Les fausses solutions de l’extrême droite en matière d’immigration

Les fausses solutions de l’extrême droite en matière d’immigration
Publié le 3 février 2022
Sans surprise, la lutte contre les migrations est au cœur de la campagne d’extrême-droite. Mais que valent concrètement les propositions supposées lutter contre les flux légaux et illégaux ? Une revue de détail montre leurs faiblesses et surtout leur incapacité à renforcer l’action publique en faveur de l’intégration.

S’il n’apparaît pas comme la principale préoccupation des Français dans les enquêtes d’opinion, le thème de l’immigration est sans conteste l’un des plus abordés dans les médias, et suscite une angoisse profonde dans une partie importante de la population. La communication transgressive et efficace de l’extrême droite représente de ce point de vue un risque majeur : celui d’ancrer le débat sur l’immigration entre un prétendu camp de l’action d’une part, et un supposé camp du renoncement de l’autre.

L’idée, largement répandue et amplifiée, selon laquelle les gouvernements successifs ne sont pas parvenus à juguler le phénomène parce qu’ils en étaient empêchés par des contraintes diverses (les règles juridiques européennes notamment) a en effet eu pour conséquence de faire de l’immigration le miroir de l’impuissance publique.

La source de l’angoisse ressentie sur l’immigration vient principalement de l’échec de l’intégration de certains immigrés ou enfants d’immigrés – une minorité certes mais difficile à dénombrer –, qui ne partagent pas les valeurs de la République, principalement la laïcité, l’égalité entre les hommes et les femmes et la liberté d’expression, et n’adhèrent pas au modèle français de vivre-ensemble. Pourtant, en réponse à cette réalité, l’argumentaire proposé par l’extrême-droite se borne à annoncer la suppression des flux légaux d’immigration et à réduire les droits des étrangers en France, sans chercher à déterminer ce qui permettrait à un Etat fort d’intégrer les populations qu’il choisit ou a choisi d’accueillir sur son sol.

Le débat sur l’immigration ravive l’angoisse de l’impuissance publique

Alors que la politique économique a longtemps été l’objet de débats concernant l’impuissance des dirigeants, c’est désormais l’immigration qui subit ce procès. Cette évolution s’explique notamment par la récente activation du levier budgétaire dans le cadre de la crise sanitaire. Dès lors que l’extrême droite n’est plus en mesure de vilipender la prétendue servilité du gouvernement aux règles budgétaires européennes et à la mondialisation, elle se concentre sur son incapacité à traiter les questions liées à l’immigration. Sur ce sujet, le gouvernement est réputé incapable d’agir, entravé par les règles juridiques nationales et européennes ainsi que par son manque de volontarisme.

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Les chiffres relatifs aux exécutions des obligations de quitter le territoire français (OQTF) viennent corroborer ce discours de manière spectaculaire en matière de contrôle de l’immigration illégale, puisque seuls 20 % d’entre elles seraient effectivement exécutées. De cette manière, s’est installée l’idée que les gouvernements successifs, même s’ils le voulaient, ne seraient pas en mesure de traiter le problème, ni même d’assurer l’application de la loi.

Dans ce contexte, le discours extrémiste porté par Marine le Pen et Eric Zemmour rencontre une appréciation positive large, non sans une certaine confusion entre immigration légale et illégale, intégration et accueil.

Parce qu’elle s’appuie sur le soutien d’une large partie de l’opinion, la communication de l’extrême droite sur l’immigration a souvent déstabilisé les responsables gouvernementaux, les conduisant à deux écueils :

  • Soit nier les données objectives, notamment la difficulté à éloigner les étrangers en situation irrégulière et les problématiques d’intégration de certains immigrés.
  • Soit se livrer à une condamnation morale ou, pire, à un procès en amateurisme juridique, affirmant que les mesures proposées mèneraient la France à des condamnations devant les juridictions nationales et européennes.

Ces deux types d’argumentaires ont depuis longtemps désormais démontré leur inefficacité et ont probablement eu pour effet de renforcer le camp qu’ils cherchaient à affaiblir.

Notre argumentaire cherche au contraire à démontrer le caractère inopérant, voire contre-productif des solutions proposées par l’extrême-droite pour répondre aux problèmes que pose l’immigration illégale et le défaut d’intégration de certains immigrés ou enfants d’immigrés en France, en se gardant d’un recours à la morale aussi bien que du déni des réalités. Sont examinées ici principalement les propositions du candidat Eric Zemmour ainsi que celles de la candidate du Rassemblement National, Marine Le Pen, telles qu’elles apparaissent dans la loi « citoyenneté-identité-immigration » qu’elle propose de soumettre à référendum si elle était élue en avril prochain, et dans ses prises de parole publiques.

Le chantage à l’aide publique au développement, aux visas et aux transferts financiers

Marine le Pen propose un chantage à l’aide publique au développement, aux visas et aux envois de fonds avec les pays du Maghreb pour les inciter à accepter de délivrer davantage de laissez-passer consulaires, c’est-à-dire à reconnaître leurs ressortissants en situation illégale sur le territoire français et à les accueillir au retour sur leur sol. Il faut en effet savoir que sans laissez-passer consulaire du pays de destination, les étrangers en situation irrégulière ne peuvent tout simplement pas être expulsés.

Cette proposition pourrait-elle être efficace ? Commençons par l’aide au développement. La France pourrait-elle faire levier des sommes qu’elle consacre à cette mission pour obtenir des autorités des pays bénéficiaires un comportement plus coopératif au retour de leurs ressortissants ? En réalité, compte tenu des montants envisagés, il est peu probable que ce levier s’avère très dissuasif. L’Algérie, premier pays d’origine des immigrés en France, n’a par exemple qu’un encours de 35 millions d’euros auprès de l’Agence française de développement (AFD), soit 0,03% du PIB algérien en 2020. C’est à l’évidence beaucoup trop peu pour l’intimider. Ce levier est donc largement imaginaire.

Les envois de fonds privés, ensuite. On parle ici essentiellement des transferts de fonds privés des travailleurs immigrés à destination de leur famille restée dans le pays d’origine. Ils représentent des sommes beaucoup plus conséquentes. La Banque mondiale les a évalués à plus de 550 milliards de dollars en 2019 au niveau mondial. Selon une estimation, les transferts de fonds privés depuis la France représentaient plus de 14 milliards de dollars (environ 12 milliards d’euros) au début des années 2010. Et, selon la même source, les immigrés algériens en France auraient envoyé 1,4 milliard de dollars dans leur pays d’origine en 2014 (une moyenne de 94 euros par mois et par personne), soit 40 fois plus que l’encours auprès de l’Agence française de développement ou encore l’équivalent de 0,6 % du Pib algérien de l’époque.

Ce levier d’action présente toutefois de graves inconvénients que l’extrême droite se garde d’évoquer. D’une part, la plus grande partie de ces transferts se font « de la main à la main » : par un intermédiaire physique ou lors d’un retour au pays en liquide. Ils ne peuvent donc pas être « capturés » par une opération auprès des organismes bancaires du type « Western Union » ou alors de façon minoritaire. Et si une telle opération était envisagée, elle se solderait immanquablement par une augmentation des transferts informels. D’autre part, ces transferts contribuent au développement local et, contrairement à l’aide publique, ne peuvent être captés par une bureaucratie locale mal organisée, voire corrompue. Les mêmes qui prétendent préférer aider au développement dans les pays d’origine plutôt que d’accueillir des migrants devraient au contraire encourager ces transferts de fonds. Inversement, les freiner, c’est prendre le risque d’inciter un peu plus au départ celles et ceux qui se trouveront privés de cette aide. L’objectif poursuivi depuis des années par la Banque mondiale est justement pour cette raison de baisser les frais de transfert pour favoriser le développement local.

La politique de chantage aux visas, également soutenue par la candidate Les Républicains, risque de s’avérer également peu productive. D’une part, la politique d’octroi des visas n’a rien d’automatique et elle est déjà mise en œuvre par le gouvernement actuel. Toujours dans le cas algérien, les visas accordés sont passés de 413 000 en 2017 à 297 000 en 2018 puis à 275 000 en 2019, soit une baisse de 33% sur la période considérée (l’année 2020 est moins significative du fait de la pandémie). Cette baisse ne tient pas à une chute des demandes mais pour l’essentiel à une hausse du taux de refus : en 2019, plus d’une demande sur deux (54 %) est refusée par les autorités consulaires françaises qui ont considérablement renforcé les contrôles et durci l’application des critères de Schengen. Ces restrictions ne se sont pourtant pas traduites par une hausse des laissez-passer consulaires de la part des autorités algériennes : alors qu’il était supérieur à 50% au début de la période, le taux d’obtention de laissez-passer consulaire est tombé 34% au premier semestre 2020.

En septembre 2021, la France a d’ailleurs déjà mis à exécution la politique de « chantage aux visas » en décidant de baisser de 50% leur octroi pour les pays du Maghreb au motif qu’ils coopéraient insuffisamment au retour de leurs ressortissants en situation irrégulière. Il est trop tôt pour en mesurer les effets, mais les évolutions récentes de la relation bilatérale entre la France et l’Algérie inclinent plutôt à une détente de la situation. Elles montrent en tout cas que la problématique « visas contre laissez-passer consulaires » ne peut être isolée de nombreux autres dossiers (échanges économiques, survol du territoire algérien par l’aviation française, disputes mémorielles, relations avec les autres puissances régionales, lutte contre le développement de l’islamisme radical au Sahara et au Sahel, etc.). Il est difficile d’imaginer que l’ensemble des enjeux géopolitiques et des intérêts français dans la région pourrait être sacrifié au seul dossier migratoire et qu’une prochaine majorité pourrait s’affranchir de ce réseau de contraintes.

D’autre part, si elle était maintenue en longue période, une politique de chantage aux visas « toutes catégories confondues » risquerait de bloquer indistinctement des migrations durables et des déplacements touristiques, des voyages d’affaires, des déplacements commerciaux. Elle mettrait en péril une relation économique qui n’a rien à voir avec l’immigration d’installation. Enfin, comme pour les transferts de fonds privés, les restrictions du nombre de visas accordés par la France pourraient se traduire par une augmentation des flux illégaux.

Au total, les visas et les transferts financiers sont davantage des outils de régulation que des instruments efficaces de chantage, leur réduction étant par construction synonyme d’augmentation des flux illégaux ou informels.

Ainsi, il n’y a guère d’autre chemin que la voie diplomatique. Des exemples positifs plaident en sa faveur, comme dans le cas de la Géorgie et de l’Albanie, deux pays qui sont exemptés de visas dans l’UE pour une durée inférieure de 90 jours, avec une logique de contreparties : mieux lutter contre les flux migratoires à destination de la France contre une accélération du traitement des demandes de titres de séjour. Mais la voie diplomatique peut aussi conduire à « acheter » sa tranquillité comme l’a fait l’Union européenne avec la Turquie pour retenir les flux de migrants en provenance de Syrie et à destination de l’Europe en échange d’un soutien financier de plusieurs milliards d’euros. Il faut rappeler que c’est une stratégie à la fois coûteuse et piégeuse. Coûteuse car les pays qui acceptent de jouer ce rôle de tampon augmentent régulièrement le prix de leurs services. Piégeuse car ils ne tardent pas à faire levier de leur intervention pour obtenir toutes sortes de concessions sur d’autres fronts.

L’arrêt total des flux d’immigration légale

Outre ces leviers destinés à favoriser l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, l’extrême droite promet également de réduire les flux d’entrées légales. Eric Zemmour propose même tout simplement dans son programme de « stopper les flux », en mettant fin au regroupement familial, en limitant le droit d’asile à quelques personnes par an, en imposant le dépôt des demandes d’asile à l’étranger et en sélectionnant mieux les étudiants étrangers.

Ces propositions concernent des canaux d’immigration de droit. Le droit à vivre en famille est en effet consacré par des dispositions de niveau constitutionnel relatives au respect de la vie privée, par la Convention européenne des droits de l’homme et par la Convention internationale des droits de l’enfant. De la même façon, la protection internationale des réfugiés est organisée par la Convention de Genève dont la France est signataire. Par définition, le préalable de ces mesures est de sortir des conventions internationales qui les soutiennent et de revoir le préambule de la Constitution française. Si cette perspective n’effraie pas les promoteurs de ces propositions, elle peut toutefois inspirer quelques réserves concernant nos quelques 3,5 millions de compatriotes qui vivent à l’étranger et profitent eux aussi d’une partie de ces droits. On imagine que leur situation familiale serait compliquée si la réciprocité des droits cessait d’être assurée.

Mais c’est surtout l’arrêt radical des flux légaux d’immigration qui poserait de multiples questions. Sur quelle base légitime sélectionnerait-on les étudiants ayant droit d’étudier dans notre pays et qu’en coûterait-il au rayonnement de notre pays ? Qu’adviendrait-il des mariages mixtes qui, selon l’Ined, représentent plus de 15% des mariages célébrés en France ? Serions-nous prêts à nous priver d’une main d’œuvre étrangère dont nous avons pourtant besoin dans plusieurs secteurs ? Dans le domaine de la santé par exemple, 14% des médecins inscrits en 2020 au tableau du Conseil national de l’ordre des médecins avaient été diplômés à l’étranger. L’horizon d’un arrêt des flux légaux est donc en total décalage d’une part avec une réalité connue par de nombreux Français, dans leur famille, leur cercle amical ou professionnel, et d’autre part avec le problème central qui est celui de l’immigration clandestine.

Supprimer les aides à destination des étrangers

Aux leviers de chantage et aux projets de réduction des flux légaux, les candidats d’extrême-droite ajoutent enfin diverses propositions pour supprimer ou réduire les aides sociales aux étrangers : mesures « mettant fin aux pompes aspirantes » chez Eric Zemmour (supprimer l’aide médicale de l’Etat, supprimer les aides sociales aux étrangers extra-européens, renvoyer les étrangers venus travailler au terme d’une période sans emploi de six mois) et mesures réduisant fortement les droits des étrangers chez Marine Le Pen (réserver les prestations familiales aux foyers « dont au moins un des parents est français », conditionner le RSA pour les étrangers à une période de travail d’au moins cinq ans, expulser les étrangers n’ayant pas travaillé pendant un an).

L’idée est que « la solidarité nationale redevienne nationale », notamment en supprimant l’accès aux prestations sociales non contributives, c’est-à-dire celles qui sont versées sans contrepartie de cotisations. Cette restriction du spectre aux aides non contributives s’explique par le fait que les étrangers qui travaillent en France cotisent au même titre que les nationaux et peuvent donc accéder aux prestations sociales ouvertes par ces cotisations. Supprimer les prestations sociales contributives aux étrangers qui travaillent en France reviendrait donc soit à baisser le coût du travail des étrangers, comparativement à celui des nationaux, soit à leur faire payer les prestations sociales des nationaux sans contrepartie.

Si les candidats admettent cette distinction entre aides contributives et non contributives, ils proposent toutefois d’expulser des étrangers au bout d’un an, voire de six mois de chômage, indépendamment des droits ouverts au titre de l’assurance chômage, pour laquelle les étrangers auraient pu cotiser. Par ailleurs, la distinction entre solidarité nationale et logique assurantielle est difficile à saisir pour les prestations familiales qui sont financées à la fois par des cotisations patronales et par des impôts.

Enfin, au-delà de ces approximations, ces propositions reposent sur un présupposé non démontré, selon lequel les immigrés seraient attirés non pas tant par des opportunités d’emploi que par la générosité de l’Etat-providence français, c’est-à-dire par les minima sociaux. Rappelons que cette hypothèse n’est pas étayée par les flux d’immigration, plus limités en France que dans d’autres grands pays occidentaux, tels que l’Allemagne, la Suède et l’Espagne.

Par contre, on peut anticiper que la réduction de ces aides aurait pour effet de limiter l’intégration socio-économique des populations accueillies, sans toutefois rétroagir sur les flux d’immigration, drainés par l’absence de perspectives économiques dans les pays d’origine.

L’intégration, parent pauvre des programmes d’extrême droite

Ainsi, les propositions de l’extrême droite sont en décalage avec les vrais problèmes de l’immigration en France : l’immigration illégale, d’une part, et la difficile intégration de certains étrangers ou nationaux issus de l’immigration, de l’autre. A cet égard, elles sont même contre-productives puisqu’elles visent à rejeter des flux légaux et maîtrisés vers l’illégalité et à réduire des dispositifs d’intégration socio-économiques.

Ces propositions ne traitent pas l’intégration des immigrés et son corollaire, la lutte contre le communautarisme, qui est le point le plus sensible et difficile. Alors que l’absence d’intégration – ou le défaut « d’assimilation » dans le vocabulaire d’Eric Zemmour – est dénoncée très clairement par les candidats comme la justification de leur politique anti-flux, ils ne proposent rien de concret pour corriger cette situation. Si on met de côté les propositions de surface d’Eric Zemmour faite aux musulmans de France de « se détacher de l’islam » pour adopter une « pratique ‘chrétienne’ de leur religion » (sic) ou de franciser leurs prénoms et l’expulsion des délinquants et des criminels étrangers, leurs programmes ne proposent rien d’inédit sur la question de l’intégration civique, politique, culturelle, sociale et économique.

Pourtant, c’est bien l’intégration de certains immigrés qui fait défaut. En la matière, on ne peut pas contester le renforcement depuis 2016 des moyens des politiques d’intégration nationale, notamment avec la mise en place du parcours personnalisé d’intégration républicaine (signature du contrat d’intégration républicaine, passage de 12 heures à 24 heures de formation civique, renforcement de l’accès professionnel, doublement des heures d’apprentissage du français, exigences fortes en langue française et en connaissance civilisationnelle pour l’obtention d’un titre de séjour et d’une carte nationale), et de lutte contre la radicalisation (plans de lutte contre la radicalisation lancée sur 15 quartiers en février 2018, création des cellules départementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR) en 2019). La récente loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République vient également renforcer l’appareil de contrôle de l’Etat avec le contrôle sur les actes des collectivités locales qui porteraient gravement atteinte à la laïcité ou à la neutralité dans un service public (cantines, équipement sportifs…), le contrôle des associations recevant des subventions publiques et des fonds de dotation, le contrôle des associations cultuelles et des lieux de culte et le contrôle de l’instruction d’un enfant en famille.

Si des moyens importants, humains et matériels, sont associés à ce récent véhicule législatif, ce dernier pourrait s’avérer pertinent pour lutter contre le prosélytisme islamiste. Toutefois, une loi n’est rien sans la force publique et la volonté politique ; c’est loin d’être une œuvre facile et il reste beaucoup à faire sur le terrain, dans les écoles, dans les associations et dans la vie publique pour garantir la capacité de la France à intégrer ses immigrés et lutter contre les dérives radicales et sectaires. Même si le pouvoir est toujours l’épreuve du réel, la responsabilité de ceux qui ont refusé pendant longtemps de voir la situation de certains quartiers et espaces urbains ou péri-urbain reste forte.

Il reste que les propositions faites par l’extrême droite consistent surtout à rejeter le problème d’intégration aux frontières pourtant déjà poreuses de l’immigration illégale par des mesures qui n’ont que les apparences et le vocabulaire de la puissance publique sans en avoir l’effectivité. Une fois de plus, la réponse choisie par l’extrême droite à un problème important est celle de la déresponsabilisation. La déresponsabilisation du rôle des nationaux dans la situation et le destin de leur pays, en concentrant tous les maux sur les étrangers. La déresponsabilisation des dirigeants qui devraient se débarrasser d’un problème (« les mettre tous dehors ») lorsqu’ils ne parviennent pas à le résoudre. Cette attitude paresseuse et faussement déterminée nous paraît loin de l’idéal d’un Etat fort qui pourtant la sous-tend ; elle est même dangereuse en ce qu’elle rend les objectifs de vivre-ensemble, de pacification et de sécurité encore plus volatiles.

Alors que le thème de l’immigration s’est déjà imposé dans les débats, cette campagne électorale est plus que jamais le moment de lutter contre les discours qui versent dans deux excès opposés : le repli sur soi, immobile, inadapté et stérile, et l’illusion de faire suffisamment, naïve et irénique. Il est temps de revoir la politique française de l’immigration selon deux bornes positives : à la fois la fermeté et le sérieux sur l’immigration clandestine, en utilisanttous les leviers diplomatiques possibles, en renforçant les moyens européens pour contrôler les frontières extérieures et en développant des procédures accélérées pour les demandes d’asile peu susceptibles d’aboutir, d’une part, et, de l’autre, une intégration civique, politique, sociale et économique qui concentre les moyens d’action de la puissance publique.

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Dominique Epervier