire, plutôt que de se concentrer uniquement sur des projets d’Europe optimistes et ambitieux. Cela vient évidemment des traumatismes du passé, qui sont donc loin d’avoir été mis de côté.

Jaroslaw Kuisz

Dans la guerre, la Pologne est un centre géographique et stratégique, en termes d’armement et qu’équipement. Mais qu’en est-il de sa place politique dans l’Europe : est-elle en position d’assumer un leadership ?

La Grande Conversation

En 2015, l’ambition de Kaczynski était de modifier l’équilibre européen, afin de décaler son centre de gravité vers l’Est. Pour ce faire, il a voulu créer une alliance avec Londres – projet avorté en 2016, quand est intervenu le choc du Brexit. Kaczynski a alors donné une interview restée dans les mémoires : il a annoncé que le moment était venu de réformer l’Union européenne. Ce projet est resté lettre morte, notamment parce que le gouvernement actuel n’est pas concrètement en mesure de jouer un tel rôle. Elle ne l’a d’ailleurs jamais été. Dire que la Pologne doit assumer le leadership en Europe n’est qu’une rhétorique utile à Kaczynski pour plaire à son électorat. Certains ministres de Kaczynski n’ont pas suivi et ont été plus transparents. L’interview qu’a donné son ancien ministre des Affaires étrangères Jacek Czaputowicz quand il a démissionné en 2020 a beaucoup surpris, il a affirmé sans détours que la Pologne était « seule sur la scène internationale ». La guerre a fait de la Pologne un centre stratégique des opérations, sans changer sa place politique au sein de l’UE. Mais il convient de remarquer que c’est seulement depuis la guerre que nous nous demandons si la Pologne peut devenir un leader politique européen – question qui ne se posait même pas auparavant.

Jaroslaw Kuisz

Quelle est la position de la Pologne sur les questions économiques ? Comment se positionne-t-elle par rapport à l’Union européenne ?

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Le gouvernement polonais est assez inefficace en ce qui concerne la résolution des macro-problèmes économiques. Ils ont surtout une grande maîtrise de la communication populiste liés notamment à la redistribution de l’argent. de l’aide sociale. Les citoyens sont alors censés se débrouiller seuls. C’est à peu près en quoi consiste – dans la pratique – la « politique sociale » des populistes. Les problèmes structurels des hôpitaux publics, des écoles publiques ou du système judiciaire ne sont pas résolus. En ce qui concerne l’économie, ils suivent les tendances. Depuis les années 1990, grosso modo, la Pologne applique le consensus de Washington et suit les recommandations du FMI. Elle se lie économiquement aux mêmes partenaires économiques que l’UE, en dépit de sa rhétorique anti-bruxelloise. La rhétorique antiallemande du gouvernement n’empêche pas la Pologne d’être un partenaire majeur de Berlin en ce qui concerne les échanges économiques par exemple. Depuis la chute de l’URSS, les gouvernements successifs ont adopté une orientation libérale et anti-étatiste, ce qui peut se comprendre par le prisme de l’histoire. La Pologne a eu une longue période de défiance envers l’action de l’Etat notamment à cause de la période communiste. Mais la nouvelle génération semble avoir renoué avec l’étatisme, les jeunes ont des attentes plus importantes vis-à-vis de l’Etat. Kaczynski, comme son opposant Donald Tusk, suivent ces tendances : ils disent être maintenant en faveur d’une intervention plus importante de l’Etat dans l’économie. Mais peut-être ce discours est-il opportuniste. Ces deux politiciens étant les plus impopulaires en Pologne avec un taux de méfiance à environ 55-60%, ils cherchent des moyens de regagner la confiance du peuple.

Jaroslaw Kuisz

Quelle est la position de la Pologne sur l’élargissement de l’UE à l’Ukraine ? Voit-elle l’Ukraine adhérant à l’Union européenne comme quelque chose d’évident ?

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La Pologne est en faveur de l’intégration de l’Ukraine à l’UE, mais elle a certaines réticences. Elle tient à ce que son économie ne pâtisse pas de cette nouvelle adhésion. Depuis le début de la guerre, les agriculteurs polonais manifestent contre l’arrivée du blé ukrainien. La Commission européenne a décidé de faire transiter les céréales destinées à des pays étrangers par l’UE sans aucun droit de douane depuis le 4 juin 2022, afin d’offrir de nouveaux débouchés à l’agriculture ukrainienne étouffée par la guerre. Récemment, la Pologne et la Hongrie ont décidé d’interdire les importations de céréales d’Ukraine pour protéger leurs agriculteurs. Cela tranche avec le passé de solidarité totale vis-à-vis de l’Ukraine, où il y avait l’idée que si l’Ukraine était attaquée, la Pologne serait la prochaine victime de l’agression. On voulait donc cesser toutes les disputes polono-ukrainiennes, très violentes au XXe siècle, pour passer à un moment de solidarité. S’il n’est pas révolu, on constate maintenant que la Pologne accorde sa solidarité sous certaines conditions.

Jaroslaw Kuisz

Est-ce qu’on trouve dans les autres sociétés des pays d’Europe centrale cette unanimité sur ce que doit être la relation avec la Russie ?

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L’idée que la Russie constitue une menace fait presque l’unanimité dans la région. Les traumatismes du pacte Hitler-Staline de 1939 sont toujours vifs. Il ne s’agit pas d’une coïncidence. Pour la région, les conséquences de l’accord nazi-communiste ont été catastrophiques. La géographie et l’histoire jouent donc un rôle important : une alliance informelle, non concertée, rapproche les pays d’Europe de l’Est, qui craignent de faire les frais de l’expansionnisme de Poutine. On observe d’ailleurs certaines similitudes dans la politique des pays de l’Est, depuis la Finlande jusqu’à la Roumanie et la Moldavie. Depuis 2022, ces derniers dépensent beaucoup dans l’armée et renforcent leur activité sur la scène internationale. Les rencontres bilatérales, multilatérales se sont multipliées. Une bonne partie de ces entrevues ont pour but de transmettre et d’expliquer à l’Europe de l’Ouest l’expérience des pays de l’Est. En raison de leur passé, ces pays ont plusieurs particularités. Ils ont tendance notamment à demander davantage de gages de confiance que les autres. Quand Biden est venu à Varsovie pour la deuxième fois, Andrzej Duda a demandé aux Américains répéter qu’ils allaient défendre l’article 5 du traité de l’OTAN, qui garantit la sécurité des membres de l’organisation. Les Polonais se fient aux traités signés, mais ils se souviennent de 1939, et ont besoin qu’on leur répète les garanties. Les Estoniens et les Ukrainiens parviennent bien à communiquer l’expérience passée de la région à l’Occident, les Polonais sont quant à eux moins efficace sur ces sujets.

Avant tout, un pays d’Europe de l’Est me parait se distinguer par leur rapport à la Russie : la Hongrie. Dans sa politique, Victor Orban a choisi de mettre en avant un traumatisme différent, comme le souligne son biographe, Paul Lendvai. Dans ce cas c’est plutôt le traité de Trianon (1920), officialisant la dissolution de l’Empire austro-hongrois, qui a durablement marqué les esprits. Cet évènement a été à l’origine d’une défiance vis-à-vis des décisions prises à l’Ouest de l’Europe, et non d’un ressentiment contre la Russie.

Jaroslaw Kuisz

Il y a aujourd’hui un parti d’extrême droite, la Confédération, qui progresse, quelle est son idéologie ? Son succès est-il dû à un souverainisme, à une lassitude du pouvoir ou à la question sociale ?

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La Confédération est un parti ultraconservateur, qui se positionne aujourd’hui comme la troisième force politique dans les sondages (12% de soutien dans les enquêtes d’opinion). La formation ne cache pas sa radicalité : certains de ses dirigeants ont fait des déclarations à caractère antisémite, homophobe, anti-avortement. Et cela passe. Très présente sur les réseaux sociaux (TikTok), la Confédération a du succès chez les jeunes – principalement des hommes, entrepreneurs, conservateurs et sensibles à la liberté économique. Selon un sondage récent (Kantar Public), 27% des 18-39 ans disaient accorder leur soutien au parti.

C’est un parti souverainiste et anti-UE, dont certains de ses dirigeants, paradoxalement, apparaissent fascinés par le régime poutinien. Ces tendances pro-russes sont avérées, mais il est difficile de savoir jusqu’où va l’infiltration de ce milieu par Moscou. Son succès s’explique peut-être tout d’abord par une lassitude politique: les mêmes politiciens sont présents depuis 30 ans sur la scène politique, notamment, Kaczynski et Tusk, et certains Polonais aspirent à un certain renouveau de la classe politique. Il s’agit bien sûr d’une illusion. Un vote en faveur de la Confédération n’apportera aucun renouveau. Si ce parti devait se retrouver au pouvoir, ce ne serait qu’en coalition avec Kaczynski.

Jaroslaw Kuisz
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Jaroslaw Kuisz

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