Édito

Ce que disent les citoyens sur la fin de vie

Publié le 3 avril 2023
Les conventions citoyennes peuvent-elles renforcer le lien démocratique ? Pour les 184 citoyens tirés au sort qui viennent de remettre leurs conclusions sur la fin de vie au Président de la République, la réponse est oui. « Il est temps que la parole citoyenne soit pleinement entendue et prise en compte » : ainsi concluent-ils le manifeste qui clôt leurs quatre mois de délibération. Après des débats dont chacun salue aujourd’hui le sérieux, la majorité de la Convention s’est prononcée en faveur d’une ouverture à l'aide active à mourir. Comment la mettre en œuvre ? Le rapport conclusif de la convention détaille un nuancier de scénarios possibles dont le débat public, le Gouvernement et le Parlement doivent à présent s’emparer.
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Quelle est la place des conventions citoyennes délibératives dans notre démocratie ? La Grande conversation avait exploré ce débat fin 2021 au lendemain de la Convention citoyenne sur le climat, à travers les contributions de Dominique Schnapper, Gérard Grunberg, Yves Sintomer et Thierry Pech. Subversion risquée de la démocratie représentative ou invention d’une démocratie d’interaction ? La Convention citoyenne sur la fin de vie quant à elle a clairement conçu son apport comme une clarification féconde du débat public. D’abord en refusant d’opposer le développement des soins palliatifs et l’ouverture d’une aide médicale à mourir : il est temps de sortir ce débat de la logique de conflit camp contre camp, comme l’ont écrit ici la juriste Martine Lombard ou les médecins Régis Aubry et François Blot.

Ensuite en refusant, majoritairement, de donner consistance à l’opposition entre suicide assisté et euthanasie, comme l’avait développé ici Mélanie Heard : pour une majorité des citoyens de la Convention, il n’y aurait pas de sens à discriminer les patients en fin de vie selon qu’ils peuvent ou non accomplir l’ultime geste létal qu’ils désirent.

Enfin, en faisant le choix d’assumer la responsabilité d’un travail au fond, pragmatique, précis, jusqu’au détail des nuances dans des arbitrages difficiles. « Pour vivre ensemble et légiférer, il faut négocier, parvenir à des « accords sur fond de désaccords » » : la Convention citoyenne a parfaitement illustré ce mot d’ordre qui concluait la contribution de Corinne Pelluchon à notre dossier.

Car c’est bien là la ligne du dossier que la Grande conversation a consacré à cet enjeu depuis six mois : le traitement qu’appelle le débat sur l’aide à mourir doit dépasser, comme l’ont exploré Mélanie Heard et Marc-Olivier Padis, les flous lexicaux, les dilemmes théoriques et même les militantismes. C’est une question politique qui nous est adressée à tous, par des citoyens de chair et d’os que le cadre législatif actuel laisse sur le bord de la route – au point de devoir « aller mourir en Suisse » selon le titre de la contribution du journaliste Bernard Poulet.

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Le débat public, que les conclusions de la Convention citoyenne entendent fertiliser en y versant un « nuancier d’opinions » précises et argumentées, doit maintenant explorer une multiplicité de scénarios possibles dont François Blot a proposé tout récemment une synthèse éclairante. Lequel de ces scénarios constituera le « modèle français d’aide à mourir » que le Président de la République a appelé aujourd’hui de ses vœux ? Pour nous, la sagesse pratique d’une société fraternelle commandera en tous cas de refuser de ne voir en cette affaire que l’ouverture aux patients en fin de vie d’une liberté solitaire de se suicider en guise d’ultime recours, comme c’est le cas dans le modèle de suicide assisté de l’Oregon critiqué ici par Mélanie Heard. L’enjeu du débat législatif à venir ne sera pas de créer un « droit de mourir à sa guise » mais un « droit d’être aidé à mourir » quand la vie devient souffrance réfractaire : une demande d’aide qui nous est adressée comme une demande de fraternité.

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