Les élections européennes ont donné lieu à plusieurs types d’analyses. Tout d’abord, dans l’année qui a précédé la campagne électorale européenne, le décryptage des résultats des élections nationales qui se déroulaient à travers l’Europe : Pays-Bas, Espagne, Suède, Pologne, Portugal… Une question transversale dominait ces analyses : la vague populiste était-elle en train de se renforcer ? Au-delà de situations nationales toujours singulières, l’extrême droite prenait-elle une dimension européenne ou la tendance était-elle plutôt celle d’un glissement général des électorats vers la droite ? La critique des avancées récentes en matière de politique environnementale est apparue comme la passerelle privilégiée rapprochant les mouvements conservateurs de l’extrême droite. La possibilité d’une alliance des groupes parlementaires conservateurs et populistes dans la nouvelle assemblée européenne pouvait déjà être envisagée.
Un deuxième ensemble d’interventions permettait de parcourir les grands thèmes de la campagne électorale européenne : la souveraineté européenne, la politique d’élargissement, la relation franco-allemande, le budget européen, la politique de défense, la politique de santé, le pacte migratoire européen, la politique agricole commune, la politique de cohésion, etc. Plusieurs contributions ont porté sur la critique des programmes électoraux de La France Insoumise et du Rassemblement national. Après le jour du vote, un nouveau tour d’Europe permettait de faire le point sur un ensemble de résultats significatifs chez nos voisins : en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Pologne, aux Pays-Bas, en Hongrie et en Suède. Au-delà des situations nationales, un regard transversal sur l’état des gauches en Europe montrait l’affaiblissement des sociaux-démocrates à la fois au Parlement et au Conseil européen. Pour la France également, le constat post-électoral est celui d’un recul annoncé de son influence au sein des institutions européennes.
En France, le résultat du vote a été immédiatement écrasé par l’annonce imprévue de la calamiteuse dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République. Comme on pouvait s’y attendre, la « clarification » souhaitée par le chef de l’Etat n’a pas eu lieu et la fragmentation des forces politiques s’est aggravée au Parlement. Sur l’élan de son bon score européen, le Rassemblement national a poursuivi sa progression, au point de donner l’impression d’une avancée inéluctable. Les clivages de la société française révélés par le vote ne sont cependant pas évidents à interpréter, les oppositions territoriales restant soumises à un débat contradictoire. L’inertie politique de l’été et les blocages partisans ont ensuite occulté le message des urnes, à savoir la nécessité de prolonger le front républicain dans une coalition au Parlement. Mais ce retour nécessaire d’un fonctionnement parlementaire de nos institutions se heurte aux anciennes habitudes présidentialistes partagées à l’Elysée comme au Palais bourbon. Sans majorité ni promesse sérieuse de non-censure, le gouvernement de Michel Barnier s’aventurait dangereusement en territoire inconnu. Mais, en quelques mois, il a dû prendre acte de l’impasse dans laquelle il s’était engagé et subir une large motion de censure, fait sans précédent depuis 60 ans. L’équation politique reste cependant strictement la même pour le nouveau Premier ministre, François Bayrou, qui ne pourra compter, au mieux, que sur une coalition de non-censure.
C’est enfin l’élection présidentielle américaine qui a retenu l’attention tout au long de l’été et de l’automne. La quasi-simultanéité des élections américaines, britanniques et françaises donnait une occasion unique de comparer les programmes économiques de la gauche dans ces pays, montrant une singularité de la position française, peu tournée vers l’innovation, la compétitivité et la production de richesse. Dans un contexte de grand flou sur l’issue du vote, il était intéressant de suivre les thèmes dominants de la campagne outre-Atlantique : écologie, aides sociales et politique familiale, santé, immigration, politique extérieure, etc. Les Européens redoutaient la réélection de Donald Trump tout en cultivant une forme de déni sur les conséquences qui en découleraient inéluctablement pour la relation atlantique. Le choix assumé des électeurs témoigne de déplacements importants des profils électoraux et notamment chez les minorités. L’analyse des résultats montre que la grande coalition des électorats sur laquelle les Démocrates comptaient depuis Obama s’est défaite. La difficulté des Démocrates à convaincre les classes populaires place désormais la gauche américaine devant un défi de renouvellement programmatique et stratégique.